Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2023, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2309503 du 15 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 février 2024 et le 4 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Zerrouki, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente, dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous les mêmes conditions d'astreinte, une autorisation provisoire de séjour et à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa demande dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer dans un délai de dix jours une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'au regard des déficiences en matière d'offre de soins dans son pays d'origine, il ne peut effectivement soigner ses différentes pathologies en Tunisie ;
- son état de santé s'est aggravé et nécessite un suivi médical impossible dans son pays d'origine ;
- et en outre, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le 21 octobre 2024, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations.
Par une décision en date du 28 juin 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 7 mai 1949 à Haidra, est entré en France le 20 janvier 2021 sous couvert d'un visa de quatre-vingt-dix jours. Il a sollicité une première fois, le 8 juin 2021, la délivrance d'un certificat de résidence à raison de son état de santé sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 septembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le 24 octobre 2022, l'intéressé a sollicité à nouveau la délivrance d'un certificat de résidence à raison de son état de santé. Par un arrêté du 17 juillet 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. B... fait régulièrement appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions de l'article L. 425-9, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionné à l'article R. 425-11, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Enfin, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié au sens des dispositions précitées, il n'y a pas lieu de rechercher si les soins y sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un syndrome coronarien aigu intervenu le 17 mars 2021 et d'un accident cardiovasculaire survenu le 12 mai 2021, M. B... souffre d'hémiparésie des membres inférieur et supérieur gauches, et d'une thrombopénie, assortis d'un diabète de type 2, d'hypertension artérielle, d'hypercholestérolémie et de dyslipidémie. L'intéressé fait valoir qu'il a bénéficié de l'implantation, le 7 février 2022, d'un holter sous cutané dans le cadre du bilan étiologique d'accident cardiovasculaire qui nécessite une surveillance cardiologique régulière en raison d'une télémédecine et que son état de santé nécessite une prise en charge spécialisée dont il ne pourrait pas bénéficier dans son pays d'origine. Pour refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 10 février 2023 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aux termes duquel cet organisme a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le maintien de celui-ci sur le territoire français n'était pas nécessaire dès lors qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la Tunisie, vers lequel il pouvait voyager sans risque. Pour remettre en cause l'appréciation ainsi portée, M. B... produit notamment le compte rendu d'implantation d'un holter sous cutané établi en février 2022 par le docteur C... qui précise que ce dispositif nécessite une surveillance par télétransmission ainsi que le certificat établi le 18 août 2023 par une médecin généraliste remplaçante aux termes duquel elle mentionne que l'intéressé ne pourrait absolument pas bénéficier de ce télé-suivi du système d'enregistrement du holter en Tunisie. Toutefois, aucun des documents médicaux produits n'apporte d'élément ni sur les autres modalités de suivi des enregistrements du rythme cardiaque du M. B... ni sur l'existence de dispositifs de substitution dans son pays d'origine et ne précise pas en quoi ceux-ci ne seraient pas suffisants au regard de l'état de santé de l'intéressé. Les certificats produits n'apportent par ailleurs aucun élément sur la disponibilité ou non des traitements médicamenteux prescrits à M. B... pour le traitement des pathologies dont il souffre. Par suite, en estimant que ce dernier ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si M. B... soutient qu'il réside en France et qu'il a besoin de la présence de sa fille notamment pour l'habillage et la toilette, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France très récemment en 2021, à l'âge de soixante-et-onze ans et que son épouse réside en Tunisie. Ainsi qu'il a été exposé au point 6, la nécessité de demeurer sur le territoire français en raison de son état de santé, n'est pas démontrée par les certificats médicaux qui sont produits ni par les éléments généraux dont l'appelant se prévaut dès lors que ces documents n'établissent pas l'impossibilité pour M. B... d'accéder à un traitement approprié dans son pays d'origine. Enfin, si l'intéressé fait état de la nécessité d'être pris en charge et assisté par sa fille, il n'est pas établi que la présence de cette dernière serait indispensable ni qu'il ne pourrait bénéficier d'aucune aide équivalente en cas de retour en Tunisie. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Zerrouki.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 novembre 2024.
N° 24MA00387 2