La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2024 | FRANCE | N°22MA00578

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 18 mars 2024, 22MA00578


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, par une requête enregistrée sous le n° 1810051, d'annuler le titre de perception émis le 9 avril 2018 par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur mettant à sa charge une somme de 13 201,38 euros correspondant à un demi-traitement du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016, ainsi que la décision du 1er octobre 2018 ayant rejeté son recours du 12 juin 2018, et de la dé

charger des sommes correspondantes. Elle a demandé au tribunal administratif, en deuxiè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, par une requête enregistrée sous le n° 1810051, d'annuler le titre de perception émis le 9 avril 2018 par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur mettant à sa charge une somme de 13 201,38 euros correspondant à un demi-traitement du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016, ainsi que la décision du 1er octobre 2018 ayant rejeté son recours du 12 juin 2018, et de la décharger des sommes correspondantes. Elle a demandé au tribunal administratif, en deuxième lieu, par une requête enregistrée sous le n° 1908168, d'annuler le titre de perception émis le 29 novembre 2018 par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur mettant à sa charge une somme de 37 601,21 euros, correspondant à un demi-traitement du 1er juin 2016 au 31 mai 2018, la décharge de l'obligation de payer ces sommes compte tenu des négligences fautives de l'Etat, l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 l'admettant à la retraite pour invalidité et qu'il soit enjoint à l'administration de lui octroyer une rente viagère d'invalidité.

Par un jugement nos 1810051, 1908168 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2022 et le 18 juillet 2023, et un troisième mémoire présenté le 23 janvier 2024, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, Mme B..., représentée par Me Portier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2021 ;

2°) à titre principal, d'annuler les titres de perception émis le 9 avril 2018 et le 29 novembre 2018 et la décharger totalement de l'obligation de payer les sommes correspondantes ;

3°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2018 et d'annuler, par voie de conséquence, les titres de perception qui se fondent sur cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au rectorat de lui octroyer une rente viagère d'invalidité ;

5°) à titre subsidiaire, de la décharger partiellement de l'obligation de payer les sommes réclamées ;

6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tendant à contester la validité des titres de perception litigieux ;

- le tribunal, qui s'est exclusivement fondé sur l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, a omis de répondre au moyen tiré de ce que sa situation relevait de l'article 27 du même décret ;

- les titres de perception des 9 avril 2018 et 29 novembre 2018 n'indiquent pas les bases de la liquidation et il n'est pas possible de comprendre le calcul de l'indu qui a été effectué ;

- l'arrêté du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 22 mai 2018 l'admettant à la retraite avec un effet rétroactif est illégal compte tenu du principe général du droit de non-rétroactivité des actes administratifs ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la question de la légalité de l'arrêté du 22 mai 2018 constituait un litige distinct ;

- à titre subsidiaire, l'administration qui lui a versé, à tort, un plein traitement en lieu et place d'un demi-traitement a méconnu l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- sa situation lui ouvrait droit au bénéfice d'un demi-traitement du 9 mars 2016 au 22 mai 2018, en vertu de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le versement du plein traitement ne constitue pas une erreur de liquidation mais résulte de son affectation à la direction des services départementaux de l'éducation nationale à compter du 1er septembre 2016, décision d'affectation qui était créatrice de droits ;

- la lenteur de l'administration dans la gestion de son dossier est constitutive d'une carence fautive de nature à justifier la décharge partielle de son obligation de payer ;

- cette faute lui a causé un important préjudice financier.

