Vu la procédure suivante :
I°) Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée sous le n° 2103876, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 27 mai 2021, par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille a confirmé la sanction disciplinaire de huit jours de cellule disciplinaire prise à son encontre le 16 avril 2021 par la commission de discipline de la maison d'arrêt de Grasse.
Par un jugement n° 2103876 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée sous le n° 24MA00449 le 23 février 2024, M. C..., représenté par Me Lendom, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 février 2024 ;
2°) d'enjoindre à l'administration pénitentiaire d'effacer de son dossier toute mention relative à la procédure disciplinaire et à la sanction prononcée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au titre de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la procédure disciplinaire est viciée dès lors que son avocate n'a pas été en mesure de prendre connaissance de son dossier disciplinaire, malgré une demande de communication de son dossier en date du 10 avril 2021, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, du paragraphe 2.6.1.3 de la circulaire du 9 juin 2011 relative au régime disciplinaire des personnes détenues majeures, des dispositions de l'article L. 311-9 du code des relations entre le public et l'administration et des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée méconnaît les droits de la défense dès lors que sa demande de visionnage des images de vidéosurveillance n'a pas été satisfaite ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits, dès lors qu'il doit être regardé comme ayant seulement refusé d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que la détention d'une casquette ne pouvait être qualifiée de faute disciplinaire au sens du 1° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale mais constitue, tout au plus, une faute du troisième degré prévue au 1° de l'article R. 57-7-3 de ce même code alors, qu'en tout état de cause, il n'avait pas connaissance qu'un tel fait était prohibé par le règlement intérieur de l'établissement, faute de publicité suffisante ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que la détention d'une casquette ne pouvait être qualifiée de faute disciplinaire au sens du 1° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision en date du 28 juin 2024, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II°) Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée sous le n° 2104414, M. C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 5 août 2021 par laquelle il a été placé, à titre préventif, en cellule disciplinaire de la maison d'arrêt de Grasse à la suite d'un incident du même jour.
Par un jugement n° 2104414 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée sous le n° 24MA00479 le 26 février 2024, M. C..., représenté par Me Lendom, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 février 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 5 août 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au titre de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision litigieuse a été prise par une autorité incompétente en ce qu'il n'est pas justifié d'une délégation de compétence régulièrement consentie à sa signataire ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que son placement, à titre préventif, en cellule disciplinaire ne constituait pas l'unique moyen de mettre fin au trouble né de l'incident du 5 août 2021.
Par une décision en date du 28 juin 2024, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été incarcéré à la maison d'arrêt de Grasse du 27 mars 2020 au 25 août 2021. A la suite d'un incident survenu le 21 mars 2021, la commission de discipline de la maison d'arrêt de Grasse lui a infligé, le 16 avril 2021, une sanction de mise en cellule disciplinaire pour une durée de huit jours. Par une décision du 27 mai 2021, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille a rejeté le recours administratif préalable obligatoire qu'il a formé à l'encontre de ladite sanction. M. C... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande enregistrée sous le n° 2103876 tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2021. Par le jugement n° 2103876 du 8 février 2024, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Par sa requête enregistrée sous le n° 24MA00449, M. C... relève appel de ce jugement.
2. Par une décision du 5 août 2021, la première surveillante a placé M. C..., à titre préventif, en cellule disciplinaire de la maison d'arrêt de Grasse à la suite d'un incident du même jour. M. C... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par le jugement n° 2104414 du 8 février 2024, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Par sa requête enregistrée sous le n° 24MA00479, M. C... relève appel de ce jugement
Sur la jonction :
3. Les requêtes susvisées n° 24MA00449 et n° 24MA00479 ont été introduites par la même personne, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement n° 2103876 tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2021 :
4. L'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale, dans sa version applicable au litige, dispose que : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'un détenu n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur régional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée par le chef d'établissement. Il s'ensuit que les vices propres de la décision initiale ayant nécessairement disparus avec cette dernière, le requérant ne saurait utilement s'en prévaloir. En revanche, eu égard aux caractéristiques de la procédure suivie devant la commission de discipline, cette substitution ne saurait faire obstacle à ce que soient invoquées, à l'appui d'un recours dirigé contre la décision du directeur régional, les éventuelles irrégularités de la procédure suivie devant cette commission préalablement à la décision initiale.
