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13/11/2024 | FRANCE | N°24MA02522

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, Juge des référés, 13 novembre 2024, 24MA02522


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet des Alpes-Maritimes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution de la délibération du 11 avril 2024 par laquelle le conseil municipal de la commune de Drap a accordé à son maire le bénéfice de la protection fonctionnelle.



Par une ordonnance n° 2404745 du 18 septembre 2024, le juge de

s référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de cette délibération et a rejeté les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution de la délibération du 11 avril 2024 par laquelle le conseil municipal de la commune de Drap a accordé à son maire le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par une ordonnance n° 2404745 du 18 septembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de cette délibération et a rejeté les conclusions de la commune de Drap présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er octobre 2024, la commune de Drap, représentée par Me Willm, de la SERLARL W et W, demande au juge des référés de la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Nice du 18 septembre 2024 ;

2°) de rejeter le déféré suspension présenté par le préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, pour irrecevabilité de son déféré au fond, et, subsidiairement, comme non fondé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- le déféré exercé au fond par le préfet est irrecevable car tardif, son recours gracieux ayant été adressé à tort au maire de la commune, qui s'était déporté, et non à celle-ci ou à la première adjointe, et aucune disposition n'imposant la transmission à l'autorité compétente ;

- l'unique moyen du déféré suspension n'est pas sérieux et a été retenu à tort par le juge des référés du tribunal, dès lors, en premier lieu, que la commune était tenue, en application de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, d'accorder à son maire la protection fonctionnelle pour des faits relatifs à l'exercice de ses fonctions, les sommes en cause ayant été versées sur le compte bancaire communal et ne procédant pas de détournement de fonds publics, et en second lieu, que la demande de protection ne pouvait être adressée au syndicat dont il avait démissionné le 8 décembre 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2024, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Le président de la Cour a donné délégation à M. Revert pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux administratifs du ressort de la Cour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert, magistrat désigné,

- et les observations de Me Karbowiak, représentant la commune de Drap, qui a d'abord rappelé le contexte de l'affaire, qui a ensuite repris sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du déféré préfectoral, compte tenu plus particulièrement du caractère personnalisé du recours gracieux adressé au maire ès qualités et de l'inapplicabilité des dispositions du code des relations entre le public et l'administration, a par ailleurs souligné, d'une part, qu'il est surprenant de la part du représentant de l'Etat de soutenir la compétence du syndicat intercommunal pour statuer sur la demande de protection fonctionnelle alors que le syndicat est à l'origine des poursuites pénales contre le maire, d'autre part, que celui-ci a démissionné le 8 décembre 2021, ne pouvant, de ce seul fait, se retourner vers le syndicat et enfin, que les mandats de paiement en cause ont été virés sur un compte bancaire communal et que les quatre factures en litige ont été libellées également au nom de la commune, de sorte que c'est bien à raison de ses fonctions municipales que le maire a été l'objet de ces poursuites, pour lesquelles une première audience est prévue en janvier 2025.

Une note en délibéré a été produite le 5 novembre 2024 pour la commune de Drap.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 11 avril 2024, le conseil municipal de la commune de Drap a accordé à son maire le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le cadre de poursuites pénales engagées à son encontre pour avoir signé, pour le compte du syndicat intercommunal de traitement et de collecte des eaux usées de la Vallée des Paillons, deux mandats de paiement au profit de la commune de Drap alors qu'il était démissionnaire de ses fonctions de président de ce syndicat et pour avoir fait acquitter par le syndicat quatre factures, en lieu et place de la commune. Par une lettre du 6 juin 2024, reçue par la commune le 12 juin 2024, le préfet des Alpes-Maritimes a demandé au maire de faire retirer cette délibération par le conseil municipal, au motif que les faits à raison desquels la protection était accordée se rapportent à des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions de président du syndicat intercommunal de traitement et de collecte des eaux usées de la Vallée des Paillons, et non dans l'exercice de son mandat de maire. Par une ordonnance du 18 septembre 2024, dont la commune de Drap relève appel, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de cette délibération au motif de l'incompétence de la commune pour statuer sur la demande de protection fonctionnelle de son maire.

Sur le cadre juridique applicable à la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. / (...) / Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. (...) L'appel des jugements du tribunal administratif ainsi que des décisions relatives aux demandes de suspension prévues aux alinéas précédents, rendus sur recours du représentant de l'Etat, est présenté par celui-ci. ".

