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15/04/2024 | FRANCE | N°23MA00456

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 15 avril 2024, 23MA00456


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée IMS (" Image Media Sud ") a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision par laquelle le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes a implicitement rejeté sa demande du 26 novembre 2018 tendant à obtenir le paiement de la somme de 62 710,05 euros arrêtée à la date du 30 septembre 2017 et de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser cette somme assortie des intérêts au taux légal à com

pter de cette date.



Par un jugement n° 1900375 du 29 décembre 2022, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée IMS (" Image Media Sud ") a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision par laquelle le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes a implicitement rejeté sa demande du 26 novembre 2018 tendant à obtenir le paiement de la somme de 62 710,05 euros arrêtée à la date du 30 septembre 2017 et de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter de cette date.

Par un jugement n° 1900375 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2023, la société Image Media Sud, représentée par Me Lacrouts, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 décembre 2022 ;

2°) à titre principal, de condamner le conseil départemental des Alpes-Maritimes à lui payer la somme de 62 710,05 euros arrêtée à la date du 30 septembre 2017, somme majorée des intérêts capitalisés ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit la désignation d'un expert à fin de déterminer le préjudice financier qu'elle a subi s'agissant des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement dus par la personne responsable du marché en exécution du marché public 2013/834 ;

4°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que le jugement ait été signé par les membres de la formation de jugement ;

- les premiers juges ont statué au regard d'une note en délibéré déposée par le département des Alpes-Maritimes et qui n'a pas été soumise au contradictoire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 5 et R. 741-2 du code de justice administrative ;

- le jugement est entaché d'une contradiction dans ses motifs ;

- c'est au prix d'une erreur de droit que les premiers juges se sont fondés sur les clauses du cahier des clauses techniques particulières ;

- alors que le titulaire d'un marché a droit de manière automatique au bénéfice d'intérêts moratoires et à l'application de l'indemnité forfaitaire de 40 euros, en cas de retard de paiement, il ne peut lui être reproché d'avoir établi ni la date de réception par le département des Alpes-Maritimes des factures dont elle réclamait le paiement ni la date à laquelle ce dernier s'en est acquitté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2023, le département des Alpes-Maritimes, représenté par Richer et Associés Droit Public, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la demande de la société Image Media Sud recevable ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en toutes ces dispositions ;

3°) en tout état de cause, de rejeter la requête et de mettre à la charge de la société Image Media Sud la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande de la société Image Media Sud est irrecevable ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 9 octobre 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 22 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour le département des Alpes-Maritimes a été enregistré le 2 janvier 2024, postérieurement à la clôture d'instruction et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Lacrouts, pour la société Image Media Sud, et de Me Richer, pour le département des Alpes-Maritimes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement notifié le 30 avril 2013, le département des Alpes-Maritimes a attribué à la société Image Media Sud (IMS) un marché public de fournitures courantes et services portant sur la réalisation et la pose de structures, panneaux et autres relatifs à la signalétique de communication du conseil général des Alpes-Maritimes, sous forme d'un marché à bons de commande, conclu pour une période initiale d'une année à compter de la date de notification, reconductible expressément trois fois dans les mêmes conditions. Ce marché a été exécuté jusqu'à son terme, le 29 avril 2017. Considérant que certaines factures n'avaient pas été acquittées par le département des Alpes-Maritimes, la société Image Media Sud en a demandé le règlement par courrier électronique du 10 juillet 2017, puis a demandé de nouveau leur règlement ainsi que le versement d'intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2017. Par courrier électronique du 22 décembre 2017, le département des Alpes-Maritimes a informé la société Image Media Sud du règlement en cours des factures listées dans un bordereau joint. La société IMS a renouvelé sa demande de versement des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2018, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par le pouvoir adjudicateur. Par une nouvelle demande en date du 26 novembre 2018, la société Image Media Sud a sollicité le règlement de ces intérêts et de l'indemnité forfaitaire, à laquelle le département n'a pas répondu expressément. La société Image Media Sud a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la condamnation du département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 62 710,05 euros correspondant aux intérêts moratoires pour la période du 31 mai 2013 au 30 septembre 2017 et à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. Par le jugement du 29 décembre 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La société Image Media Sud relève appel de ce jugement.