En ce qui concerne la légalité externe :
6. Aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale : " I. - En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. / La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. / (...) / III. - La personne détenue, ou son avocat, peut consulter l'ensemble des pièces de la procédure disciplinaire, sous réserve que cette consultation ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes. / (...) IV. - L'avocat, ou la personne détenue si elle n'est pas assistée d'un avocat, peut également demander à prendre connaissance de tout élément utile à l'exercice des droits de la défense existant, précisément désigné, dont l'administration pénitentiaire dispose dans l'exercice de sa mission et relatif aux faits visés par la procédure disciplinaire, sous réserve que sa consultation ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes. L'autorité compétente répond à la demande d'accès dans un délai maximal de sept jours ou, en tout état de cause, en temps utile pour permettre à la personne de préparer sa défense. Si l'administration pénitentiaire fait droit à la demande, l'élément est versé au dossier de la procédure. / La demande mentionnée à l'alinéa précédent peut porter sur les données de vidéoprotection, à condition que celles-ci n'aient pas été effacées, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre de la justice, au moment de son enregistrement. L'administration pénitentiaire accomplit toute diligence raisonnable pour assurer la conservation des données avant leur effacement. / Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, l'administration répond à la demande d'accès dans un délai maximal de quarante-huit heures. / Les données de la vidéoprotection visionnées font l'objet d'une transcription dans un rapport versé au dossier de la procédure disciplinaire. ".
7. En premier lieu, M. C... soutient que la procédure disciplinaire est viciée dès lors que son avocate n'a pas été en mesure de prendre connaissance de son dossier disciplinaire, malgré une demande de communication de son dossier. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est vu remettre, le 8 avril 2021 à 16 heures, les pièces constituant son dossier, notamment le compte rendu d'incident, le rapport d'enquête, la convocation devant la commission de discipline et la désignation d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle. La remise effective de ces pièces est attestée par la signature apposée par le détenu sur le document faisant état de cette transmission. Il ressort également des pièces du dossier que l'avocate choisie par M. C... a été avertie de la tenue du conseil de discipline par courriel du 2 avril 2021 et mise en mesure de consulter l'entier dossier remis à M. C... dès le 8 avril 2021. Si l'intéressé fait valoir que la circulaire du 9 juin 2011 relative au régime disciplinaire (JUSKC1140024C) ainsi que la note du 20 juillet 2021 émanant du directeur de l'administration centrale prévoient que le dossier doit également être communiqué à l'avocat de la personne détenue et la possibilité le cas échéant d'en obtenir une copie, il ne saurait se prévaloir des orientations générales contenues dans ces textes, la note du 20 juillet 2021 étant au demeurant postérieure à la date de la sanction du 16 avril 2021 en litige. Est sans incidence sur la régularité de la procédure et l'appréciation du respect des règles de communication du dossier à la personne détenue, l'émission d'un rapport d'enquête sur la discipline en prison émanant de l'Observatoire international des prisons de février 2024 et évoquant le cas spécifique de la maison d'arrêt de Grasse.
8. Certes, l'administration a refusé au conseil de l'appelant la communication par voie électronique ou par fax du dossier de l'intéressé immédiatement après sa demande. Mais elle lui en a permis la consultation sur place le jour même de la tenue du conseil de discipline. Est sans incidence la circonstance de ce que l'administration pénitentiaire mentionnerait dans la convocation en vue de la tenue du conseil de discipline que l'avocat est informé de la possibilité de se faire communiquer le dossier disciplinaire dès réception de la convocation. De fait, l'administration n'évoque dans ce courrier qu'une possibilité de se faire communiquer le dossier dès réception de la convocation. D'ailleurs, la consultation du dossier de M. C... par son avocate seulement le jour même de la tenue du conseil de discipline relève de la seule option de cette dernière, ainsi que l'indique l'administration pénitentiaire, de ne rencontrer son client que le jour même de la tenue dudit conseil.