3. Il résulte de ces dispositions du code général des collectivités territoriales, et notamment du sixième alinéa, précité, de l'article L. 2131-6, que lorsque le juge des référés du tribunal administratif se prononce sur une demande de suspension présentée par le représentant de l'Etat en application de cet article, sa décision, qui n'entre pas dans le champ d'application des articles L. 521-1 à L. 523-1 du code de justice administrative relatifs au juge des référés statuant en urgence, est susceptible de faire l'objet d'un appel (CE, 11 mars 2005, Ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c/ Commune d'Avion et autres, n° 276181).

Sur la recevabilité du déféré préfectoral :

4. L'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, relatif à la convocation du conseil municipal, dispose que : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour (...) ". Si le conseil municipal est seul compétent pour retirer une délibération décidant d'accorder au maire le bénéfice de la protection fonctionnelle, ou pour abroger tout ou partie de cette délibération, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Par suite, le maire a compétence pour rejeter un recours gracieux contre une délibération du conseil municipal décidant de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle.

5. Par ailleurs, l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dispose que : " Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction. / Lorsqu'ils estiment se trouver dans une telle situation : / (...) 2° Sous réserve des exceptions prévues au deuxième alinéa de l'article 432-12 du code pénal, les personnes titulaires de fonctions exécutives locales sont suppléées par leur délégataire, auquel elles s'abstiennent d'adresser des

instructions (...) ".

6. Enfin, lorsqu'une autorité administrative est saisie d'une demande ou d'un recours gracieux qui n'entrent pas dans sa compétence, cette autorité est tenue de transmettre cette demande ou ce recours à l'autorité compétente pour en connaître, dès lors que l'autorité incompétemment saisie et l'autorité compétente relèvent de la même collectivité publique.

7. La délibération en litige ayant été reçue en préfecture le 15 avril 2024, le préfet des Alpes-Maritimes en a demandé le retrait au maire de la commune, pris en cette seule qualité, par le courrier du 6 juin 2024, reçu par la commune le 12 juin. S'il est constant que par un arrêté du 19 avril 2024, reçu en préfecture le 13 mai 2024, le maire de la commune de Drap a, en application de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, décidé de ne prendre aucune mesure en application de cette délibération et de désigner sa première adjointe pour l'exécuter et la mettre en œuvre, un tel arrêté ne dispensait pas les services de la commune, laquelle a été dûment saisie, de transmettre ce recours, dont l'examen est au nombre des attributions ainsi déléguées, à la première adjointe pour qu'il y soit statué dans les conditions énoncées au point 4. Par suite, la circonstance que le recours gracieux du préfet des Alpes-Maritimes, formé dans le délai de recours contentieux, n'a pas été adressé directement à la première adjointe au maire de la commune de Drap, mais au maire lui-même, demeure sans incidence sur l'effet de prorogation de ce délai produit par ce recours. Le déféré exercé par le préfet des Alpes-Maritimes contre la délibération en litige, enregistré au greffe du tribunal administratif de Nice le 27 août 2024, n'était donc pas tardif, ainsi que l'a estimé le premier juge.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

8. Aux termes de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de ses fonctions que s'il est établi qu'il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie./ La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions./ La commune est tenue de souscrire, dans un contrat d'assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de l'obligation de protection à l'égard du maire et des élus mentionnés au deuxième alinéa du présent article. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le montant payé par la commune au titre de cette souscription fait l'objet d'une compensation par l'Etat en fonction d'un barème fixé par décret. (...) ".

9. En outre, l'alinéa 2 de l'article L. 5211-15 du même code dispose que : " Les dispositions de l'article L. 2123-34 relatives à la responsabilité des élus sont applicables au président et aux vice-présidents ayant reçu délégation ".

10. Si, à l'appui de sa requête d'appel, la commune de Drap soutient, d'une part, que son conseil municipal était tenu en application des dispositions législatives citées au point 8, d'accorder à son maire la protection fonctionnelle pour des faits relatifs à l'exercice de ses fonctions, et d'autre part qu'il était légalement impossible au syndicat intercommunal de traitement et de collecte des eaux usées de la Vallée des Paillons de statuer sur cette demande de protection, compte tenu de la démission de son président du 8 décembre 2021, acceptée le même jour par le préfet des Alpes-Maritimes, le moyen, retenu par le premier juge des référés pour suspendre l'exécution de la délibération du 11 avril 2024 faisant droit à cette demande, et tiré de l'incompétence du conseil municipal paraît propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette délibération. La commune de Drap n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice en a ordonné la suspension de l'exécution. La requête de la commune de Drap doit par conséquent être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la commune de Drap est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Drap et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Fait à Marseille, le 13 novembre 2024.

2

N° 24MA02522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24MA02522
Date de la décision : 13/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Avocat(s) : WW & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-13;24ma02522 ?
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