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01/07/2024 | FRANCE | N°22MA00371

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 01 juillet 2024, 22MA00371


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS Société nouvelle des transports Suma a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 août 2019 par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a, d'une part, prononcé l'immobilisation de soixante-cinq de ses véhicules ainsi que le retrait de soixante-cinq copies conformes de la licence de transport communautaire pour une durée de trois mois et, d'autre part, décidé la publication de l'arrêté dans la rubrique " annonces léga

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Société nouvelle des transports Suma a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 août 2019 par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a, d'une part, prononcé l'immobilisation de soixante-cinq de ses véhicules ainsi que le retrait de soixante-cinq copies conformes de la licence de transport communautaire pour une durée de trois mois et, d'autre part, décidé la publication de l'arrêté dans la rubrique " annonces légales " de deux journaux régionaux et l'affichage de ces publications dans les locaux de l'entreprise pendant toute la durée de l'immobilisation.

Par un jugement n° 1907605 du 29 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 28 janvier 2022, le 23 juin 2023, le 8 et le 30 janvier 2024, la SAS Société nouvelle des transports Suma, représentée par Me Tiret, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif Marseille du 29 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué.

Elle soutient que :

- l'avis de la commission territoriale des sanctions administratives (CTSA) émis le 2 mai 2019 est irrégulier car elle a méconnu le principe d'impartialité, eu égard à sa composition, et alors que son rapport a été communiqué à la presse, à ses partenaires et à ses clients avant même qu'il lui soit notifié, ce qui méconnaît le principe de non publicité des séances prévu à l'article R. 3452-19 du code des transports ; les droits de la défense et l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus ;

- le contrôle a été étendu au-delà de la période initiale sans qu'elle en ait été informée ;

- l'obstacle au contrôle n'est pas caractérisé pour la période courant de février 2017 à avril 2017 pour laquelle elle n'a pas été régulièrement informée de l'existence d'un contrôle ; la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) n'est pas en mesure de justifier des pièces qui ont été sollicitées et non transmises et n'a pas indiqué l'identité des trente-trois conducteurs pour lesquels elle aurait en vain demandé des informations ;

- le délit de transport routier sans insertion dans le tachygraphe n'est pas caractérisé pour les véhicules EJ274AS, DJ292GZ et DB9163YB pour les 11, 12 et 20 avril 2017, qui ne concerne pas la période couverte par le contrôle et alors que, contrairement à ce que soutient le préfet, les chauffeurs concernés étaient en formation, ce qui les dispensait d'une telle formalité en application de l'article R. 3313-5 du code des transports ;

- le délit de conduite sans carte de conducteur insérée dans le tachygraphe numérique pour le véhicule DB 322 XR ne peut être retenu alors qu'elle avait loué ce véhicule sans chauffeur à un établissement scolaire ;

- elle ne saurait être sanctionnée pour neuf contraventions de 5ème classe et huit contraventions de 4ème classe alors qu'elle avait pris les dispositions nécessaires pour informer ses chauffeurs et que leurs manquements ont été sanctionnés ; en outre, certaines lignes faisaient moins de 50 km et n'étaient donc pas soumises à la réglementation sociale européenne ce qui est le cas notamment pour la contravention du véhicule EE 285 WL ;

- la matérialité des soixante-treize contraventions de 5ème classe n'est pas établie, en l'absence de contrôle à bord ; pour ces contraventions, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir conservé les documents de transport sur le fondement de l'article R. 3452-45 du code des transports alors qu'elle a transmis ces documents lors de la CTSA ;

- si elle a admis la matérialité des faits pour les infractions correspondant aux trois contraventions de 5ème classe pour transport de personnes sans copie conforme de la licence de transport à bord du véhicule, pour lesquelles elle s'est acquittée de l'amende, il s'agit d'infractions relativement anciennes datant de 2015, 2016 et 2017 ;

- pour les cinq contraventions de 5ème classe pour dépassement d'au moins 1 heure 30 de la conduite ininterrompue de 4 heures 30, elle a été relaxée par le tribunal de police ;

- elle reconnaît la contravention de 4ème classe pour non-conformité de l'extincteur ;

- la contravention de 4ème classe pour non présentation de l'attestation de l'autorité organisatrice de transports a aussi été infligée à la société Rubans Pastouret pour des faits identiques qui ne la concernent donc pas ;

- elle a été intégralement relaxée par un jugement du tribunal de police du 22 novembre 2021 ; sur quatre-vingt-dix-huit contraventions, soixante-treize ont été annulées par le tribunal de police et il n'en resterait donc que douze ;

- trois jugements rendus par le juge pénal ont conduit à la relaxe de la Société nouvelle des transports Suma ;

- les sanctions prononcées sont disproportionnées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 juin 2023 et le 7 juillet 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Un courrier du 12 mai 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 21 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Le 19 janvier 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, selon lequel :

- le tribunal qui s'est estimé saisi d'un recours pour excès de pouvoir alors qu'il était saisi d'un recours de plein contentieux s'est mépris sur l'étendue de son office (CE, 5 / 4 SSR, 27 avr. 2007, Lipinski, n° 274992, Lebon T 706-1034-1046 ; CE, 25 mai 2023, La Poste, n° 471035, Lebon).