9. Dans ces conditions, la commission de discipline s'étant tenue le 16 avril 2021 à 8H30, M. C... a pu avoir accès à son dossier et préparer utilement sa défense dans les délais fixés par l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, son avocate ayant pu consulter son dossier.
10. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. C... ait sollicité l'accès aux images filmées par le dispositif de vidéosurveillance au moment de l'incident du 21 mars 2021. La seule mention dans le rapport d'enquête de ce que l'intéressé, auditionné dans le cadre de l'enquête aurait mentionné : " vous pouvez regarder les caméras " ne saurait être regardée comme l'expression de sa part d'une demande d'accès aux données de vidéo protection au sens du IV de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 311-9 du code des relations entre le public et l'administration : " L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration : / 1° Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ; (...) ". La question du caractère communicable ou non au sens des dispositions précitées du dossier de la personne détenue, en dehors du cadre tel qu'exposé au point 6 et tenant à la possibilité qu'a un détenu d'assurer sa défense, n'a pas d'incidence sur la légalité de la sanction qui a été infligée à M. C....
12. Enfin, si les sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Par suite, le requérant ne saurait utilement invoquer, à l'encontre de la décision attaquée, la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la légalité interne :
13. Aux termes du 12° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale, alors applicable au litige : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : / 12° De proférer des insultes, des menaces ou des propos outrageants à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires ; ".
14. Aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, alors applicable au litige : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / 1° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ou refuser d'obtempérer immédiatement aux injonctions du personnel de l'établissement. (...) / 15° De provoquer un tapage de nature à troubler l'ordre de l'établissement ; (...) ".
15. Enfin, aux termes du 1° de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale, alors applicable au litige : " Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour une personne détenue : / 1° De ne pas respecter les dispositions du règlement intérieur de l'établissement ou les instructions particulières arrêtées par le chef de l'établissement ; ".
16. En premier lieu, l'appelant soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont nullement établis, dès lors notamment que le témoin interrogé M. A... n'a pas corroboré ces faits. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des mentions du compte-rendu d'incident que, le 21 mars 2021, M. C... a proféré des insultes et des menaces à l'égard d'un agent de l'administration pénitentiaire et qu'il s'est rendu coupable de faits de tapage, qui ont non seulement occasionné des nuisances sonores mais également des troubles dans le bon fonctionnement de la détention. Il s'ensuit que l'intéressé, n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause la matérialité des faits ainsi reprochés, n'est pas fondé à soutenir que la sanction qui lui a été infligée repose sur des faits inexacts.
17. En second lieu, M. C... soutient que le fait de détenir une casquette n'est pas de nature à compromettre la sécurité de l'établissement et qu'il ne saurait être regardé comme ayant refusé de se soumettre à une mesure de sécurité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, le 21 mars 2021, M. C... détenait à l'intérieur de sa cellule une casquette, et reconnaît qu'une semaine avant l'incident, constatant qu'il portait une casquette, le surveillant avait voulu la récupérer mais avait échoué à la retrouver, M. C... admettant l'avoir cachée dans son sac alors que le port d'un tel objet au sein de l'établissement rend plus difficile l'identification des personnes détenues mais peut également être utilisé à des fins de dissimulation d'objets ou de produits interdits. Il en résulte que c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que l'administration pénitentiaire a pu considérer que l'intéressé avait refusé de se soumettre à une mesure de sécurité, commettant ainsi une faute du deuxième degré en application des dispositions précitées de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale. Enfin, l'appelant soutient que le port de la casquette relèverait d'une faute non du deuxième degré mais du troisième degré et devrait être regardé comme la violation du règlement intérieur et il fait valoir qu'en l'absence de preuve d'affichage suffisant de ce règlement intérieur et de preuve de ce qu'il avait connaissance de la disposition spécifique, le règlement intérieur ne lui serait pas opposable. Cependant, il ne saurait se prévaloir d'une telle argumentation dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, le port de la casquette n'a pas été regardé à bon droit par l'administration pénitentiaire comme une méconnaissance du règlement intérieur révélant une faute du troisième degré mais comme un refus de se soumettre à une mesure de sécurité, constituant une faute du deuxième degré. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de qualification juridique des faits doit être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2021.