Par un mémoire, enregistré le 24 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut à sa mise hors de cause.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 8 juin 2023 et le 26 septembre 2023, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Un courrier du 11 mai 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 8 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Le 23 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés :

- de l'irrégularité du jugement qui a retenu qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la dette d'indu de rémunération de Mme B... correspondant à la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 ;

- de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 prononçant la mise à la retraite de Mme B..., formulées pour la première fois dans un mémoire en réplique enregistré le 5 mars 2021 au greffe du tribunal administratif de Marseille dans la demande n° 1908168, alors que Mme B... a nécessairement eu connaissance de cet arrêté du 22 mai 2018, qu'elle avait joint à sa demande enregistrée le 5 décembre 2018 devant le tribunal administratif de Marseille sous le n° 1810051, soit depuis plus d'un an.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Portier, pour Mme B..., présente.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., professeure des écoles, a été placée en congé de maladie ordinaire du 9 mars 2015 au 8 mars 2016 avant d'être admise à la retraite pour invalidité à compter du 9 mars 2016 par un arrêté du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 22 mai 2018. Par l'émission de deux titres de perception des 9 avril 2018 et 29 novembre 2018, l'administration a mis à sa charge les sommes de 13 201,38 euros et 37 601,21 euros pour des indus de rémunération pour les périodes respectives du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016 et du 1er juin 2016 au 31 mai 2018. Par une requête enregistrée sous le n° 1810051 Mme B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre émis à son encontre le 9 avril 2018 et la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le recteur a rejeté son recours, ainsi que la décharge des sommes ainsi réclamées. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1908168, Mme B... a demandé au tribunal d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 29 novembre 2018, ainsi que la décharge de la somme correspondante. Par un mémoire complémentaire du 5 mars 2021, la requérante a demandé en outre l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 la plaçant à la retraite et l'octroi d'une rente viagère d'invalidité. Mme B... relève appel du jugement du 20 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après avoir joint ces deux demandes, a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la dette d'indu de rémunération de Mme B... correspondant à la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 et rejeté le surplus de ses demandes.

Sur la demande de mise hors de cause du ministre de l'économie, des finances et de la relance :

2. Aux termes de l'article 66 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le ministre des finances et, s'il s'agit d'un litige relatif à l'existence ou à l'étendue d'un droit à pension ou à rente viagère d'invalidité, le ministre dont relevait le fonctionnaire ou le militaire doivent être appelés à produire à la juridiction administrative leurs observations sur les pourvois formés contre les décisions prises en application du présent code. ". Le présent litige est, notamment, relatif à l'étendue du droit à pension de Mme B.... Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à demander sa mise hors de cause.

Sur le jugement en tant qu'il statue sur la demande n° 1810051 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 1, par le jugement attaqué le tribunal a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la dette d'indu de rémunération de Mme B... correspondant à la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016, au motif que si l'administration avait émis le 9 avril 2018 un premier titre de perception correspondant à la rémunération indument versée à Mme B... du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016, elle avait toutefois fixé, dans le second titre émis, le début de la période d'indu au 1er juin 2016 au motif que la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 était prescrite. Le tribunal en a déduit que, ce faisant, l'administration devait être regardée " comme ayant retiré sa décision en ce qui concerne la période allant du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 ".

4. Toutefois le titre émis le 9 avril 2018 comporte comme mention en objet de la créance " rémunération perçue à plein traitement du 08.03.2016 au 31.12.2016 au lieu du demi-traitement durant la période du demi-traitement suite à épuisement des droits à congé et dans l'attente d'une mise à la retraite pour invalidité " tandis que le titre émis le 29 novembre 2018 mentionne en objet de la créance " trop-perçu sur rémunération du 09/03/16 au 31/05/18 : traitement brut et indemnité de résidence perçus à tort suite à mise en retraite d'office pour invalidité au 09/03/16. ". La nature des créances réclamées par ces deux titres de perception, à savoir d'une part le plein-traitement au lieu du demi-traitement et d'autre part le demi-traitement, bien que recouvrant partiellement la même période, était donc distincte. C'est donc à tort que le tribunal a estimé qu'en ayant émis le titre du 29 novembre 2018 l'administration devait être regardée comme ayant retiré sa décision en ce qui concerne la période allant du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016. En outre et en tout état de cause, le titre de recettes du 29 novembre 2018, qui faisait l'objet d'une contestation dans l'instance enregistrée sous le n° 1908168, n'était pas définitif de sorte que le tribunal ne pouvait valablement statuer en non-lieu, le retrait, à le supposer opéré, n'ayant pas acquis de caractère définitif.

