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06/03/2024 | FRANCE | N°23MA00381

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 06 mars 2024, 23MA00381


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée Société Aubagnaise Pour l'Aménagement des Gargues (SAPAG) et la société par actions simplifiée Guintoli ont demandé au tribunal administratif de Marseille de résilier le traité de concession d'aménagement portant sur la zone d'aménagement concerté de Gargues et de condamner la métropole d'Aix-Marseille-Provence à leur verser la somme de 289 016 293 euros, à parfaire, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation.

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Par un jugement avant dire droit n° 1704127 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Société Aubagnaise Pour l'Aménagement des Gargues (SAPAG) et la société par actions simplifiée Guintoli ont demandé au tribunal administratif de Marseille de résilier le traité de concession d'aménagement portant sur la zone d'aménagement concerté de Gargues et de condamner la métropole d'Aix-Marseille-Provence à leur verser la somme de 289 016 293 euros, à parfaire, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation.

Par un jugement avant dire droit n° 1704127 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a, avant de statuer sur les conclusions tendant à l'indemnisation des pertes subies par le groupement SAPAG-Guintoli, prescrit une expertise en vue de déterminer le montant des dépenses que le groupement a exposé inutilement pour satisfaire aux seules obligations dans le cadre de sa mission contractuelle d'aménageur entre le 1er janvier 2014 et le 30 novembre 2015 et d'évaluer le préjudice lié à son manque à gagner du fait de la résiliation du traité de concession d'aménagement.

Par jugement n° 1704127 du 20 décembre 2022, la métropole Aix-Marseille-Provence a été condamnée, d'une part, à verser à la SAPAG la somme de 4 909 148 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2017 et, d'autre part, à verser à la société Guintoli la somme de 698 469 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2017.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février et 28 septembre 2023, la société Guintoli, représentée par Me Riquelme, demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements des 22 juillet 2020 et 20 décembre 2022 en ce qu'ils ont limité le montant de l'indemnisation qui lui est due à la somme de 698 469 euros ;

2°) de condamner la métropole d'Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 5 290 839 euros, majorée des intérêts capitalisés au taux légal à compter du 3 février 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la métropole d'Aix-Marseille-Provence la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son indemnisation doit être portée à la somme totale de 5 290 839 euros, dont 115 187 euros au titre des frais exposés en pure perte, déjà accordés par les premiers juges et non contestés, et 5 175 652 euros au titre du manque à gagner ;

- les moyens présentés par la métropole d'Aix-Marseille-Provence à l'appui de son appel incident ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2023, la métropole d'Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Eard-Aminthas, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête et, à titre subsidiaire, de prendre en compte dans la détermination de la perte de couverture de frais fixes de la société Guintoli, un abattement de 30 % justifié par les aléas pesant sur la faisabilité de l'opération, ainsi qu'un abattement supplémentaire justifié par les aléas pesant sur la rentabilité de l'opération ;

2°) dans le cadre d'un appel incident, d'annuler l'article 2 du jugement du 20 décembre 2022 en ce qu'il a fixé l'indemnité due à la société Guintoli, à la somme de 698 469 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2017 et d'arrêter l'indemnité due à la société Guintoli au titre de la perte de bénéfice en appliquant un abattement de 30 % justifié par les aléas pesant sur la faisabilité de l'opération, et un abattement supplémentaire qu'elle déterminera, justifié par les aléas pesant sur la rentabilité de l'opération ;

3°) et en tout état de cause, de mettre à la charge de la société Guintoli la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé ;

- il serait ainsi particulièrement choquant que pour apprécier le préjudice de la société Guintoli, dont il n'est au demeurant pas établi qu'il soit direct, certain et justifié, ne soient pas pris en compte les aléas importants pesant sur la faisabilité de l'opération, d'autant plus que ces aléas ont précisément motivé son abandon ;

- les aléas pesant, non plus sur la faisabilité, mais sur la rentabilité de l'opération justifient également l'application d'un abattement supplémentaire sur le manque à gagner ;

- le raisonnement des premiers juges est infondé et l'article 2 du jugement, en tant qu'il accorde à la société Guintoli une indemnisation à hauteur de 583 282 euros sans réfaction, au titre de la perte de bénéfice net, doit être annulé ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas pris en considération, pour apprécier le préjudice de la société Guintoli, les aléas liés à la complexité de l'opération.