Par une ordonnance du 19 janvier 2024, l'instruction a été rouverte et une nouvelle clôture a été fixée au 19 février 2024 à midi, puis reportée au 15 avril 2024 à midi.

Par un mémoire, enregistré le 26 janvier 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public qui avait été communiqué.

Il fait valoir que le contentieux des sanctions professionnelles est un litige d'excès de pouvoir et le tribunal n'a donc pas méconnu son office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 561/2006 du parlement européen et du conseil du 15 mars 2006 ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Tiret, pour la SAS Société nouvelle des transports Suma.

Une note en délibéré présentée pour la SAS Société nouvelle des transports Suma a été enregistrée le 17 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 septembre 2017, la SAS Société nouvelle des transports Suma, qui exerce une activité de transports scolaire, urbain, interurbain et suburbain, au sein de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, a été informée par courrier qu'elle ferait l'objet d'un contrôle portant sur la période allant du mois de mai au mois de juillet 2018. La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Provence-Alpes-Côte d'Azur a relevé à son encontre plusieurs délits, contraventions de 5ème classe et contraventions de 4ème classe, relatifs à la réglementation sociale européenne et au code des transports. De plus, entre le 5 octobre 2015 et le 17 septembre 2018, à l'occasion de contrôles routiers, des infractions de même nature ont été relevées. Par une lettre du 23 février 2018, la DREAL a alors sollicité de la société qu'elle présente des observations écrites sur ces infractions et a reçu son représentant en entretien dans ses locaux le 14 mars suivant. A la suite de ces observations et entretien, la DREAL a engagé une procédure en vue du prononcé d'une sanction administrative conformément aux dispositions des articles R. 3116-12 à R. 3116-24 du code des transports. Après avoir consulté la commission territoriale des sanctions administratives (CTSA) le 2 mai 2019, le préfet de région a décidé, par l'arrêté du 14 août 2019 dont la société requérante demande l'annulation, l'immobilisation de soixante-cinq autocars pour une durée de trois mois ainsi que le retrait de soixante-cinq copies conformes de la licence de transport communautaire. Il a également décidé la publication de ces mesures dans la rubrique des annonces légales de deux journaux régionaux et de leur affichage dans les locaux de l'entreprise. La société requérante relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 3452-1 du code des transports : " Les copies conformes de la licence de transport intérieur ou de la licence communautaire prévues par l'article L. 3411-1 peuvent être retirées, à titre temporaire ou définitif, en cas de constat d'infraction aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de la sécurité constituant au moins une contravention de la cinquième classe ou d'infractions répétées constituant au moins des contraventions de la troisième classe ". Et selon l'article L. 3452-2 du même code : " Quand le préfet est saisi d'un procès-verbal constatant une infraction de nature délictuelle aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de sécurité, commise après au moins une première infraction délictuelle il peut prononcer l'immobilisation d'un ou plusieurs véhicules pour une durée de trois mois au plus, aux frais et risques de celle-ci ".

3. Lorsqu'un tribunal administratif est saisi par le destinataire d'une sanction professionnelle édictée sur le fondement des articles L. 3452-1 et L. 3452-2 du code des transports, il est alors appelé à se prononcer, non en tant que juge de l'excès de pouvoir mais en tant que juge de plein contentieux. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif a estimé qu'il était saisi d'un recours en excès de pouvoir alors que la Société nouvelle des transports Suma avait formé un recours de plein contentieux. L'erreur ainsi commise par le tribunal sur l'étendue de ses pouvoirs doit être relevée et le jugement attaqué doit donc être annulé.

4. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Sur la régularité des sanctions infligées à la société SAS Société nouvelle des transports Suma :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3452-3 du code des transports alors en vigueur : " Les sanctions, notamment les mesures de retrait et d'immobilisation prévues par les articles L. 3452-1 et L. 3452-2, ne peuvent être prononcées qu'après avis d'une commission des sanctions administratives placée auprès de l'autorité administrative et présidée par un magistrat de l'ordre administratif. Elle comprend des représentants des entreprises qui participent aux opérations de transport, de leurs salariés et des différentes catégories d'usagers ainsi que des représentants de l'Etat. ". Et l'article R. 3452-12 du même code précise que : Les commissions des sanctions administratives sont consultées pour avis par le préfet de région, préalablement au prononcé des sanctions encourues, en application des articles R. 1422-8-2, R. 1452-1, R. 3113-30, R. 3116-14, R. 3116-15, R. 3116-17, R. 3116-18, R. 3116-19, R. 3116-21, R. 3211-31, R. 3242-2, R. 3242-4, R. 3242-5, R. 3242-6, R. 3242-8 et R. 3242-11, par une entreprise, son représentant légal ou la personne qui exerce des fonctions de direction ou de gestionnaire de transport en son sein ou en exécution d'un contrat, auteur d'un manquement aux réglementations des transports, du travail, de la santé ou de la sécurité relatives aux transports routiers de personnes et de marchandises. ".

6. La parution dans le journal La Provence le 2 mai 2019, soit le jour même de la réunion de la commission, d'un article faisant état des griefs qui sont reprochés à la Société nouvelle des transports Suma, ce qui révèle que le rapport de la DREAL soumis à la commission a été divulgué, pour regrettable qu'elle soit, n'est pas, à elle seule, de nature à révéler que les droits de la défense ou le principe d'impartialité auraient été méconnus, alors notamment que le président de la CTSA a proposé un report de séance pour tenir compte de ce nouvel élément, ce que le président de ladite société a refusé. En tout état de cause, rien ne permet de considérer que la publication de cet article aurait eu une quelconque influence sur la décision prise par le préfet. La société requérante ne peut par ailleurs utilement soutenir que cette publication aurait porté atteinte à sa réputation, cette circonstance demeurant sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Et si l'article R. 3452-19 du code des transports prévoit que les audiences ne sont pas publiques, cette publication dans la presse ne peut, à elle seule, être regardée comme ayant porté atteinte au caractère non public de l'audience.

7. Il ressort des pièces du dossier que la composition de la CTSA qui a émis un avis le 2 mai 2018 était conforme à l'article R. 3452-2 du code des transports. Les circonstances que certains membres de la CTSA, dont la société requérante ne précise pas au demeurant l'identité, auraient été opposés au président de la société requérante dans le cadre des élections professionnelles ou que certains membres soient des concurrents directs ne sont pas à elles seules de nature à caractériser de la part de la commission une méconnaissance du principe d'impartialité alors notamment que l'article R. 3452-2 du code des transports prévoit la présence au sein de la commission de représentants des entreprises. Au surplus, la société requérante ne démontre ni même n'allègue que ces membres auraient eu une influence déterminante sur la décision attaquée qui est prise par le préfet suite à l'avis consultatif de cette commission qui n'a pas de pouvoir décisionnel. La société requérante ne peut davantage se prévaloir du fait que la procédure devant la CTSA serait irrégulière, compte tenu de la présence dans la commission de M. D... F... qui exerce ses fonctions au sein de la société Transdev, concurrente, alors qu'il résulte du procès-verbal de la CTSA qu'il y siégeait en qualité de représentant des entreprises concourant à l'activité de transport. Le fait que la société Transdev aurait écopé, lors de la même séance, sur l'affaire qui concernait cette dernière, de sanctions moindres à le supposer même établi, n'est pas, à lui seul, de nature à révéler l'impartialité de la CTSA. Par ailleurs, aucune disposition ne faisait obstacle à ce que Mme A..., membre de la DREAL et auteur du contrôle et de la rédaction du rapport de la DREAL ait été entendue par la CTSA en qualité de personnalité qualifiée, comme le permet l'article R. 3452-22 du code des transports, sans qu'un formalisme particulier ne soit imposé pour cette audition. Enfin, lorsque la CTSA est appelée à connaitre, en vertu des articles R. 3452-1 et suivants du code des transports, de l'éventualité d'infliger une sanction administrative, elle ne dispose d'aucun pouvoir de décision et se borne à émettre un avis au préfet de région, seule autorité compétente sur le principe du prononcé d'une sanction administrative et, s'il y a lieu, sur son quantum. Par suite, elle n'est pas un tribunal au sens de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la CTSA doit, par suite, être écarté comme inopérant.