5. D'autre part, en soutenant que " le tribunal administratif ne s'est pas positionné sur le moyen soulevé par Mme B... et s'est exclusivement fondé sur l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 alors même que [...] Mme B... relevait de l'article 27 ", Mme B... doit être regardée comme soutenant que le tribunal n'a pas répondu au moyen, invoqué par elle, tiré de la méconnaissance de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, en vertu duquel après une période de douze mois consécutifs de congés maladie le fonctionnaire peut être admis à la retraite et le paiement du demi-traitement est maintenu. Ce moyen n'a pas été analysé par le tribunal, qui n'y a pas non plus répondu. La requérante est, dans ces conditions, fondée à soutenir que le jugement est irrégulier.

6. Par suite, il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement en tant qu'il se prononce sur l'instance enregistrée sous le n° 1810051 et d'évoquer immédiatement ce litige.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du titre du 9 avril 2018 et de la décision rejetant le recours gracieux, ainsi qu'à la décharge des sommes correspondantes :

7. En premier lieu, les moyens critiquant les vices propres dont la décision de rejet du recours gracieux serait entachée ne peuvent être utilement invoqués à l'appui d'une demande tendant à la fois à l'annulation d'un acte administratif et du refus de faire droit au recours gracieux présenté à l'encontre de ce même acte. Par suite, la requérante ne peut utilement invoquer l'incompétence de l'auteur de la décision du 1er octobre 2018 rejetant son recours gracieux contre le titre de perception du 9 avril 2018.

8. En deuxième lieu, aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Il résulte de ces dispositions que tout titre exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint au titre exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. Toutefois, le titre de perception émis le 9 avril 2018, qui mentionne comme objet de la créance " rémunération perçue à plein traitement du 08.03.2016 au 31.12.2016 au lieu du demi-traitement durant la période de maintien à demi-traitement suite à épuisement des droits statutaires à congé et dans l'attente d'une mise à la retraite pour invalidité ", indiquait suffisamment les bases de la liquidation de la créance réclamée.

9. En troisième lieu l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif au régime de congés de maladie des fonctionnaires dispose que : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite (...) ". Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, dès lors que le titre émis le 9 avril 2018 ne visait pas à récupérer ce demi-traitement mais seulement le plein-traitement maintenu par erreur par l'administration au lieu du demi-traitement, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions.

10. En quatrième lieu, si la requérante soutient qu'elle aurait à bon droit bénéficié d'un plein traitement compte tenu de son affectation à compter du 1er septembre 2016 à la " direction des services départementaux de l'éducation nationale Marseille 1er arrondissement " elle ne le démontre pas en se bornant à se prévaloir d'une mention sur le site " I-Prof " qui n'est pas corroborée par ses bulletins de paie pour la période du 1er septembre 2016 au 31 décembre 2016 correspondante.

11. En cinquième lieu, une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En conséquence, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement. Le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus les conditions de l'octroi de cet avantage, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation. Dans ce cas, il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement.

12. Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la dette dont le remboursement lui est réclamé est imputable à une erreur que l'administration a laissé perdurer, alors que le maintien de son plein traitement après le 9 mars 2016 au lieu du demi-traitement qui lui était dû, ne lui est réclamé par le titre attaqué que pour la période du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016, soit pour une durée de dix mois, et que, s'agissant d'une simple erreur de liquidation, l'administration était fondée à lui demander le remboursement des sommes indûment perçues. En tout état de cause, à supposer même établie l'existence d'une faute dans la gestion de son traitement, pour cette période, la requérante ne démontre pas l'existence d'un préjudice en lien avec une telle faute. Par suite, la requérante n'est pas fondée à demander une diminution du montant de la somme mise à sa charge pour la période du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est fondée ni à demander l'annulation du titre de perception du 9 avril 2018 ou de la décision du 1er octobre 2018 rejetant son recours gracieux, ni la décharge des sommes correspondantes ou leur réduction.