Sur l'appel de la société Image Media Sud :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de l'absence de preuve de l'apposition des signatures manque en fait et ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes. ". Le 5ème alinéa de l'article R. 741-2 du même code dispose que : " Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. ".

5. Si la société appelante se plaint de ce que la note en délibéré produite par le département des Alpes-Maritimes le lendemain de l'audience ne lui a pas été communiquée, en méconnaissance du principe du contradictoire, il ne ressort pas des termes même du jugement en litige que les premiers juges se soient fondés sur des éléments de fait ou de droit contenus dans cette note en délibéré ou les pièces produites à l'appui pour rejeter sa demande. Dans ces conditions, elle ne saurait se plaindre de ce que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté.

6. En troisième lieu, en mentionnant que la société Image Media Sud n'établissait pas les retards dont elle se plaignait, les premiers juges n'ont donc pas entaché leur jugement d'une quelconque contradiction dans ses motifs. En tout état de cause, une telle contradiction ne serait pas de nature à affecter la régularité du jugement, mais son bien-fondé.

7. En quatrième et dernier lieu, il n'appartient pas au juge d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur la demande de condamnation indemnitaire dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la société Image Media Sud ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de l'erreur de droit que les premiers juges auraient commise.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

8. Aux termes de l'article 98 du code des marchés publics, alors applicable : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder : / 1° 30 jours pour les services de l'Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, à l'exception de ceux mentionnés au 2°, pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux ; (...) / Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. / Un décret précise les modalités d'application du présent article ". Aux termes de l'article 7 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, dans sa version applicable au contrat en litige : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée ".

9. Aux termes de l'article 2 du décret du 29 mars 2013 : " I. ' Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur (...). / II. ' La date de réception de la demande de paiement ne peut faire l'objet d'un accord contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son créancier. / La date de réception de la demande de paiement et la date d'exécution des prestations sont constatées par les services du pouvoir adjudicateur ou, le cas échéant, par le maître d'œuvre ou la personne habilitée à cet effet. A défaut, c'est la date de la demande de paiement augmentée de deux jours qui fait foi. En cas de litige, il appartient au créancier d'apporter la preuve de cette date (...) ". L'article 8 de ce même décret prévoit que : " I - (...). Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. ".

10. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige, il appartient au titulaire du marché d'établir la date à laquelle il a présenté sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur, laquelle constitue le point de départ du délai de trente jours dont dispose ce dernier pour s'en acquitter. Il ne peut dès lors être fait droit à la demande d'expertise présentée par la société, compte tenu du caractère frustratoire que revêtirait une telle expertise.

11. La société appelante se borne à produire un tableau établi par un expert-comptable mentionnant la seule date d'émission de l'ensemble de ces factures dont elle soutient qu'elles ont été réglées avec retard par le département. Faute d'établir la date de sa demande de mise en paiement, la société Image Media Sud n'établit pas la réalité des retards de paiement qu'elle impute au département. Par suite, sa demande tendant à ce que ce dernier soit condamné à lui verser la somme de 62 710,05 euros ne peut qu'être rejetée.

12. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense que la société Image Media Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur l'appel du département des Alpes-Maritimes :

13. Contrairement à ce que cherche à faire valoir le département des Alpes-Maritimes, la circonstance que les premiers juges aient rejeté la demande de la société Image Media Sud en mentionnant qu'il n'était nul besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir qu'il avait opposées ne signifie pas qu'ils ont entendu admettre la recevabilité de la demande dont ils étaient saisis. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, qui sont dirigées non contre le dispositif mais contre les motifs du jugement, le département des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice en ce qu'il aurait admis à tort la recevabilité de la demande de la société Image Media Sud.

Sur les frais liés au litige :

14. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département des Alpes-Maritimes, qui n'est pas la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par le département au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Image Media Sud est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions du département des Alpes-Maritimes est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Image Media Sud et au département des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2024.

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N° 23MA00456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00456
Date de la décision : 15/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Intérêts - Droit aux intérêts.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Intérêts - Point de départ des intérêts.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-15;23ma00456 ?
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