Sur le bien-fondé du jugement n° 2104414 tendant à l'annulation de la décision du 5 août 2021 :
19. Aux termes de l'article R. 57-7-18 du code de procédure pénale dans sa version alors applicable : " Le chef d'établissement ou son délégataire peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider le confinement en cellule individuelle ordinaire ou le placement en cellule disciplinaire d'une personne détenue, si les faits constituent une faute du premier ou du deuxième degré et si la mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement ". Aux termes de l'article R. 57-7-2 du même code, dans sa version applicable au litige : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / 1° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ou refuser d'obtempérer immédiatement aux injonctions du personnel de l'établissement ; / (...) ". Les décisions de placer, soit en urgence et de manière provisoire, soit à titre préventif, une personne détenue à l'isolement sur le fondement de l'article R. 57-7-18 du code de procédure pénale sont contrôlées par le juge de l'excès de pouvoir.
En ce qui concerne la légalité externe :
20. En premier lieu, M. C... soutient que la décision du 5 août 2021 le plaçant à l'isolement à titre préventif a été prise par une autorité incompétente, faute de justification d'une publication régulière de l'arrêté portant délégation de signature à son auteur. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette décision a été signée, pour le directeur de la maison d'arrêt de Grasse, par Mme D... E..., première surveillante, à qui le chef d'établissement avait donné délégation, par une décision du 19 mai 2021, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture des Alpes-Maritimes n° 128-2021 du 21 mai 2021, à l'effet de signer les décisions de placement préventif en confinement en cellule individuelle ordinaire ou en cellule disciplinaire concernant les détenus de la maison d'arrêt. Eu égard à l'objet d'une délégation de signature qui, quoique constituant un acte réglementaire, n'a pas la même portée à l'égard des tiers qu'un acte modifiant le droit destiné à leur être appliqué, sa publication au recueil des actes administratifs, qui permet de donner date certaine à la décision de délégation prise par le chef d'établissement, a constitué une mesure de publicité suffisante pour rendre les effets de la délégation de signature opposables aux tiers, notamment à l'égard de personnes détenues de l'établissement pénitentiaire. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée a été signée par une autorité incompétente doit être écarté.
21. En second lieu, la décision du 5 août 2021 comporte tous les éléments de faits et de droit qui en constituent le fondement. Ainsi et en tout état de cause, le moyen tiré de son insuffisante motivation manque en fait et ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
22. En premier lieu, si M. C... allègue que le placement à l'isolement ne constituait pas l'unique moyen de mettre fin à l'incident dont il lui est fait grief, il procède par voie d'assertion et ne remet pas en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des faits décrits dans le compte-rendu d'incident établi le 5 août 2021, que l'intéressé a proféré des insultes et des menaces à l'égard de membres du personnel de l'établissement et a refusé de se soumettre à plusieurs injonctions de ce même personnel. Il en résulte que l'appelant a ainsi commis des actes susceptibles de caractériser des fautes du premier et du deuxième degrés. Dans ces conditions, compte tenu de son comportement et de l'atteinte qui en est résulté sur le fonctionnement normal de l'établissement et le risque de mettre les agents pénitentiaires en difficultés, la décision de placer M. C... à l'isolement devait être regardée comme l'unique moyen de mettre fin à l'incident du 5 août 2021.
23. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, M. C... ne saurait se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de la circulaire du 9 juin 2011 relative au régime disciplinaire (JUSKC1140024C).
24. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 août 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
25. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. C... dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au garde des sceaux, ministre de la justice et à Me Lendom.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 octobre 2024.
Nos 24MA00449, 24MA00479 2