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15/04/2024 | FRANCE | N°23MA02955

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 15 avril 2024, 23MA02955


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 16 août 2022 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire d'exclusion définitive de fonction.



Par un jugement n° 2208672 du 9 octobre 2023, le tribunal administratif a fait droit à cette demande et a enjoint au recteur, dans un délai de deux mois, de réintégrer M. C... dans ses fonctions avec effet rétro

actif.



Procédure devant la Cour :



Par un recours, enregistré le 11 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 16 août 2022 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire d'exclusion définitive de fonction.

Par un jugement n° 2208672 du 9 octobre 2023, le tribunal administratif a fait droit à cette demande et a enjoint au recteur, dans un délai de deux mois, de réintégrer M. C... dans ses fonctions avec effet rétroactif.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 11 décembre 2023, et un mémoire enregistré le 19 mars 2024 et non communiqué, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. C....

Elle soutient que :

- les premiers juges ont méconnu leur office en s'abstenant d'exiger la communication de l'enregistrement de la caméra de vidéoprotection, tout en estimant qu'il n'était pas établi que M. C... était à l'origine de l'altercation ;

- le jugement est entaché, à cet égard, d'une contradiction des motifs ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la sanction d'exclusion définitive était disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2024, M. C..., représenté par Me Nouis, demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours de la ministre ;

2°) d'enjoindre au recteur de l'académie et à la ministre de le réintégrer avec effet rétroactif, avec tous les droits y afférents ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens présentés par la ministre à l'appui de son recours sont infondés.

Par une lettre en date du 21 février 2024, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu au cours du premier semestre de l'année 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 5 mars 2024.

Par ordonnance du 18 mars 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Darmon, pour le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et celles de Me Nouis, pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. A compter du 1er septembre 2021, M. C... a été nommé en qualité d'adjoint technique de recherche et de formation stagiaire pour occuper les fonctions d'agent de sécurité au rectorat de l'académie d'Aix-Marseille. A la suite d'une altercation entre M. C... et le chauffeur du recteur, survenue le 11 mars 2022, ce dernier a suspendu M. C... puis a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire d'exclusion définitive du service. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette dernière décision, en estimant qu'elle était disproportionnée.

Sur la régularité du jugement :

2. En estimant qu'ils étaient en mesure de faire droit à la demande de M. C... sans avoir à enjoindre au recteur, comme M. C... les y invitait, de produire l'enregistrement de la caméra de vidéoprotection, les premiers juges n'ont ni méconnu leur office, ni entaché leur jugement d'une contradiction de motifs, laquelle, d'ailleurs, aurait trait au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 10 du décret susvisé du 7 octobre 1994 fixant les dispositions applicables aux stagiaires de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées au fonctionnaire stagiaire sont : / 1 L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire, avec retenue de rémunération à l'exclusion du supplément familial de traitement, pour une durée maximale de deux mois ; / 4° Le déplacement d'office ; / 5° L'exclusion définitive de service. ".

4. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les questions de savoir si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Lors de son dépôt de plainte, M. D... a déclaré que M. C... l'avait provoqué verbalement puis, alors qu'il remontait dans son bureau, l'a poussé par derrière, avant d'être immobilisé par M. D... puis, qu'ayant été relâché par celui-ci, il lui a sauté dessus par derrière une fois de plus en l'étranglant puis en le frappant.

6. Lors de son dépôt de plainte, M. C... a déclaré que, lors de leur discussion initiale, M. D... aurait tenu des " propos menaçants ", qu'il l'a saisi au bras droit de sa main gauche pour l'accompagner vers la sortie, avant que M. D... le pousse dans le sas et le fasse chuter sur le présentoir à journaux et lui saute dessus en lui disant : " Gros lard, je vais te tuer ".

7. Dans son rapport, qui résume le témoignage des hôtesses d'accueil, Mme A..., cheffe de la division logistique, a indiqué que " Dominique D..., très contrarié par les événements qui se passent en Corse, a entamé une discussion sur ce sujet avec les hôtesses. B... C... a participé à la discussion par des plaisanteries et des propos non appropriés. A plusieurs reprises, les hôtesses constatant que Dominique D... prenait très mal les propos de B... C..., ont essayé de faire comprendre à B... de ne pas poursuivre dans cette voie. Apparemment, B... n'a pas pris la mesure de ces paroles et a dit à Dominique, puisque tu veux soutenir les Corses, tu peux tout lâcher ici et partir en Corse. Dominique lui a fait remarquer qu'il ne pouvait pas quitter son travail car il doit rembourser les funérailles de son fils. Et ultime provocation, B... a répondu qu'il n'était pas seul à avoir ce genre de problème. Dominique D... a préféré couper court à la conversation en sortant du hall. A ce moment, B... C... a poussé par derrière Dominique et la bagarre a commencé dans le sas d'entrée ".

8. Il ressort du visionnage de l'enregistrement, muet, de la caméra de vidéoprotection du hall d'accueil du rectorat qu'à l'issue d'une discussion animée entre M. D... et M. C..., M. D... s'est dirigé vers le sas de sortie. M. C..., le suivant, l'a alors agrippé par la veste. M. D... a tenté de se dégager, renversant M. C... sur un présentoir en métal. S'en est suivie une lutte au corps à corps au cours de laquelle des coups ont été échangés.

9. Il ressort de ces éléments que les témoignages de M. D... et de M. C... sont partiellement contradictoires, et qu'ils sont eux-mêmes partiellement contredits par l'enregistrement de la caméra de vidéosurveillance. En effet, l'enregistrement vidéo paraît montrer que M. C... n'a ni poussé ni saisi M. D... par le bras, mais l'a plutôt agrippé par la veste au niveau du dos. En outre, la vidéo paraît montrer que les coups sont portés par M. D..., qui tente de se dégager de l'emprise de M. C..., plus que par ce dernier. Enfin, la seconde agression dont fait état M. D... n'apparaît pas nettement dans cet enregistrement.

10. Par ailleurs, le témoignage des hôtesses d'accueil ayant assisté à la scène, tel qu'il est brièvement rapporté par la cheffe du pôle logistique, est indirect et imprécis et ne permet pas de comprendre les raisons qui ont conduit M. C... à agripper M. D..., alors que ce dernier se dirigeait spontanément vers la sortie. Par ailleurs, Mmes E... et Richard ont justifié de motifs médicaux les empêchant de déférer à une convocation de la Cour pour venir témoigner des faits.

11. Compte tenu de ces contradictions et de ces imprécisions, le dossier ne permet pas de connaître la teneur précise et l'enchaînement des échanges verbaux ayant conduit à cette altercation physique. Dans ces conditions, si le fait, pour M. C..., d'avoir agrippé M. D... alors même que celui-ci se dirigeait spontanément vers la sortie constitue une faute susceptible de justifier une sanction disciplinaire, cette faute ne peut, en l'absence de détermination précise des responsabilités respectives des deux protagonistes dans le déclenchement des violences physiques, être regardée comme étant d'une gravité telle qu'elle justifiait qu'une sanction de révocation fût prononcée.

12. Compte tenu de cette incertitude, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche n'est pas fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de M. C... contestant la sanction disciplinaire dont il avait fait l'objet.

Sur les conclusions de M. C... tendant à l'exécution du jugement attaqué :

13. De telles conclusions, qui ne constituent pas un appel incident, mais relèvent de l'office du juge de l'exécution, ne peuvent être présentées dans le cadre du présent litige.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. C... demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le recours de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est rejeté.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2024.

N° 23MA02955 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02955
Date de la décision : 15/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : CABINET PIETRA & ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-15;23ma02955 ?
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