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07/05/2024 | FRANCE | N°22MA01874

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 07 mai 2024, 22MA01874


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête n° 1905902, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite du 28 mai 2019 par laquelle le directeur de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie, de reconnaître sa pathologie comme étant une maladie professionnelle ou un accident de service, ou tout du moins imputable au service, de la placer en position de congé pou

r maladie professionnelle à compter du 21 novembre 2018 et de régulariser rétroactivement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1905902, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite du 28 mai 2019 par laquelle le directeur de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie, de reconnaître sa pathologie comme étant une maladie professionnelle ou un accident de service, ou tout du moins imputable au service, de la placer en position de congé pour maladie professionnelle à compter du 21 novembre 2018 et de régulariser rétroactivement son traitement. Par une requête n° 2106895, Mme B... a demandé à ce tribunal d'annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur de l'AP-HM a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service et a retiré sa décision de placement à plein traitement, de reconnaître sa pathologie comme étant une maladie professionnelle ou un accident de service, ou tout du moins imputable au service, de régularité rétroactivement son traitement.

Par un jugement n°s 1905902, 2106895 du 2 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit à la demande de Mme B... en annulant la décision implicite du 28 mai 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juillet 2022 et le 30 mai 2023, Mme B..., représentée par la SELARL NOÛS Avocats, agissant par Me Leturcq, demande à la cour :

À titre principal :

1°) d'annuler et de réformer le jugement n° 2106895 du tribunal administratif de Marseille du 2 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur de l'AP-HM a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service et a retiré sa décision de placement à plein traitement ;

3°) de reconnaître sa pathologie comme étant une maladie professionnelle ou un accident de service, ou tout du moins imputable au service ;

4°) de régulariser rétroactivement son traitement ;

À titre subsidiaire :

5°) d'enjoindre au directeur de l'AP-HM de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

En tout état de cause :

6°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal ayant omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 1333-3 du code de la santé publique d'une part, et d'autre part au moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de la commission de réforme dans la mesure où seulement 5 pièces sur 32 auraient été transmises à l'instance consultative ;

- le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions tendant à " reconnaître sa pathologie comme étant une maladie professionnelle ou un accident de service, ou tout du moins imputable au service " ;

- l'expertise du docteur C..., et, par voie de conséquence, le jugement attaqué sont entachés d'irrégularité dès lors que l'expert n'a pas répondu à toutes les questions posées par le tribunal administratif de Marseille par ordonnance du 9 juillet 2020 ;

- la décision du 2 juin 2021 est insuffisamment motivée au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 41 de la loi n° 83-33 du 9 janvier 1986, de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 16 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988, dès lors que la commission de réforme a omis de se prononcer sur l'imputabilité au service de sa pathologie ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme s'est prononcée au vu d'un dossier incomplet ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme ne s'est pas prononcée dans les délais prévus par l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- elle est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions des articles 3 et 16 de l'arrêté du 4 août 2004 dès lors que la commission de réforme n'a pas consulté de médecin spécialiste pour statuer sur sa pathologie ;

- l'AP-HM a méconnu son obligation de protection des agents dans l'exercice de leurs fonctions, en particulier elle a méconnu plusieurs obligations de protection prévues par le code du travail, notamment l'obligation de prévoir un examen médical préalable à sa prise de poste au sein du service de médecine nucléaire, de mettre en place des mesures de radioprotection et de la former à l'administration du médicament Lutathera ;

- elle souffre d'une radiodermite aiguë, maladie répertoriée au tableau des maladies professionnelles n°6 prévu à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale, provoquée par l'exposition à des produits radioactifs au sein du service de médecine nucléaire ;

- la décision du 2 juin 2021 est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle établit que son état de santé est en relation directe certaine et déterminante avec le service à compter du 21 novembre 2018, il s'agit soit d'une maladie professionnelle soit d'un accident de service ;

Par des mémoires, enregistrés le 27 avril 2023 et le 20 juin 2023, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM), représentée par Me Jean-Pierre, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par deux lettres du 20 mars 2023 et du 31 mai 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 22 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°83-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n°2020-566 du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire au service dans la fonction publique hospitalière ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud ;

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;

- les observations de Me Broeckaert, représentant Mme B..., celles de Mme B... et celles de Me Rougeyron, représentant l'AP-HM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., infirmière diplômée d'État titulaire depuis 2003, a été affectée au pôle d'imagerie médicale du service de médecine nucléaire de l'hôpital de la Timone le 4 décembre 2017. En juin 2018, un examen radio-toxicologique urinaire a révélé une contamination de ses urines par de l'iode 131 à laquelle elle impute l'apparition d'une éruption cutanée au niveau de la base du cou. L'intéressée a été placée en congé maladie à compter du 21 novembre 2018. Par courrier du 26 mars 2019, elle a déposé une demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie pour une radiodermite consécutive à une exposition et utilisation de produits radio-isotopiques. Par une décision du 2 juin 2021, le directeur de l'AP-HM a refusé de reconnaître sa maladie imputable au service et a retiré sa décision de placement à plein traitement.

2. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 mai 2022 en tant que ce dernier n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de la décision du 2 juin 2021.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017.

4. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date où l'accident intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme B..., était entièrement régie par les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017.

5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) ".

6. Pour statuer sur la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de l'intéressée, il appartenait à l'AP-HM de vérifier, après avis de la commission de réforme, si la pathologie en cause présentait un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter son développement, réserve étant faite du fait personnel de l'agent ou de toute autre circonstance particulière conduisant à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

7. Il ressort de l'avis de la commission de réforme du 26 avril 2021 que cette dernière s'est bornée à constater l'absence des critères fixés par le tableau n° 6 des maladies professionnelles et ne s'est pas prononcée sur le lien entre la maladie de Mme B... et les fonctions qu'elle a exercées au sein du service de médecine nucléaire. Ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, la commission de réforme ne peut être regardée comme s'étant prononcée, même implicitement, sur l'existence d'un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie de Mme B.... Par suite, la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. La consultation préalable obligatoire de la commission de réforme constitue une garantie pour les agents publics qui sollicitent la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie. Au cas particulier, Mme B... a été privée de la garantie qui s'attache à ce que son dossier soit examiné par cette instance. Par suite, elle est fondée à demander l'annulation, pour vice de procédure, de la décision du 2 juin 2021.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le moyen retenu par le présent arrêt n'implique pas nécessairement que doive être enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B.... Il en résulte que la requérante est seulement fondée à demander qu'il soit enjoint à l'AP-HM de procéder au réexamen de sa demande tendant à ce que sa maladie soit reconnue imputable au service. Il y a lieu d'enjoindre à l'AP-HM d'agir en ce sens dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'expertise :

11. Il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HM les frais et honoraires de l'expertise du Dr C... du 22 octobre 2020, liquidés et taxés à la somme de 1 688,36 euros par l'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 23 décembre 2020.

Sur les frais liés au litige :

12. Mme B... n'étant pas, dans présente instance, partie perdante, les conclusions présentées par l'AP-HM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, en application des dispositions de cet article, de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1905902-2106895 du 2 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : La décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur de l'AP-HM a rejeté la demande de Mme B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au directeur de l'AP-HM de réexaminer la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les frais d'expertise du Docteur C..., taxés et liquidés à la somme de 1 688,36 euros par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 23 décembre 2020 sont mis à la charge définitive de l'AP-HM.

Article 5 : L'AP-HM versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Cécile Fedi, présidente,

- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure,

- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.

N° 22MA01874 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01874
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Avocat(s) : SELARL WALGENWITZ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;22ma01874 ?
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