Un courrier du 2 août 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 6 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Riquelme, pour la société Guintoli, de Me Peru, pour la société SAPAG, et de Me Thierry, pour la métropole Aix-Marseille-Provence.

Connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 13 février 2024, et produite pour la société Guintoli.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 30 mai 2012, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile (CAPAE) a décidé d'engager l'élaboration d'un dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique de la zone d'aménagement concerté (ZAC) dite " des Gargues ", située sur le territoire de la commune d'Aubagne. Par une délibération du 8 octobre 2013, la CAPAE a décidé d'attribuer la concession d'aménagement de cette zone au groupement SAPAG-Guintoli. La convention d'aménagement a été signée le 25 février 2014 pour une durée de huit ans. A la suite d'un changement de majorité de la CAPAE et du conseil municipal d'Aubagne, le dépôt du dossier de réalisation de la ZAC a été reporté du 30 mars 2014 au 31 mars 2015, par deux avenants en date des 26 septembre 2014 et 18 mars 2015, afin de tenir compte des modifications programmatiques demandées par la nouvelle majorité municipale. Par délibération du 30 novembre 2015, la CAPAE, suivant l'avis défavorable du conseil municipal d'Aubagne du 29 septembre 2015, a décidé de ne pas approuver le dossier de réalisation de la ZAC des Gargues remis le 29 juillet 2015. Par un courrier du 4 juillet 2016, le groupement SAPAG-Guintoli a mis en demeure la métropole d'Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la CAPAE, d'approuver le dossier de réalisation de la ZAC. Par un courrier du 2 février 2017, le groupement SAPAG-Guintoli a adressé une réclamation préalable à la métropole, qui l'a rejetée implicitement. Le groupement a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la résiliation du contrat de concession aux torts exclusifs de la métropole d'Aix-Marseille-Provence et à la condamnation de cette dernière à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi à hauteur de la somme de 289 016 293 euros, assortie des intérêts aux taux légal avec capitalisation. Par un jugement avant dire droit du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a jugé que la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Étoile avait tacitement résilié la convention d'aménagement dont les sociétés SAPAG et Guintoli, réunies en groupement, étaient titulaires, et que la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la communauté d'agglomération, était engagée de ce fait, et a prescrit une expertise en vue d'évaluer le montant du préjudice subi par ces sociétés. Par le jugement du 20 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné la métropole Aix-Marseille-Provence à indemniser la société Guintoli des dépenses qu'elle a exposées en vain à hauteur de 115 187 euros et de son manque à gagner à hauteur de 583 282 euros.

Sur l'appel principal de la société Guintoli :

2. Comme l'a jugé le tribunal administratif, par un motif qui n'est pas contesté par la métropole d'Aix-Marseille-Provence, la société Guintoli a droit à être indemnisée à hauteur de son manque à gagner. Dans le cadre de son appel, cette société conteste seulement le jugement attaqué en tant que, s'écartant de l'avis du rapport d'expertise, il évalue ce manque à gagner à un montant inférieur à celui calculé par l'expert.

3. Le manque à gagner, qui s'identifie au bénéfice net manqué sur la partie non résiliée de la concession, correspond à la différence entre, d'une part, les recettes supplémentaires qui auraient été enregistrées par la société si la concession avait été exécutée et, d'autre part, les dépenses supplémentaires que cette société aurait dû supporter si l'exécution de la concession s'était poursuivie jusqu'à son terme. Ce manque à gagner ne peut, en revanche, être calculé sous déduction des frais généraux fixes que la société doit supporter en toute hypothèse, en cas de poursuite comme de résiliation de la concession. Il en résulte que c'est à juste titre que l'expertise comptable ordonnée par le tribunal administratif a, pour évaluer le montant du manque à gagner de la société Guintoli, appliqué le taux de marge sur coûts variables et non le taux de marge sur coûts variables et fixes.

