Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 2007059 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 mai 2023, le 19 octobre 2023 et le 12 mars 2024, M. A..., représenté par Me Abib, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mars 2023 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et majorations en litige au titre de l'année 2015 à hauteur de 519 202 euros.
Il soutient que :
- le fonds de commerce qu'il a cédé en 2015 n'était pas sous-évalué ;
- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré en ce qui concerne le défaut de déclaration de la plus-value de cession du fonds de commerce ;
- cette majoration a été appliquée en méconnaissance de la doctrine administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-20.
Par des mémoires en défense enregistrés le 22 septembre 2023, le 21 décembre 2023 et le 5 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions tendant à la décharge des impositions établies au titre des années 2016 et 2017 ainsi que majorations correspondantes, et des impositions établies au titre de l'année 2015 ainsi que des majorations correspondantes sont irrecevables en tant qu'elles portent sur un montant excédant 410 195 euros.
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Abib, substituant Me Abib.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui exerçait sous la forme d'une entreprise individuelle une activité de pharmacien à Marseille depuis 2012, a cédé le fonds de commerce le 8 juin 2015 à la société d'exercice libéral par actions simplifiée unipersonnelle (SELASU) C..., dont il est le dirigeant et l'unique associé, pour un prix de 1 900 000 euros. A l'issue d'un premier contrôle sur pièces des déclarations de M. A..., l'administration fiscale a imposé la plus-value de cession de ce fonds de commerce, d'un montant de 1 610 500 euros. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SELASU D... A... et d'un second contrôle sur pièces des déclarations de M. A..., l'administration a notamment rehaussé le montant de cette plus-value de cession, estimant que le prix de cession avait été sous-évalué. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mars 2023 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015 à raison de l'imposition de la plus-value de cession du fonds de commerce, ainsi que des majorations correspondantes.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts : " 1. (...) les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. / 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : / a. Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans (...) / b. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt (...) / c. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession de titres de sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A (...) / 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2 (...) ". Aux termes de l'article 39 quindecies du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. 1. (...) le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 % (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que le prix de cession du fonds de commerce de M. A..., soit 1 900 000 euros, a été déterminé selon les explications de l'expert-comptable en faisant application d'un rapport de 77 % au chiffre d'affaires réalisé par M. A... au cours de l'année 2013, qui s'élevait à 2 472 989 euros. L'administration a estimé que la valeur du fonds à la date de sa cession, le 8 juin 2015, devait être déterminée en retenant le chiffre d'affaires de la dernière année précédant la vente, c'est-à-dire l'année 2014, soit un montant de 3' 137 973 euros, et en faisant application d'un rapport de 75,06 %, correspondant au rapport moyen entre la valeur de quatre fonds d'officines similaires cédées dans les deux années précédant la cession en cause et le chiffre d'affaires du dernier exercice, et a ainsi déterminé une valeur de 2 355 363 euros. Contrairement à ce qui est soutenu, l'administration, qui n'était pas tenue de retenir la moyenne des trois dernières années afin d'évaluer la valeur du fonds de commerce à la date de sa cession, a pu retenir le seul chiffre d'affaires de l'année 2014, qui était seulement la deuxième année entière d'exploitation de l'officine par M. A..., ce chiffre d'affaires étant d'ailleurs sensiblement identique à celui qui a ensuite été réalisé par la SELASU D... A... en 2015, 2016 et 2017. Par ailleurs, si M. A... fait valoir que le rapport de 75,06 % dont l'administration a fait application pour évaluer le fonds, déterminé en retenant des termes de comparaison correspondant à des fonds de commerces situés dans d'autres quartiers de Marseille, ne prend en compte ni les critères défavorables ni les spécificités de son activité, ce rapport est inférieur au rapport de 77 % qui a été retenu par M. A..., alors que ce rapport avait lui-même été déterminé par l'expert-comptable du requérant en tenant compte des différents critères défavorables. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration était fondée à réévaluer le prix de cession du fonds de commerce de M. A..., et, en conséquence, à rehausser la plus-value de cession de 453 363 euros.
Sur les pénalités :
4. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
5. L'administration a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mises en recouvrement le 31 octobre 2018 et auxquelles M. A... a été assujetti au titre de l'année 2015 à raison de l'imposition de la plus-value de cession du fonds de commerce de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration s'est fondée sur l'importance du montant de la plus-value et sur la circonstance que M. A..., qui avait consulté une société spécialisée dans la cession d'entreprise et pouvait recourir au conseil de son expert-comptable lors de l'établissement de sa déclaration de revenus, ne pouvait ignorer avoir réalisé cette plus-value. En se bornant à faire état de ces éléments, sans prendre en compte les circonstances particulières de l'affaire, résultant de la mention de la plus-value sur la déclaration des bénéfices industriels et commerciaux souscrite par M. A..., et du versement antérieur au dépôt par l'intéressé de sa déclaration de revenus, en exécution d'une opposition au prix de vente du fonds, d'une somme de 507 308 euros correspondant à l'impôt sur le revenu et aux prélèvement sociaux assis sur la plus-value, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve que le comportement du requérant ait procédé d'une intention délibérée de dissimulation de revenus imposables. Ainsi, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère délibéré du manquement qu'elle lui reproche en ce qui concerne le défaut de déclaration de la plus-value de cession du fonds de commerce au titre de l'année 2015. Dès lors, M. A... est fondé à demander la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont l'administration a fait application aux droits résultant de l'imposition de cette plus-value.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre quant au quantum du litige dès lors que la décharge prononcée reste inférieure au total mentionné, que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de la majoration de 40 % qui a été appliquée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts aux droits résultant de l'imposition de la plus-value de cession de son fonds de commerce au titre de l'année 2015.
D É C I D E :
Article 1er : M. A... est déchargé de la majoration de 40 % dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015 par deux avis d'imposition mis en recouvrement le 31 octobre 2018.
Article 2 : Le jugement n° 2007059 du 17 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Mastrantuono, première conseillère,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2024.
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N° 23MA01232