8. En second lieu, si la société requérante soutient que la procédure serait irrégulière car son contrôle aurait été prolongé au-delà de la période initialement prévue, il résulte des nombreux échanges de courriels produits au dossier que les contrôleurs ont prévenu la SAS Société nouvelle des transports Suma de l'extension de la période contrôlée aux trois mois suivants. Au demeurant, la société requérante n'invoque aucune disposition législative ou réglementaire qui interdirait à la DREAL d'étendre la période contrôlée tout au long des opérations.

Sur le bien-fondé des sanctions infligées à la société SAS Société nouvelle des transports Suma :

9. L'article R. 3116-15 du même code précise que : " Le préfet de région peut prononcer le retrait temporaire, pour une durée n'excédant pas un an, ou le retrait définitif de tout ou partie des copies certifiées conformes de la licence détenue par l'entreprise ou de ses autres titres administratifs de transport. ". Et l'article R. 3116-18 du même code dispose que : " Au vu des éléments transmis conformément à l'article R. 3116-12 et, le cas échéant, dans les conditions prévues à l'article R. 3116-13, lorsque l'infraction figurant parmi celles mentionnées à l'article R. 3113-26 présente un caractère délictuel et qu'elle est commise après au moins une autre infraction de même nature, le préfet de région peut, en application de l'article L. 3452-2, prononcer l'immobilisation d'un ou de plusieurs véhicules de l'entreprise pour une durée n'excédant pas trois mois, aux frais de l'entreprise. ".

En ce qui concerne la sanction d'immobilisation pour trois mois de soixante-cinq autocars détenus par la SAS Société nouvelle des transports Suma :

10. Pour fonder la sanction d'immobilisation pour la durée maximale de trois mois de soixante-cinq autocars détenus par la SAS Société nouvelle des transports Suma, le préfet a retenu la commission par celle-ci de six délits, d'obstacle au contrôle de l'activité de transports et de conduite sans carte insérée dans le chronotachygraphe.

11. Pour contester la matérialité des faits, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir du rapport d'expertise privée, établi le 18 février 2021 soit bien après les opérations de contrôle, qui n'aurait confirmé que deux délits et neuf contraventions de 4ème classe, ce document, établi de manière non contradictoire, n'étant pas suffisamment probant.

Quant au délit de conduite sans carte insérée dans le chronotachygraphe :

12. Aux termes de l'article L. 3315-5 du code des transports : " Est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende le fait de se livrer à un transport routier avec une carte de conducteur non conforme ou n'appartenant pas au conducteur l'utilisant, ou sans carte insérée dans le chronotachygraphe du véhicule ".

13. L'arrêté attaqué se fonde sur le procès-verbal n° 013-2018-000143 du 23 mars 2019 suite au contrôle en entreprise du 9 octobre 2017 dressé par un agent assermenté, qui constate que trois véhicules soumis au chronotachygraphe numérique ont circulé sans carte de conducteur insérée dans l'appareil de contrôle pendant une durée cumulée de 19 heures 34 le 12 avril 2017 pour le véhicule immatriculé EJ-274-AS, le 20 avril 2017 pour le véhicule immatriculé DJ-292-GZ et le 11 avril 2017 pour le véhicule immatriculé DB-9163-YB. Il se fonde en outre sur un procès-verbal n° 013-2018-000067 du 20 mars 2018 dressé suite à un contrôle sur route du 5 février 2018, qui constate qu'un véhicule soumis au chronotachygraphe numérique a circulé sans carte de conducteur insérée dans l'appareil de contrôle pendant une durée de 2 heures 31. Il se fonde enfin sur un procès-verbal n° 013-2018-000671 du 10 octobre 2018 dressé suite à un contrôle sur la route qui constate que le 3 septembre 2018 un véhicule soumis au chronotachygraphe numérique a circulé sans carte de conducteur insérée dans l'appareil de contrôle pendant une durée de 5 heures 10.

14. En principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative. Il n'en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée s'étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.

15. Tout d'abord, il résulte du procès-verbal n° 013-2018-000143 du 23 mars 2019 que les délits de transport routier sans carte de conducteur insérée dans le tachygraphe numérique ont été constatés, sous le code " Natinf 25813 " le 12 avril 2017 pour un véhicule immatriculé EJ-274-AS, le 20 avril 2017 pour un véhicule immatriculé DJ-292-GZ et le 11 avril 2017 pour un véhicule immatriculé DB-9163-YB. Toutefois la société requérante justifie que, par un jugement du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence n° 18093000051 du 4 juin 2024 devenu définitif à la date du présent arrêt, le juge pénal a prononcé une relaxe pour ces infractions.

