Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2308269 du 12 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 et 22 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Gillet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 décembre 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard en lui délivrant dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a pas été tenu compte de sa présence en France depuis plus de vingt ans ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne prenant pas en considération les éléments de sa vie privée et familiale en France ;
- l'arrêté est entaché d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône s'est cru à tort en situation de compétence liée pour fixer à trente jours le délai de départ volontaire ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une insuffisante motivation et d'un défaut d'examen.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président par intérim de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- et les observations de Me Gillet pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 10 juillet 1997, a sollicité le 23 mars 2023 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Par arrêté du 22 juin 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 12 décembre 2023, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° (...) constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour vise notamment les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, cette décision mentionne de manière précise et circonstanciée la situation de l'appelant. Ce faisant, la motivation de l'arrêté attaqué, qui s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet des Bouches-du-Rhône, et qui n'a pas à exposer de manière exhaustive l'ensemble des éléments propres à la situation personnelle de M. A..., apparaît suffisante tant en droit qu'en fait. Cette motivation permet d'établir que le préfet a examiné la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision et le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " (...) ".
5. Le préfet des Bouches-du-Rhône, qui s'est borné à mentionner que l'intéressé, né en 1997 à Fès, était arrivé en France en 2001 dans des conditions indéterminées, sans contester sa présence en France depuis plus de vingt ans, n'a pas commis à cet égard d'erreur de fait.
6. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que si M. A... a été scolarisé en 2003 et en 2007, puis au collège à Cavaillon en 2012 et au lycée en 2013 à l'Isle-sur-la-Sorgue et à Aix-en-Provence et a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle en 2015, et si la plupart des membres de sa famille proche résident en France, il n'établit aucune intégration sociale et professionnelle dans la société française. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que l'intéressé a été condamné à deux reprises par le tribunal correctionnel d'Avignon en 2017 pour des faits de détention non autorisée de stupéfiants, acquisition non autorisée offre ou cession non autorisée et usage illicite de stupéfiants. Par ailleurs, pour la période allant de sa sortie de prison en 2019 à 2023, M. A... n'établit en outre pas avoir résidé en France. S'il soutient, par ailleurs, avoir une relation amoureuse avec une ressortissante française, il n'établit pas l'intensité de cette relation par la seule production d'une attestation rédigée par cette dernière et qui se borne à mentionner " être en couple avec Monsieur A... B... depuis plusieurs années ". Dans ces conditions, le préfet n'a pas, en s'abstenant de faire usage du pouvoir de régularisation qu'il retire des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de justice administrative, commis d'erreur manifeste d'appréciation.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Pour les mêmes motifs qu'exposés au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de refus de séjour en litige aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision portant refus de séjour qui, ainsi qu'il a été dit au point 3, est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement en litige doit être écarté.
11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône ne se serait pas livré à un examen réel et sérieux de la situation de M. A... avant d'édicter à son encontre une obligation de quitter le territoire.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; / (...) ".
13. M. A..., qui indique lui-même qu'il avait omis de solliciter le renouvellement de son titre de séjour, n'établit pas avoir résidé régulièrement en France entre 2019 et 2023. De ce fait, il n'entre pas dans les prévisions des dispositions précitées, lesquelles instaurent une protection à l'égard de certaines catégories d'étrangers.
14. En quatrième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 6, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire :
15. Aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) ". L'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".
16. Si le requérant conteste le délai de trente jours qui lui a été imparti, le délai d'un mois accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE transposées à l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en fixant le délai de départ volontaire à trente jours conformément à ces dispositions, et en indiquant que la situation personnelle de l'intéressé ne justifiait pas, à titre exceptionnel, l'octroi d'un délai supérieur alors qu'au demeurant, il ne justifie pas avoir demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation de ce délai, le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé sa décision et n'a pas méconnu les dispositions précitées. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, notamment de la motivation de cette décision, que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour prononcer un délai de départ volontaire d'une durée de trente jours.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. (...) ".
18. La décision fixant le pays de destination vise les articles L. 612-12 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'intéressé est de nationalité marocaine et qu'il est dans l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination et celui du défaut d'examen doivent être écartés.
19. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère,
- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2024.
N° 24MA00085 2