Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... et M. A... B..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fils C... B..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 16 février 2021, par laquelle le maire de Venelles a exclu temporairement leur fils de la cantine scolaire, ainsi que la décision du 4 mars 2021 rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2103815 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mai 2023, Mme E... et M. B..., représentés par Me Medjati, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2023 ;
2°) d'annuler les décisions des 16 février et 4 mars 2021 du maire de Venelles ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Venelles la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont procédé à une substitution de base légale sans en informer les parties ;
- le jugement doit également être annulé, les premiers juges ayant retenu de manière erronée que la matérialité des faits n'avait pas fait l'objet d'une contestation dans le recours gracieux ;
- la décision excluant leur fils du service public de la cantine pour une durée de trois jours a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour la commune d'avoir respecté une procédure contradictoire préalable ;
- la décision en litige est entachée d'erreur de fait alors qu'il appartenait à l'autorité administrative d'apporter la preuve du prétendu refus de leur fils de porter le masque de protection ;
- la commune a méconnu les dispositions du règlement intérieur de la cantine dont elle entendait assurer l'application en procédant à l'exclusion de leur fils alors que le règlement prévoit une gradation dans les sanctions applicables avant l'exclusion temporaire puis définitive ;
- alors qu'une procédure participative associant la famille est prévue par ce même règlement, il est regrettable que l'autorité administrative, surtout dans un contexte de crise sanitaire nécessitant pédagogie et explication auprès des enfants, n'ait pas choisi cette procédure, parfaitement adaptée au cas d'espèce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2023, la commune de Venelles, représentée par Me Gouard-Robert, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme E... et M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un courrier du 2 août 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par ordonnance du 2 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2021-123 du 5 février 2021 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Gouard-Robert, pour la commune de Venelles.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du maire de Venelles en date du 16 février 2021, C... B..., alors âgé de sept ans, scolarisé en classe de CE1 à l'école primaire Marcel Pagnol, a été exclu temporairement de la cantine pour une durée de quatre jours. Ses parents ont introduit un recours gracieux, rejeté par décision en date du 4 mars 2021. Mme E... et M. B... ont alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Par le jugement du 28 mars 2023, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme E... et M. B... relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 5 février 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire : " I. - Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d'hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dites barrières, définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance ". L'annexe 1 mentionne notamment le port du masque systématique dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties. L'article 36 du décret dispose que : " I. (...) L'accueil est organisé dans des conditions permettant de limiter au maximum le brassage des enfants et élèves appartenant à des groupes différents. II. - Portent un masque de protection : / (...) 3° Les élèves des écoles élémentaires ; 4° Les collégiens (...°) ; 5° Les enfants de six ans ou plus accueillis en application du II de l'article 32 (...) ".
3. Aux termes de l'article 6, intitulé " Fonctionnement- mesures disciplinaires et conservatoires - devoirs du personnel de surveillance ", du règlement intérieur des restaurants scolaires de Venelles : " Le personnel municipal assure la surveillance des enfants durant le temps de la restauration, en veillant à ce qu'il soit un moment de détente et de sérénité, un apprentissage de la vie en collectivité, ainsi qu'une occasion de découvrir de nouvelles saveurs. / Les enfants, sensibilisés à cet effet par leurs parents, doivent notamment s'abstenir de toute attitude perturbatrice pouvant nuire au calme des salles de restauration. / 6.1 : Mesures disciplinaires. / Tout manquement à ces règles élémentaires de comportement fait l'objet de sanctions graduelles en fonction des éventuelles récidives : / 1 - avertissement verbal de l'enfant par l'agent responsable de la surveillance de l'enfant ; / 2 - avertissement écrit faisant suite à un avertissement verbal. Les faits sont précisés et l'élu responsable est informé ; / 3 - exclusion temporaire d'un à cinq jours consécutifs faisant suite à trois avertissements écrits. Cette mesure est prise par l'élu délégué aux affaires scolaires ; / 4 - exclusion définitive faisant suite à une exclusion temporaire. Cette mesure sera prise par le Maire ou l'élu délégué. / Toutefois, les sanctions 3 ou 4 sont directement appliquées lorsque les manquements à la discipline présentent une gravité avérée telles que injures au personnel de surveillance, coups portés à ce dernier et/ou à des camarades, dégradations du matériel (ex. : bris volontaire de vaisselle, de mobilier ...), etc./ 6.2 : Mesures conservatoires. / Lorsque le comportement d'un enfant s'avère, de façon régulière, nuisible tant à lui-même (ex. : refus persistant de se nourrir) qu'aux autres (refus systématique des consignes, violence incontrôlable...) et qu'il ne peut être apaisé par le personnel de surveillance dans l'exercice de ses compétences statutaires normales, la commune peut décider de suspendre la fréquentation du service de restauration par l'enfant, à titre temporaire et conservatoire. / La Commune en informe préalablement la famille afin d'appréhender l'ensemble des solutions susceptibles d'être apportées pour le bien de l'enfant, notamment à travers l'aide, sollicitée par la famille, de professionnels de l'enfance. / La durée de la suspension est arrêtée par la Commune après avis de la famille et ne saurait être supérieure à 16 jours consécutifs. / Si, à l'issue de la réintégration de l'enfant, le comportement décrit plus haut venait à se reproduire en perdurant ou à s'aggraver, la Commune peut décider à nouveau de suspendre temporairement la fréquentation du service ou peut décider que l'enfant ne sera plus accueilli de manière définitive. La décision de la Commune est précédée d'un entretien avec les parents. ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'en raison du refus de C..., fils des appelants et élève en classe de CE1 au sein de l'école primaire Marcel Pagnol de Venelles, de porter le masque à la cantine au cours de la pause méridienne du 16 février 2021, le maire a pris une décision d'exclusion de cet élève du lundi 8 mars au jeudi 11 mars 2021. Cette décision est notamment justifiée par l'insolence dont aurait fait preuve le jeune C.... Ainsi, elle doit être regardée comme une mesure de sanction et non comme une simple mesure de police ayant pour objet de prévenir ou à limiter les effets de l'épidémie de covid-19.
5. Or le règlement intérieur, cité au point 3, prévoit la gradation dans les sanctions que le maire de Venelles peut décider d'infliger aux élèves qui contreviennent, par leur comportement, à des dispositions de ce règlement intérieur, en imposant, sauf pour les faits les plus graves, tels qu'injures, coups et dégradations, d'adresser à l'enfant un avertissement verbal, puis d'adresser aux parents de l'élève un avertissement écrit. Il n'est ni établi, ni même allégué que le manquement reproché au jeune C... revêtirait le caractère d'un fait d'une gravité telle qu'elle justifiait l'infliction immédiate d'une sanction d'exclusion. Dès lors, le maire de Venelles a, en prenant directement une sanction de type 3 à l'encontre du fils des appelants, méconnu les dispositions de l'article 6 du règlement intérieur des restaurants scolaires instaurant une gradation dans les sanctions infligées aux élèves méconnaissant ce règlement intérieur.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme E... et M. B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision d'exclusion de trois jours de la cantine prise à l'encontre du jeune C..., ainsi que de la décision du 4 mai 2021 portant rejet de leur recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Venelles dirigées contre Mme E... et M. B... qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Venelles une somme de 1 500 euros à verser à Mme E... et M. B... en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2103815 du 28 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille et les décisions du 16 février 2021 et du 4 mars 2021 du maire de la commune de Venelles sont annulés.
Article 2 : La commune de Venelles versera à Mme E... et M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E..., à M. A... B... et à la commune de Venelles.
Délibéré après l'audience du 12 février 2024, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2024.
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N° 23MA01347