16. Ensuite, il résulte du procès-verbal n° 013-2018-00067 du 20 mars 2018 qu'un délit code " Natinf 25813 " a été constaté le 5 février 2018 pour un véhicule immatriculé DB-322-XR pour une conduite sans l'insertion de carte d'une durée totale de 2 heures 31 le 29 janvier 2018. La société requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'un jugement 18095000062 du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence du 4 juin 2024 qui n'a pas prononcé sa relaxe mais a seulement annulé la citation et renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir.

17. Enfin, il résulte du procès-verbal n° 013-2018-00671 du 10 octobre 2018 que le 3 septembre 2018 une conduite sans insertion de la carte dans le chronotachygraphe a été constatée pour une durée de 5 heures 10 pour le véhicule immatriculé EE-285-WL. Toutefois l'article 3 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route précise que " le présent règlement ne s'applique pas aux transports routiers effectués par des : a) véhicules affectés au transport de voyageurs par des services réguliers dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 km ". La société requérante soutient que le véhicule immatriculé EE 285 WL circulait sur une ligne régulière de moins de 50 km. Contrairement à ce que fait valoir l'administration, ce n'est pas à la société requérante mais à l'administration de démontrer que la société n'entrerait pas dans le champ de cette dérogation. Cette infraction qui est contestée par la société requérante ne saurait dans ces conditions être retenue. Et il résulte du procès-verbal précité du 10 octobre 2018 que le véhicule en cause circulait en provenance de Sausset-les-Pins et allait à destination de Gignac-la-Nerthe, ce qui correspond à un parcours inférieur à 50 km.

18. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration s'est fondée sur les infractions commises les 12 avril 2017, 20 avril 2017, 11 avril 2017 et le 3 septembre2018.

Quant au délit d'obstacle au contrôle de l'activité de transport:

19. Aux termes de l'article L. 3452-10 du code des transports : " Est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende le fait, pour une entreprise de transport public routier, de refuser de présenter aux agents et fonctionnaires mentionnés au I de l'article L. 1451-1 les documents ou de communiquer les renseignements ou de laisser effectuer les contrôles ou investigations prévus par les règlements. ".

20. L'arrêté attaqué se fonde sur le fait qu'en méconnaissance de l'article L. 3452-10 du code des transports, la SAS Société nouvelle des transports Suma n'a pas communiqué les renseignements et documents demandés permettant le contrôle, ce qui ressort du procès-verbal n° 013-2018-000143 du 23 mars 2019 suite au contrôle en entreprise du 9 octobre 2017 dressé par un agent assermenté. Toutefois la société requérante soutient que, par un jugement n° 18093000051 du 4 juin 2024 devenu définitif à la date du présent arrêt, le juge pénal l'a relaxée de cette infraction. Ainsi qu'il a été dit au point 14 le juge administratif est lié par la qualification juridique du juge pénal.

21. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête, le seul délit de non insertion dans le chronotachygraphe pour les faits commis le 5 février 2018 n'est pas suffisant pour justifier l'immobilisation de soixante-cinq autocars sur une flotte de deux-cent sept autocars pour la durée maximale prévue par le code des transports et que la société requérante est par suite fondée à demander l'annulation de l'arrêté en tant qu'il porte immobilisation de soixante-cinq autocars pour une durée de trois mois.

En ce qui concerne la sanction de retrait de soixante-cinq copies conformes de licence de transport communautaire :

22. Aux termes de l'article R. 3315-10 du code du travail : " Sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe : / [...] 2° Les dépassements des durées de conduite de moins [...] c) De vingt-deux heures trente minutes de la durée de conduite totale accumulée au cours de deux semaines consécutives ; d) D'une heure trente minutes de la durée de conduite ininterrompue ; 3° L'insuffisance du temps de repos jusqu'à : / a) Deux heures trente minutes du temps de repos quotidien normal ou jusqu'à deux heures en cas de repos quotidien réduit ; / b) Deux heures de la période de neuf heures du temps de repos quotidien normal lorsqu'il est pris en deux tranches ; / c) Deux heures du temps de repos quotidien de neuf heures en cas de conduite en équipage ; / d) Neuf heures du temps de repos hebdomadaire normal ;/ e) Quatre heures du temps de repos hebdomadaire réduit...". Et selon l'article R. 3315-11 du même code :" Sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe : / 1° Le dépassement des durées de conduite au-delà des durées mentionnées au 2° de l'article R.3315-10... ". L'article R. 3452-44 du même code, dans sa version alors en vigueur, dispose en outre que : " Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe le fait : / 1° D'exécuter un service de transport public routier de personnes sans avoir à bord du véhicule les titres administratifs de transport prévus à l'article R. 3411-6 ; / 2° D'exécuter un service de transport public routier de personnes sans avoir à bord du véhicule les documents de contrôle prévus au 1° et 3° de l'article R. 3411-7 ou avec des documents non renseignés ou renseignés de façon incomplète, illisible, erronée ou effaçable... ". L'article R. 3411-6 du même code précise que : " Les titres administratifs de transport sont : / 1° La copie certifiée conforme de la licence communautaire ou de la licence de transport intérieur mentionnées à l'article R. 3113-8. ". Enfin selon l'article R. 3411-7 : " Les documents de contrôle sont : / 1° Pour les services occasionnels, le billet collectif et le document remis par l'employeur valant ordre de mission, et, pour les autres services, les billets individuels ; / 2° Le cas échéant, la copie de la convention avec l'autorité organisatrice de transport régulier, scolaire ou à la demande, ou l'attestation délivrée par cette autorité organisatrice... ".