4. Il en résulte qu'ainsi que l'a estimé l'expert, le manque à gagner, calculé sur la base du taux de marge sur coûts variables de l'activité " grands travaux " de la société Guintoli, soit 13,31 %, appliqué au montant total du chiffre d'affaires manqué, soit 38 885 439 euros hors taxes, s'élève à 5 175 652 euros.

5. Toutefois, l'expert relève par ailleurs qu'" il est loin d'être évident que cette société aurait atteint le degré de performance économique escompté ". Selon lui en effet, " compte tenu de l'ampleur du projet, de sa durée d'exécution et de sa complexité, de nombreux retards et imprévus inévitables ne pouvaient qu'impacter sa rentabilité ". Il note à ce titre que le principe même de la survenance d'aléa a été intégrée dans le calcul du chiffre d'affaires attendu. Compte tenu des aléas inhérents à l'importance d'une telle opération, et de nature à alourdir les charges liées à l'exploitation, il y a lieu de ne considérer le manque à gagner calculé par l'expert comme présentant un caractère certain qu'à hauteur de 3 600 000 euros. En revanche, la société Guintoli étant chargée de la réalisation des travaux d'aménagement et non de la vente, il n'y a pas lieu de tenir compte des aléas tenant aux risques financiers et commerciaux de toute opération immobilière d'envergure.

6. Il en résulte que le manque à gagner de la société Guintoli s'élève à 3 600 000 euros. Compte tenu du montant des dépenses exposées en vain, dont le montant de 115 187 euros n'est pas en débat, le montant total du préjudice de la société Guintoli s'élève par conséquent à 3 715 187 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Guintoli est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a limité l'indemnisation de son manque à gagner à la somme de 583 282 euros.

Sur l'appel incident de la métropole d'Aix-Marseille-Provence :

8. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, l'appel incident de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ne peut être accueilli.

Sur les intérêts :

9. Comme l'a jugé le tribunal administratif, par un motif qui n'est pas contesté, la somme que la métropole d'Aix-Marseille-Provence est condamnée à verser à la société Guintoli portera intérêts au taux légal à compter du 3 février 2017, date de réception de la demande indemnitaire de la société Guintoli par la métropole d'Aix-Marseille-Provence. La capitalisation des intérêts ayant été demandée le 5 mai 2017, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 3 février 2018 date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la métropole d'Aix-Marseille-Provence dirigées contre la société Guintoli qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole d'Aix-Marseille-Provence une somme de 2 000 euros à verser à la société Guintoli en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le montant de la condamnation de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, prononcée par l'article 2 du jugement attaqué au bénéfice de la société Guintoli, est porté de la somme de 698 469 euros à la somme de 3 715 187 euros. Les intérêts et la capitalisation prévus par ce même article 2 s'appliquent au montant de la condamnation ainsi rehaussé.

Article 2 : Les jugements du tribunal administratif de Marseille du 22 juillet 2020 et du 20 décembre 2022 sont reformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La métropole d'Aix-Marseille-Provence versera à la société Guintoli la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la métropole d'Aix-Marseille-Provence sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Guintoli, à la métropole d'Aix-Marseille-Provence et à la Société Aubagnaise Pour l'Aménagement des Gargues (SAPAG).

Copie en sera adressée pour information à M. B... A... en sa qualité d'expert.

Délibéré après l'audience du 12 février 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 mars 2024.

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N° 23MA00381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00381
Date de la décision : 06/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Opérations d'aménagement urbain - Zones d'aménagement concerté (ZAC).


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL MOLAS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-06;23ma00381 ?
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