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16/09/2024 | FRANCE | N°23MA02825

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 16 septembre 2024, 23MA02825


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 29 juillet 2020 par laquelle le président de l'université Côte d'Azur a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, de condamner l'université à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de dommages et intérêts, d'ordonner la communication sans délai du rapport d'enquête administrative de mai 2018 et de mettre à la charge de l'université la somme de 3 500 euros en

application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 29 juillet 2020 par laquelle le président de l'université Côte d'Azur a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, de condamner l'université à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de dommages et intérêts, d'ordonner la communication sans délai du rapport d'enquête administrative de mai 2018 et de mettre à la charge de l'université la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2004746 du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2023, et un mémoire, enregistré le 2 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Bezzina, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance.

Elle soutient que l'état anxio-dépressif dont elle souffre est imputable au service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2024, l'université Côte d'Azur, représentée par Me Laridan, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce qu'une somme de 2 600 euros soit mise à la charge de Mme A....

Elle soutient que le moyen présenté par Mme A... est infondé.

Par une lettre en date du 6 février 2024, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu avant le 31 décembre 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 1er mars 2024.

Par ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Fievet pour Mme A..., et de Me Ratouit pour l'université Côte d'Azur.

Connaissance prise de la note en délibéré présentée le 5 septembre 2024 pour l'université Côte d'Azur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., titulaire du grade d'ingénieur de recherche de deuxième classe, exerce ses fonctions à l'université de Nice depuis le mois de septembre 2000. A la suite d'un congé de maladie ordinaire ayant eu lieu du 21 juin au 23 août 2019, Mme A... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de son état anxio-dépressif. Le 25 juin 2020, la commission de réforme a émis un avis favorable à cette demande. Toutefois, par décision du 29 juillet 2020, l'université Côte d'Azur a refusé de reconnaître cette imputabilité. Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'imputabilité, et à la condamnation de l'université à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts. Par le jugement attaqué, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affection de Mme A... :

2. Selon le IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles (...) Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles (...) lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions (...) ". Le 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 prévoit que " si la maladie provient d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement, jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit en outre au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Dans un avis rendu le 9 janvier 2020, le docteur C... B..., expert psychiatre missionnée par l'université, a conclu, après avoir examiné Mme A..., qu'il existait un " lien de cause à effet entre les lésions " et l'activité professionnelle. Il ressort du rapport d'expertise psychiatrique établi le 17 mars 2020 par le docteur E... D..., psychiatre, que l'état dépressif de Mme A..., qui n'avait pas d'antécédent médical, est apparu concomitamment à la dégradation de ses conditions de travail. De même, le docteur G..., médecin du travail du service de médecine préventive des personnels de l'université, a estimé que Mme A... souffrait d'une " dépression réactionnelle " qui devait être regardée comme une maladie contractée en service, Mme A... n'ayant aucun antécédent médical en lien avec sa pathologie professionnelle. Le 25 juin 2020, la commission de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A....

5. Il ressort en effet des pièces du dossier qu'entre l'année 2015 et l'année 2019, les relations de travail entre Mme A... et son supérieur se sont dégradées. Alors même que le syndrome anxiodépressif n'a été diagnostiqué qu'en juin 2018, et en l'absence même d'agissements susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral ou de violences sexuelles et sexistes, cette pathologie résulte de cette dégradation de la relation de travail, dont l'université reconnaît qu'elle est notamment imputable à une surcharge de travail consécutive à l'attribution à Mme A... de missions auparavant attribuées à son binôme, ainsi qu'à la " maladresse managériale " de son supérieur, qui a persisté à tutoyer l'intéressée alors même qu'elle avait indiqué ne pas souhaiter l'être, et qui avait accordé une large diffusion à une note mettant en cause sa responsabilité dans les dysfonctionnements du système d'information dont elle devait assurer l'administration.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juillet 2020 par laquelle le président de l'université Côte d'Azur a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.

En ce qui concerne le rejet de la demande indemnitaire et de la demande tendant à ce que soit ordonnée la production du rapport de la commission d'enquête de mai 2018 :

7. Mme A... ne critique pas les motifs du jugement qui rejettent ces demandes.

Sur les frais liés au litige :

8. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'université une somme de 2 500 euros à verser à Mme A... à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2004746 du 3 octobre 2023 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La décision du 29 juillet 2020 par laquelle le président de l'université Côte d'Azur a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... est annulée.

Article 3 : L'université Côte d'Azur versera à Mme A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en remboursement des frais exposés par elle en première instance et en appel et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'université Côte d'Azur tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... et à l'université Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 septembre 2024.

N° 23MA02825 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02825
Date de la décision : 16/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : FIEVET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-16;23ma02825 ?
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