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14/10/2024 | FRANCE | N°24MA01202

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 14 octobre 2024, 24MA01202


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Hyères ADN, Mme D... B..., M. A... E..., Mme I... K..., M. G... C... et M. F... H... ont demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler la délibération du 2 juillet 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Hyères a approuvé la signature d'un bail emphytéotique, sur le site du Hameau des Pesquiers, avec M. L... et, en second lieu, d'enjoindre à la commune de Hyères de prendre toute mesure appropriée pour poursuivre la rési

liation du bail, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Hyères ADN, Mme D... B..., M. A... E..., Mme I... K..., M. G... C... et M. F... H... ont demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler la délibération du 2 juillet 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Hyères a approuvé la signature d'un bail emphytéotique, sur le site du Hameau des Pesquiers, avec M. L... et, en second lieu, d'enjoindre à la commune de Hyères de prendre toute mesure appropriée pour poursuivre la résiliation du bail, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2102393 du 14 mars 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2024, et deux mémoires enregistrés le 24 juin 2024 et le 25 septembre 2024, l'association Hyères ADN, Mme B..., M. E..., Mme K..., M. C... et M. H..., représentés par Me Castagnon, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) statuant à nouveau, d'annuler la délibération du 2 juillet 2021 et d'enjoindre à la commune de Hyères de prendre toute mesure appropriée pour poursuivre la résiliation du bail, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard.

Ils soutiennent que :

- en opposant le caractère administratif du bail emphytéotique dont la conclusion a été approuvée par la délibération attaquée, le tribunal administratif a relevé d'office un moyen sans en informer les parties, en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- le jugement, qui n'explicite pas les raisons pour lesquelles ce bail serait soumis au régime de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, est insuffisamment motivé ;

- ce bail n'a pas le caractère d'un contrat administratif ;

- ils ont intérêt pour agir contre la délibération attaquée, qui leur fait grief ;

- l'intérêt pour agir de trois d'entre eux résulte de leur qualité de conseillers municipaux ;

- la délibération est illégale faute de mise en concurrence ;

- l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme a été méconnu ;

- la durée du bail est excessive ;

- la délibération est entachée d'incompétence négative.

Par un mémoire, enregistré le 29 juillet 2024, la commune de Hyères, représentée par la société civile professionnelle CGCB et Associés, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête et de confirmer le jugement ;

2°) de mettre à la charge des appelants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens présentés à l'appui de la requête sont infondés ;

- le contrat de bail comporte des clauses justifiant qu'il soit soumis au régime exorbitant des contrats administratifs ;

- la délibération ne fait pas grief ;

- les appelants n'ont pas d'intérêt pour agir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de M. J..., représentant l'association et les autres appelants, et de Me Barbeau, pour la commune de Hyères.

Connaissance prise de la note en délibéré produite le 1er octobre 2024 pour l'association Hyères ADN, Mme B..., M. E..., Mme K..., M. C... et M. H....

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Hyères (Var) est propriétaire de plusieurs parcelles situées route de Giens, formant le " Hameau des Pesquiers ". Par une délibération du 2 juillet 2021, le conseil municipal de la commune a approuvé, d'une part, la signature d'un bail emphytéotique, d'une durée de soixante-dix ans, avec M. L... et portant sur une emprise totale de 33 264 mètres carrés et, d'autre part, la constitution de quatre servitudes. L'association Hyères ADN, Mme B..., M. E..., Mme K..., M. C... et M. H... ont demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler cette délibération et d'enjoindre à la commune de Hyères, sous astreinte, de prendre toute mesure appropriée pour poursuivre la résiliation du bail, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par le jugement attaqué, dont ces requérants relèvent appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ces demandes comme irrecevables.

Sur le cadre juridique :

2. Tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat. En revanche, la légalité de la délibération autorisant la conclusion du contrat ne peut être contestée par les tiers au contrat et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné qu'à l'occasion d'un recours de pleine juridiction en contestation de validité du contrat.

Sur le caractère administratif du bail emphytéotique :

En ce qui concerne la qualification de bail emphytéotique administratif :

3. Aux termes de l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. / Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction ". Et aux termes de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales : " Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence ou en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public. Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif. / Un tel bail peut être conclu même si le bien sur lequel il porte, en raison notamment de l'affectation du bien résultant soit du bail ou d'une convention non détachable de ce bail, soit des conditions de la gestion du bien ou du contrôle par la personne publique de cette gestion, constitue une dépendance du domaine public, sous réserve que cette dépendance demeure hors du champ d'application de la contravention de voirie ".