Quant à la matérialité des contraventions de 5ème classe :

23. L'arrêté attaqué se fonde, en premier lieu, sur une contravention de 5ème classe réprimée par les dispositions de l'article R. 3315-11 du code des transports relatives à la prise insuffisante supérieure à 9 heures du temps de repos hebdomadaire normal de 45 heures pour des faits commis entre le 8 avril 2017 et le 10 avril 2017. Il se fonde, en deuxième lieu, sur deux contraventions de 5ème classe réprimées par les dispositions de l'article R. 3315-11 du même code pour prise insuffisante supérieure à 4 heures du temps de repos hebdomadaire normal de 24 heures pour des faits commis les 7 et 8 avril 2017 et les 27 et 28 avril 20217. Il se fonde, en troisième lieu, sur onze contraventions de 5ème classe réprimées par les dispositions de l'article R. 3315-11 du même code pour dépassement d'au moins 1 heure 30 de la durée de conduite ininterrompue de 4 heures 30, pour des faits commis le 9 avril 2017, 11 avril 2017, 16 avril 2017, 20 avril 2017, 22 avril 2017, 30 avril 2017, 22 mars 2018, 26 mars 2018, 27 mars 2018, 30 mars 2018 et 6 avril 2018. Il se fonde, en quatrième lieu, sur trois contraventions de 5ème classe réprimées par l'article R. 3452-44 du code des transports pour l'exécution d'un service de transport public de personnes sans copie conforme de la licence de transport à bord du véhicule pour des faits commis le 5 octobre 2015, 9 avril 2016 et 20 novembre 2017. En sixième et dernier lieu, la décision contestée se fonde sur soixante-treize contraventions de 5ème classe réprimées par l'article R. 3452-44 du même code pour exécution d'un service occasionnel avec un véhicule de plus de neuf places sans billet collectif valable.

24. Par un jugement n° 21/51 du 22 novembre 2021 devenu définitif, le tribunal de police d'Aix-en-Provence a relaxé la société requérante prévenue d'avoir dépassé d'au moins 1 heure 30 la durée de conduite ininterrompue de 4 heures 30 pour les faits du 22 mars 2018 de 6h25 à 14h35, du 26 mars 2018 6h34 à 15h16, du 27 mars 2018 de 6h35 à 18h01, du 30 mars 2018 de 6h48 à 19h05 et du 6 avril 2018 de 6h49 à 18h06. Et, par un jugement rendu sur opposition le 24 octobre 2022, devenu définitif, le tribunal de police a relaxé la Société nouvelle des transports Suma des soixante-treize contraventions dressées à son encontre pour l'exécution de services de transport public routier de personnes sans billet collectif valable. Ainsi qu'il a été dit au point 14 le juge administratif est lié par la qualification juridique du juge pénal.

25. En revanche, il résulte notamment des dispositions du 3 de l'article 10 règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route qu'une entreprise de transport est tenue pour responsable des infractions commises par des conducteurs de l'entreprise. Dans ces conditions, la société requérante ne saurait utilement invoquer la circonstance que les autres infractions qui lui sont reprochées pour lesquelles elle n'a pas bénéficié d'une relaxe ne résulteraient pas d'une volonté frauduleuse de sa part au motif qu'elles ont été commises par certains de ses chauffeurs et qu'elle avait pris les dispositions nécessaires pour informer ses chauffeurs et que leurs manquements ont été sanctionnés. Eu égard à la gravité, au nombre et à la répétition des faits relevés à son encontre, cette situation doit être regardée comme révélatrice d'une anomalie que la direction de l'entreprise ne pouvait raisonnablement ignorer, la société requérante ne saurait invoquer la circonstance qu'elle aurait pris les mesures nécessaires pour éviter de telles infractions conformément à l'article L. 3315-6 du code des transports, en se prévalant des contrats de travail, de son règlement intérieur et d'avertissements adressés aux salariés, alors qu'il est de sa responsabilité de faire respecter les règles applicables en matière de transport.