Sur le jugement en tant qu'il statue sur la demande n° 1908168 :

En ce qui concerne les conclusions en annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 de mise à la retraite :

14. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, le délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut plus exercer de recours juridictionnel ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

15. Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 prononçant la mise à la retraite de Mme B..., formulées pour la première fois dans un mémoire en réplique enregistré le 5 mars 2021 au greffe du tribunal administratif de Marseille, alors que Mme B... avait nécessairement eu connaissance de cet arrêté du 22 mai 2018, qu'elle avait joint à sa demande enregistrée le 5 décembre 2018 devant le tribunal administratif de Marseille sous le n° 1810051, depuis plus d'un an, sont irrecevables.

16. Par suite, la requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du titre de perception du 29 novembre 2018 et à la décharge ou à la réduction des sommes correspondantes :

17. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre. Statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à en relever appel en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.

18. D'une part, le destinataire d'un ordre de versement est recevable à contester, à l'appui de son recours contre cet ordre de versement, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant cette créance, ou de laquelle cette créance est fondée, est devenue définitive, comme le prévoient au demeurant, les articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

19. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. Une décision affectant à titre rétroactif un fonctionnaire en congé de maladie n'est pas nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de ce fonctionnaire et ne présente pas non plus le caractère d'une mesure de régularisation. Elle est, par suite, entachée d'une rétroactivité illégale en tant qu'elle porte sur une période antérieure à son intervention.

20. Par suite, la créance réclamée à Mme B... est infondée en tant qu'elle correspond aux demi-traitements récupérés sur le fondement des dispositions illégalement rétroactives de l'arrêté du 22 mai 2018. Mme B... est donc fondée à demander la décharge des sommes correspondantes.

21. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi qu'il a été dit, il résulte de ces dispositions, que tout titre exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

22. Si les mentions du titre de perception émis le 29 novembre 2018 " trop-perçu sur rémunération : -du 09/03/16 au 31/05/18 : traitement brut et indemnité de résidence perçus à torts suite à mise à retraite d'office pour invalidité au 09/03/2016. La période du 09/03.16 au 31/05/16 est prescrite, le montant de la dette a été ramené de 40 748,89 euros à 37 601,21 euros. Le montant de cette période n'est donc pas inclus dans le titre de perception " permettaient de comprendre qu'un trop-perçu de rémunération était réclamé pour la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2018, ni les mentions du titre de recettes du 29 novembre 2018, ni celles des bulletins de salaire de juin 2018 et novembre 2017 auxquels il se réfère et que Mme B... reconnaît avoir reçus, ne permettent de comprendre les modalités de calcul du quantum de la créance réclamée, alors notamment que les calculs figurant dans le titre du 29 novembre 2018 ne correspondent pas avec ceux du courrier du 1er octobre 2018 adressé à Mme B... en réponse à son recours gracieux contestant le titre émis le 9 avril 2018. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que le titre de perception émis le 29 novembre 2018 ne comporte pas l'indication des bases de liquidation de la créance telle qu'exigée par les dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 citées au point 5.

23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, et notamment ceux relatifs à la régularité du jugement, la requérante est fondée à demander l'annulation totale du titre de perception émis le 29 novembre 2018 ainsi que la décharge partielle des sommes correspondant à la récupération du demi-traitement dû à Mme B... sur la période du 9 mars 2016 au 22 mai 2018, trop-perçu émis sur le fondement de l'arrêté du 22 mai 2018 entaché de rétroactivité illégale.

Sur les frais liés au litige :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement nos 1810051, 1908168 du 20 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : Le titre de perception du 29 novembre 2018 est annulé.

Article 3 : Mme B... est partiellement déchargée de la somme mise à sa charge par ce titre et correspondant à la récupération du demi-traitement qui lui était dû sur la période du 9 mars 2016 au 22 mai 2018 sur le fondement de l'arrêté du 22 mai 2018 entaché de rétroactivité illégale.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des demandes de première instance et des conclusions d'appel de Mme B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2024.

2

N° 22MA00578


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award