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23/09/2024 | FRANCE | N°24MA02178

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 23 septembre 2024, 24MA02178


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 5 août 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé, pour une durée de trois mois, la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prise à son encontre, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2404443 du 9 août 2024, la magis

trate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et mis à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 5 août 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé, pour une durée de trois mois, la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prise à son encontre, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2404443 du 9 août 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par un recours, enregistré le 14 août 2024 sous le n° 24MA02178, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de M. D....

Il soutient que :

- les conditions prévues par les articles L. 228-1, L. 228-2 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure sont toutes remplies ;

- les autres moyens présentés en première instance par M. D... sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2024, M. D..., représenté par Me Taddei, demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre et de confirmer le jugement attaqué ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens présentés à l'appui de l'appel sont infondés ;

- l'arrêté attaqué ne comporte pas la signature de son auteur ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- le ministre a fait une inexacte application de l'article L. 228-6 du code de la sécurité intérieure ;

- sa liberté d'aller et venir et son droit à l'éducation ont été violés de manière injustifiée ;

- la présomption d'innocence a été méconnue.

Par une ordonnance en date du 13 septembre 2024, le président de la formation de jugement a fixé la clôture de l'instruction à la date du 16 septembre 2024, au moment de la mise en délibéré de l'affaire à l'issue de l'audience.

II. Par un recours, enregistré le 19 août 2024 sous le n° 24MA02186, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Il soutient que les moyens invoqués à l'appui de son recours sont sérieux et justifient l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2024, M. D..., représenté par Me Taddei, demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre et de confirmer le jugement attaqué ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il présente les mêmes moyens que dans son mémoire en défense analysé ci-dessus.

Par une ordonnance en date du 13 septembre 2024, le président de la formation de jugement a fixé la clôture de l'instruction à la date du 16 septembre 2024, au moment de la mise en délibéré de l'affaire à l'issue de l'audience.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Le président par intérim de la Cour a désigné M. Thielé, président assesseur de la 6ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Taddei et de M. D..., lui-même présent et accompagné de sa mère. Lors de l'audience publique, Me Taddei décrit le contexte familial de M. D..., dont la mère, Mme E..., est professeure de danse à Menton, et dont le père, M. D..., travaille aux ballets de Monaco. Mme E... et M. B... D... explicitent les conditions dans lesquelles ce dernier a été amené à consulter les contenus ayant donné lieu à la mise en cause de la responsabilité pénale de ce dernier et à la mesure administrative de surveillance en litige.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 mai 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à l'encontre de M. D..., ressortissant français né le 1er mai 2006 et domicilié à Menton (Alpes-Maritimes), une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, faisant interdiction à ce dernier, pendant une durée de trois mois, de se déplacer en-dehors du territoire des communes de Menton et de Roquebrune-Cap-Martin, sauf obtention d'un sauf-conduit, lui faisant obligation, également pendant une durée de trois mois, de se présenter une fois par jour au commissariat de police de Menton, lui faisant obligation de justifier de son lieu d'habitation dans un délai de 24 heures et, en cas de changement ultérieur de ce lieu, de déclarer et justifier ce changement, et lui faisant obligation, pendant une durée de six mois, de se trouver directement ou indirectement en relation avec M. A... C.... Par un jugement n° 2403385 du 1er juillet 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de l'intéressé, présentée le 21 juin 2024, et tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêté du 5 août 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé cette mesure pour une durée de trois mois. M. D... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 2404443 du 9 août 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice en application des articles L. 228-2 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure a annulé cet arrêté du 5 août 2024. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui a saisi la Cour d'un recours contre ce jugement, demande à la Cour d'en prononcer le sursis à exécution sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes du ministre sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le recours en appel n° 24MA02178 :

3. Il résulte de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures individuelles prévues par les articles L. 228-2 et L. 228-5 du même code doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'exploitation des supports saisis lors de la visite du domicile de M. D..., effectuée le 19 mars 2024, a montré la détention, par l'intéressé, de vidéos de décapitations effectuées par des membres de l'organisation salafiste djihadiste ad-dawla al-islamiyya, dite " Etat islamique ", ainsi qu'une vidéo à la gloire de l'auteur de l'attentat commis le 2 mars 2011 à l'aéroport de Francfort, et ayant causé deux morts. Il en ressort, en outre, que le profil TikTok de M. D... reprend la symbolique djihadiste salafiste du drapeau noir et du poing fermé avec l'index levé vers le ciel, et que l'intéressé a publié, sur la messagerie Signal, le message suivant : " je veux mettre le feu au temple de Chalgoumi à Drancy ", ce message se référant à l'imam Hassen Chalghoumi, partisan du dialogue inter-religieux. Toutefois, il ressort de l'audition de l'intéressé et de sa mère lors de l'audience publique que, si ces éléments témoignent d'une fascination de l'intéressé pour l'idéologie de l'islam radical et les scénographies de l'Etat islamique, M. B... D..., inséré familialement et scolairement, ne représente pas de menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public.

5. Dès lors, la mesure dont M. D... a fait l'objet procède d'une inexacte application des dispositions précitées des dispositions précitées des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de renvoi des affaires, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté renouvelant les mesures individuelles prises à l'encontre de M. D....

Sur le recours n° 24MA02186 en sursis à exécution :

7. Le présent arrêt statuant au fond sur le recours du ministre, la demande tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution du jugement contesté est devenue sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le recours n° 23MA02178 du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejeté.

Article 2 : L'Etat (ministère de l'intérieur et des outre-mer) versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 24MA02186.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... D....

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère,

- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2024.

Nos 24MA02178 - 24MA02186 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02178
Date de la décision : 23/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : TADDEI JULIEN;TADDEI JULIEN;TADDEI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-23;24ma02178 ?
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