26. Par ailleurs, l'article 3 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route précise que " le présent règlement ne s'applique pas aux transports routiers effectués par des : a) véhicules affectés au transport de voyageurs par des services réguliers dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 km ". Si la société requérante soutient que les chauffeurs Chalubert, Cizmic et Pelletier réalisaient leurs missions sur des lignes inférieures à 50 km, il résulte du procès-verbal n° 013-2018-00143 du 23 mars 2018, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que la distance parcourue et le nombre de rotations effectuées par ces chauffeurs ne correspondaient pas respectivement aux lignes de moins de 50 km de Vitrolles-Marseille, Vauvenargues-Aix et de la ligne 7201 d'environ 52 km. La société requérante n'est à cet égard fondée à se prévaloir ni d'une attestation d'un de ses chauffeurs, M. E... B..., établie le 18 avril 2019 selon laquelle il aurait effectué le 9 avril 2017 les trajets des lignes régulières 7801 Toulon-Saint Tropez et 7802 Saint Tropez-Toulon qui sont supérieures à 50 km, ni de celle du même jour établie par M. G... C..., selon laquelle il a effectué le 11 avril 2017 un trajet sur cette même ligne régulière 7801.

27. La société requérante ne peut par ailleurs utilement se prévaloir de l'ancienneté des infractions commises les 5 octobre 2015, 9 avril 2016 et 20 novembre 2017 réprimées par l'article R. 3452-44 du code des transports, dont elle admet la matérialité, une telle circonstance demeurant sans incidence sur le bien-fondé de la sanction prononcée.

28. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a pris en compte, d'une part, les cinq contraventions de 5ème classe pour dépassement d'au moins 1 heure 30 de la durée de conduite ininterrompue de 4 heures 30 commises les 22 mars 2018, 26 mars 2018, 27 mars 2018, 30 mars 2018 et 6 avril 2018 et, d'autre part, les soixante-treize contraventions de 5ème classe pour exécution d'un service occasionnel avec véhicule de plus de neuf places sans billet collectif valable. En revanche, l'administration a pu à bon doit se fonder sur deux contraventions de 5ème classe réprimées par les dispositions de l'article R. 3315-11 du même code pour prise insuffisante supérieure à 4 heures du temps de repos hebdomadaire normal de 24 heures pour des faits commis les 7 et 8 avril 2017 et les 27 et 28 avril 2017, sur six contraventions de 5ème classe réprimées par les dispositions de l'article R. 3315-11 du même code pour dépassement d'au moins 1 heure 30 de la durée de conduite ininterrompue de 4 heures 30, pour des faits commis les 9 avril 2017, 11 avril 2017, 16 avril 2017, 20 avril 2017, 22 avril 2017 et 30 avril 2017, et enfin sur trois contraventions de 5ème classe réprimées par l'article R. 3452-44 du code des transports pour l'exécution d'un service de transport public de personnes sans copie conforme de la licence de transport à bord du véhicule pour des faits commis les 5 octobre 2015, 9 avril 2016 et 20 novembre 2017.

Quant à la matérialité des contraventions de 4ème classe :

29. L'arrêté attaqué se fonde, en premier lieu, sur huit contraventions de 4ème classe réprimées par l'article R. 3315-10 du code des transports de dépassement de moins d'1 heure 30 de la durée de conduite ininterrompue de 4 heures 30 pour des faits commis les 8 avril 2017, 18 avril 2017, 23 avril 2017, 26 avril 2017, 29 avril 2017, 19 mars 2018, 23 mars 2018 et 28 mars 2018. Il se fonde, en deuxième lieu, sur la contravention de 4ème classe réprimée par l'article R. 317-24 du code de la route pour circulation d'un véhicule de transport en commun de personnes sans aménagement ou équipement de sécurité conforme, pour des faits commis le 5 février 2018, dont la société requérante admet la matérialité. Il se fonde, en troisième lieu, sur une contravention de 4ème classe réprimée par l'article R. 3315-10 du code des transports pour prise insuffisante n'excédant pas 9 heures du temps de repos hebdomadaire normal de 45 heures pour des faits commis le 23 mars 2018. Il se fonde, en quatrième et dernier lieu, sur une contravention de 4ème classe, réprimée par l'article R. 3452-44 du code des transports, pour des faits d'exécution d'un transport public routier de personnes en France sans copie de la convention ou d'attestation de l'autorité organisatrice, faits commis le 9 avril 2018.

