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12/02/2024 | FRANCE | N°23MA01739

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 12 février 2024, 23MA01739


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.



Par un jugement n° 2210852 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, M. A..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2210852 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Quinson, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 novembre 2022 ;

3°) sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler à compter de la notification de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision portant refus d'admission au séjour, qui comporte des mentions stéréotypées et plusieurs erreurs de fait, a été prise sans examen particulier des circonstances ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les erreurs de fait ont une incidence sur le sens de cette décision ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît aussi l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose les articles 2, 7 et 17 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil sans prévoir qu'un délai de départ volontaire soit prolongé en raison de la durée du séjour et des liens familiaux et sociaux, doit être écarté ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est illégale, le préfet s'étant cru tenu de n'accorder qu'un délai de départ de trente jours et ce faisant a méconnu l'étendue de sa compétence.

Le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas produit de mémoire en défense.

Un courrier du 23 août 2023 a été adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 3 janvier 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 18 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 18 mars 2022 M. A..., ressortissant malien, sur le fondement de sa vie privée et familiale, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 20 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".

3. Contrairement à ce que fait valoir le préfet, le requérant, qui est arrivé en France en 2015, avant d'atteindre sa majorité, et justifie y être scolarisé depuis, à l'exception de la période courant de septembre 2016 à mars 2017, justifie d'une résidence habituelle sur le territoire national depuis presque sept ans à la date de la décision attaquée. Les appréciations de l'ensemble de ses professeurs et maîtres de stage, ainsi que des centres d'hébergement qu'il a fréquentés témoignent unanimement de l'assiduité et de la volonté d'intégration de l'intéressé. Le requérant se prévaut en outre d'une promesse de contrat d'apprentissage le 7 février 2022 établie par la société PLC Multibat. Il a aussi obtenu un contrat de formation par intérim du 11 juillet 2022 au 18 novembre 2022 pour une formation de cuisinier qu'il a dû interrompre, compte tenu de sa situation administrative.

4. Compte tenu de ces motifs exceptionnels, et alors même que sa mère et son frère demeurent encore au Mali, le requérant est fondé à soutenir qu'en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur l'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ". Et selon l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

7. Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État dans l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Quinson de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2210852 du 20 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 18 novembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à la délivrance à M. A... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués.

Article 3 : L'Etat versera à Me Quinson une somme de 1 500 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat dans l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Quinson.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 février 2024.

2

N° 23MA01739


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01739
Date de la décision : 12/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : QUINSON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-12;23ma01739 ?
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