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15/04/2024 | FRANCE | N°23MA02094

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 15 avril 2024, 23MA02094


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 30 mai 2023 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.



Par un jugement n° 2300764 du 26 juillet 2023, le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.



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Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 9 août 2023, M. B..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 30 mai 2023 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2300764 du 26 juillet 2023, le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2023, M. B..., représenté par Me Lelièvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Bastia du 26 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement qui a été pris par le président du tribunal statuant seul alors qu'il aurait dû être pris par une formation collégiale est irrégulier ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen selon lequel le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la mesure d'éloignement est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.

Le préfet de la Haute-Corse n'a pas produit de mémoire en défense.

Un courrier du 11 octobre 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 20 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 30 mai 2023, le préfet de la Haute-Corse a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 22 décembre 2021 M. B..., ressortissant marocain, sur le fondement des articles L. 423-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 26 juillet 2023 par lequel le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ;/ 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents... ".

3. D'autre part, l'article L. 614-4 du même code dispose que : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. (...) Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. ". Et selon l'article L. 614-5 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / L'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-7, notifiée postérieurement à la décision portant obligation de quitter le territoire français, peut être contestée dans les mêmes conditions. / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine [...] L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas... ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français en litige est fondée sur les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 précité. Dès lors que les dispositions de l'article L. 614-4 de ce même code réservent à la formation collégiale du tribunal la compétence pour statuer sur la légalité des mesures d'éloignement prises sur ce fondement, le président du tribunal n'était pas compétent pour se prononcer sur le recours. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bastia.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne le refus de séjour :

5. En premier lieu l'arrêté attaqué a été signé par M. Dareau, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Corse en vertu de la délégation que le préfet de la Haute-Corse lui a consentie par un arrêté n° 2B-2022-08-24-00001 du 24 août 2022 qui a été régulièrement publié le même jour au n° N°2B-2022-08-013 du recueil des actes administratifs de la préfecture. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant refus de séjour manque dès lors en fait et doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423 22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Enfin selon le premier alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

7. M. B... est entré pour la première fois en France le 3 novembre 2006 sous couvert d'un visa de type D en qualité de travailleur saisonnier. Il a fait l'objet d'un premier refus de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français, le 22 mars 2013, puis d'une deuxième mesure d'éloignement, le 31 décembre 2014, exécutée le 12 janvier 2015. Marié au Maroc avec une compatriote, le 30 avril 2015, il est revenu en France sous couvert d'un visa de court séjour avec son épouse en 2017, également en situation irrégulière, et deux enfants sont nés de leur union. Le premier, né le 19 mars 2018, est scolarisé en classe de maternelle en France, tandis que le second, né sans vie le 6 octobre 2019, est inhumé en Corse. Il a alors fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 5 octobre 2020, à la suite du nouveau refus de délivrance d'un titre de séjour le 10 avril 2017 qui n'a pas été exécutée. Il se prévaut en outre de la présence de deux frères en France, l'un sous couvert d'une carte de résident et l'autre d'une carte de séjour pluriannuelle. Par ailleurs, pour justifier avoir exercé une activité professionnelle, M. B... produit des relevés bancaires faisant état de remises de chèques au cours des mois de novembre 2018, de février, mars, juillet et novembre 2019, de janvier à mars et juillet 2020, de mars, avril, juin, septembre et novembre 2021, de février à juin 2022 et du premier trimestre 2023 ainsi que de photographies sur son lieu de travail. Il se prévaut en outre de promesses d'embauche par un contrat à durée indéterminée dans une exploitation agricole. Toutefois, à supposer même que ces documents soient suffisants pour établir l'existence de l'activité professionnelle, au demeurant intermittente, dont se prévaut le requérant, l'ensemble de ces éléments ne permet pas de démontrer que le requérant aurait fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, alors même qu'il disposerait de son propre logement en France à la même adresse depuis 2019, qu'il aurait toujours résidé dans la région de Bastia-Biguglia-Borgo, et qu'il fréquenterait depuis 2022 l'association du collectif antiraciste de Corse " Avà Basta ". Le requérant n'est dans ces conditions fondé à soutenir ni que l'arrêté attaqué aurait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle, familiale et professionnelle de M. B....

8. Par suite le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour est illégal.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

9. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant doit être écarté pour les même motifs que ceux exposés au point 7.

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen selon lequel la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté.

11. M. B... n'est par conséquent pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2023 du préfet de la Haute-Corse. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2300764 du président du tribunal administratif de Bastia du 26 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2024.

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N° 23MA02094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02094
Date de la décision : 15/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : LELIEVRE-CASTELLORIZIOS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-15;23ma02094 ?
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