Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 2 octobre 2019, par laquelle le recteur de l'académie de Nice a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de sa maladie.
Par un jugement n° 1905687 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2023, Mme C..., représentée par Me Bensa-Troin, doit être regardée comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 janvier 2022 ;
2°) à titre principal, d'annuler la décision du 2 octobre 2019 ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;
Elle soutient que :
- la maladie dont elle souffre est imputable à l'exercice de ses fonctions, ainsi que l'a estimé l'expert désigné par le tribunal ;
- c'est à tort, en revanche que ce même expert a considéré qu'elle n'effectuait pas des gestes correspondant à la description des travaux à réaliser dans le tableau 57B pour retenir une maladie professionnelle ;
- c'est la raison pour laquelle, à titre subsidiaire, elle sollicite la désignation d'un nouvel expert.
Une mise en demeure a été adressée le 10 juillet 2024 au recteur de l'académie de Nice.
Un courrier du 11 septembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2024, le recteur de l'académie de Nice conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 15 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure ;
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., professeure d'anglais au lycée Calmette, après qu'une épicondylite du coude droit lui a été diagnostiquée, a demandé le 3 septembre 2018 la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Le 26 septembre 2019, la commission départementale de réforme des Alpes-Maritimes a émis un avis défavorable à cette reconnaissance. Par une décision du 2 octobre 2019, le recteur de l'académie de Nice, suivant l'avis de la commission de réforme, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Mme C... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande qui a été regardée comme tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement avant-dire-droit du 26 janvier 2022, le tribunal administratif de Nice a prescrit une expertise. A la suite de la remise du rapport par l'expert le 18 mai 2022, par le jugement du 16 mai 2023, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, alors en vigueur au moment où la maladie affectant Mme C... a été diagnostiquée : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contracté en service définis aux II, III et IV du présent article (...)/ II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service./ (...) VI.- Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit :/ (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...)/ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) ".
3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme C..., le recteur s'est fondé sur la circonstance que " la relation de cause à effet n'est pas en relation directe et exclusive avec la maladie professionnelle ". Cette décision a été prise au vu de l'avis de la commission de réforme émis lors de sa séance du 26 septembre 2019 au terme duquel la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie en cause devait être rejetée, faisant suite aux conclusions du médecin agréé et expert, le docteur D... qui considérait que la pathologie de Mme C... ne remplissait pas les conditions du tableau 57B et qu'elle devait être prise en compte dans le cadre de la maladie ordinaire. Un nouveau praticien a été saisi à la demande de l'appelante, le docteur A..., qui a conclu également que l'affectation ne pouvait être reconnue comme maladie professionnelle, que la profession exercée par l'intéressée n'était pas pourvoyeuse de tendinopathie et que les gestes déclarés par Mme C... constituaient des gestes de la vie courante. Enfin, l'expert désigné par le tribunal, le docteur B... a conclu dans son rapport établi le 16 mai 2022 tout à la fois que la pathologie du coude droit présentée par l'intéressée ne correspondait pas à l'une de celles désignées dans le tableau 57B des maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et que cette pathologie présentait un lien direct et certain avec les fonctions exercées par Mme C....
5. Cependant, d'une part et en tout état de cause, il n'appartenait pas aux médecins de se prononcer sur l'imputabilité au service au sens des dispositions des articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et d'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie professionnelle ne suppose aucun rapport d'exclusivité et n'impose pas que l'activité professionnelle soit à l'origine de l'apparition de la pathologie, dont l'imputabilité au service peut être reconnue dès lors qu'elle est significativement aggravée dans le cadre de l'activité professionnelle. Il ressort de l'avis même de l'expert, le docteur B..., que la pathologie affectant Mme C... présente un lien direct et certain avec l'exercice de ses fonctions. Au regard de cet avis, qui n'est pas sérieusement contesté par l'administration, l'imputabilité à l'activité professionnelle de la pathologie déclarée par Mme C... et affectant son coude droit doit être reconnue et la décision du 2 octobre 2019 refusant la reconnaissance de cette imputabilité doit être annulée.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 octobre 2019.
Sur la charge des frais d'expertise :
7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise du docteur B... qui ont été liquidés et taxés à la somme de 1 170 euros par ordonnance du 28 février 2022 de la présidente du tribunal administratif de Nice, antérieurement mis à la charge de Mme C... par le jugement annulé.
D É C I D E :
Article 1er : La décision du 2 octobre 2019 et le jugement du 16 mai 2023 sont annulés.
Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 1 170 euros sont mis à la charge définitive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au recteur de l'académie de Nice.
Copie en sera adressée à l'expert, le docteur B....
Délibéré après l'audience du 28 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 novembre 2024.
N° 23MA01766 2