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26/02/2024 | FRANCE | N°23MA02107

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 26 février 2024, 23MA02107


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2303001 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

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Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 11 août 2023, M. A..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2303001 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2023, M. A..., représenté par Me Belotti, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;

- ils n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet des Bouches-du-Rhône ;

- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- ladite décision est également entachée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du même code et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un droit au séjour ;

- ladite décision est également entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- et les observations de Me Belotti, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, déclare être entré en France le 29 juin 2019. Par jugement en assistance éducative du 31 octobre 2019, il a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance jusqu'au 31 juillet 2020. Le 20 mai 2022, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. A... a alors saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 13 juin 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance de manière provisoire alors qu'il est entré en France en 2019 en faisant valoir qu'il était né le 28 mai 2003 et qu'il est donc mineur. Par jugement du 9 juin 2020, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Marseille a prononcé la mainlevée de la mesure provisoire plaçant M. A... auprès des services de l'aide sociale à l'enfance. Par un arrêt du 2 décembre 2020, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé ce jugement en considérant, d'une part, que les jugements supplétifs n° 23247 et 6515 produits par l'intéressé ne présentaient pas les garanties de sécurité requises pour de tels documents et que les incohérences du récit de M. A... et l'évaluation éducative et sociale établie par les agents de l'association départementale pour le développement des actions de prévention des Bouches-du-Rhône (ADDAP 13) révélaient un faisceau d'indices remettant en cause sa minorité. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a transmis le 10 mai 2022 au préfet des Bouches-du-Rhône une carte consulaire délivrée le 24 février 2021 ainsi qu'un acte de naissance daté du 7 octobre 2020 établi à la suite d'un jugement supplétif n° 11955 rendu le 22 septembre 2020, ces documents faisant état de ce qu'il serait né le 28 mai 2003. En se bornant, pour écarter l'application de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à opposer l'absence de valeur probante des documents examinés en 2019 par la cellule de fraude documentaire de la police aux frontières, sans se prononcer sur la valeur des nouveaux documents d'état civil produits par M. A..., le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché son arrêté d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, relatifs à la régularité et au bien-fondé du jugement attaqué, présentés par M. A..., ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 novembre 2022.

Sur l'injonction :

6. Eu égard au motif retenu par le présent arrêt et seul susceptible de l'être en l'état du dossier, l'exécution de cet arrêt implique seulement le réexamen de la demande de l'intéressé. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Belotti, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Belotti de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 22 novembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Belotti une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Belotti renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Belotti.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 12 février 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 février 2024.

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No 23MA02107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02107
Date de la décision : 26/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : BELOTTI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-26;23ma02107 ?
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