4. La circonstance qu'un bail emphytéotique conclu sur le fondement de l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime l'ait été en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général n'est pas, par elle-même, de nature à le faire regarder comme un bail emphytéotique administratif.

5. D'ailleurs, et en tout état de cause, il ne ressort pas, en l'espèce, du bail emphytéotique conclu le 2 août 2021 par la commune et la société Adrimar que celui-ci porterait sur la réalisation d'une opération d'intérêt général.

6. Dès lors, ce bail devait être regardé non pas comme un bail emphytéotique administratif, mais comme un bail emphytéotique de droit commun, régi par les dispositions de l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime.

En ce qui concerne l'existence de clauses justifiant une soumission au régime exorbitant des contrats administratifs :

7. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique (...) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. ".

8. Le bail emphytéotique dont la conclusion est approuvée par la délibération attaquée stipule que " Conditions de jouissance / Le preneur s'oblige à laisser le bien loué accessible selon les modalités, charges et conditions ci-après définies d'un commun accord entre les parties : / (...) 2ent / Le preneur consent un droit de passage pour tous piétons depuis la route de Giens, sur partie des parcelles cadastrées section ET numéros 93, 116 et 114, objets des présentes / Ce passage public piétonnier s'exercera sur une bande d'une largeur maximale de 2,5 mètres et longera ou surplombera la berge du Canal de la Laune (...) Ce passage piétonnier sera réservé à tous publics pour accéder au domaine maritime / Il ne pourra être ni obstrué, ni fermé par un portail d'accès, sauf dans ce dernier cas avec accord des parties (...) A ce titre, il sera créé, dès l'ouverture de l'établissement, au frais de l'emphytéote un chemin d'accès piétons délimité sous une zone hachurée bleue sur le plan ci-annexé. Ce Chemin sera prolongé au frais de l'emphytéote sur les parcelles n° 7 et 99 appartenant au conservatoire du Littoral pour aboutir au domaine maritime (...) 3ent/ Le preneur consent un droit de passage pour tous piétons depuis la route de Giens et le chemin d'accès piétonnier ci-dessus visé au paragraphe 2ent/ sur partie des parcelles cadastrées section ET numéros 116 et 114, objets des présentes. / Ce passage s'exercera exclusivement sur une bande d'une largeur de quatre mètres / Son emprise est figurée sous une zone hachurée orange au plan de division annexé et approuvé par les parties. / L'entretien de ce chemin sera à la charge du preneur. / Ce passage piétonnier sera réservé à tous publics pour accéder à la chapelle des Pesquiers se trouvant sur la parcelle cadastrée section ET n° 115, étrangère aux présentes et à la parcelle cadastrée section ET n° 117 également étrangères aux personnes. / Il ne pourra être ni obstrué ni fermé par un portail d'accès, sauf dans ce dernier cas avec accord des parties ".

9. Comme le soutient la commune de Hyères, ces " servitudes " ne peuvent relever du régime des servitudes de droit privé institué par l'article 686 du code civil, dès lors qu'elles sont instituées non au profit d'un fond privé mais du domaine public contigu au terrain pris à bail. En prévoyant qu'une partie de l'emprise du terrain appartenant à la commune, correspondant aux " servitudes " mentionnées aux paragraphes 2ent/ et 3ent/, serait affectée de manière permanente à l'usage direct du public, et aménagée dans ce but par le preneur, le contrat a destiné ces parties du terrain à acquérir le caractère de dépendances du domaine public communal.

10. Dès lors, ces clauses justifient que, dans l'intérêt général, cette convention relève du régime exorbitant des contrats administratifs.

11. Il en résulte que la demande tendant à l'annulation de la délibération du 2 juillet 2021 est irrecevable par application des règles rappelées au point 2. La demande d'annulation présentée par les requérants doit donc être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, leur demande à fin d'injonction et d'astreinte. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2102393 du 14 mars 2024 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : La demande de première instance, ainsi que le surplus des conclusions d'appel, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Hyères ADN, à Mme D... B..., à M. A... E..., à Mme I... K..., à M. G... C..., à M. F... H... et à la commune de Hyères.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2024.

N° 24MA01202 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01202
Date de la décision : 14/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Contrats - Contrats administratifs - Contrats comportant des clauses exorbitantes du droit commun.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité - Recevabilité du recours pour excès de pouvoir en matière contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB & ASSOCIES MARSEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-14;24ma01202 ?
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