30. Ainsi qu'il a été dit au point 25, la société requérante ne saurait utilement invoquer la circonstance que les infractions qui lui sont reprochées ne résulteraient pas d'une volonté frauduleuse de sa part au motif qu'elles ont été commises par certains de ses chauffeurs, qu'elle avait pris les dispositions nécessaires pour informer ses chauffeurs et que leurs manquements ont été sanctionnés. Eu égard à la gravité, au nombre et à la répétition des faits relevés à son encontre, cette situation doit être regardée comme révélatrice d'une anomalie que la direction de l'entreprise ne pouvait raisonnablement ignorer. La société requérante ne saurait invoquer la circonstance qu'elle aurait pris les mesures nécessaires pour éviter de telles infractions conformément à l'article L. 3315-6 du code des transports, en se prévalant des contrats de travail, de son règlement intérieur et d'avertissements adressés aux salariés, alors qu'il est de sa responsabilité de faire respecter les règles applicables en matière de transport.

31. Enfin la société requérante soutient que la contravention de 4e classe pour non-présentation de l'attestation de l'autorité organisatrice le 9 avril 2018 ferait double emploi avec une sanction infligée à la société Rubans bleus Pastouret. La décision attaquée mentionne cette infraction sans préciser aucun code Natinf et l'administration ne produisant pas dans la présente instance de procès-verbal établi à l'encontre de la société Nouvelle transports Suma pour l'infraction en cause, la société requérante est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet s'est fondé sur cette infraction.

32. Il résulte de ce qui précède qu'à l'exception de la contravention de 4e classe mentionnée au point précédent, la société requérante n'est pas fondée à contester la matérialité des contraventions de 4ème classe sur lesquelles se fonde la décision attaquée pour édicter la sanction de retrait de soixante-cinq copies conformes de licence de transport communautaire pendant une durée de trois mois à son encontre.

Quant au caractère disproportionné de la sanction de retrait de soixante-cinq copies conformes de licence de transport communautaire :

33. Ainsi qu'il a été dit au point 28, l'administration a pu à bon doit se fonder sur la contravention de 5ème classe réprimée par les dispositions de l'article R. 3315-11 du code des transports relatives à la prise insuffisante supérieure à 9 heures du temps de repos hebdomadaire normal de 45 heures pour des faits commis entre le 8 avril 2017 et le 10 avril 2017 ainsi que sur deux contraventions de 5ème classe réprimées par les dispositions de l'article R. 3315-11 du même code pour prise insuffisante supérieure à 4 heures du temps de repos hebdomadaire normal de 24 heures pour des faits commis les 7 et 8 avril 2017 et les 27 et 28 avril 20217, sur six contraventions de 5ème classe réprimées par les dispositions de l'article R. 3315-11 du même code pour dépassement d'au moins 1 heure 30 de la durée de conduite ininterrompue de 4 heures 30, pour des faits commis les 9 avril 2017, 11 avril 2017, 16 avril 2017, 20 avril 2017, 22 avril 2017 et 30 avril 2017, et enfin sur trois contraventions de 5ème classe réprimées par l'article R. 3452-44 du code des transports pour l'exécution d'un service de transport public de personnes sans copie conforme de la licence de transport à bord du véhicule pour des faits commis les 5 octobre 2015, 9 avril 2016 et 20 novembre 2017. Et ainsi qu'il a été dit au point 32, la société requérante n'est pas fondée à contester la matérialité de dix des onze contraventions de 4ème classe sur lesquelles se fonde la décision attaquée. Eu égard au nombre et à la nature de ces contraventions qui portent gravement atteinte à la sécurité routière et qui mettent gravement en danger la protection des conducteurs et des autres usagers de la route, ainsi qu'à leur répétition sur une période relativement courte, et alors notamment que le ministre fait valoir, sans être contesté, qu'en 2019 la Société nouvelle des transports Suma disposait de cinq cent vingt-neuf copies conformes de licence communautaire pour le transport routier de voyageurs, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la sanction de retrait de soixante-cinq copies conformes de licence de transport communautaire prononcée à son encontre serait disproportionnée.

34. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Société nouvelle des transports Suma est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte immobilisation de soixante-cinq autocars pour une durée de trois mois.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1907605 du 29 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 août 2019 est annulé, en tant qu'il porte sur l'immobilisation de soixante-cinq autocars pour une durée de trois mois.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Société nouvelle des transports Suma est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Société nouvelle des transports Suma et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2024.

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N° 22MA00371


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