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12/02/2024 | FRANCE | N°23MA01302

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 12 février 2024, 23MA01302


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'Etablissement public d'aménagement et de développement (EPAD) Ouest Provence a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société par actions simplifiée Agilis et la société par actions simplifiée SERIA à lui verser, à titre de provision, la somme de 51 264,68 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts à taux légal et de leur capitalisation.



Par une ordonnance n° 2110370 du 12 mai

2023, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a condamné solidairement les sociétés S...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Etablissement public d'aménagement et de développement (EPAD) Ouest Provence a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société par actions simplifiée Agilis et la société par actions simplifiée SERIA à lui verser, à titre de provision, la somme de 51 264,68 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts à taux légal et de leur capitalisation.

Par une ordonnance n° 2110370 du 12 mai 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a condamné solidairement les sociétés SERIA et Agilis à verser à l'EPAD Ouest Provence la somme provisionnelle de 47 040,68 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2021.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023 sous le n° 23MA01302, et un mémoire, enregistré le 28 septembre 2023, la société Soc Etude Routière Infrastructure Acoust (SERIA), représentée par Me Métral, demande à la Cour :

1°) de réformer l'ordonnance du 12 mai 2023 en ce qu'elle a retenu sa responsabilité ;

2°) à titre principal, de rejeter l'ensemble des demandes de l'EPAD Ouest Provence à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener le quantum des sommes réclamées par l'EPAD Ouest Provence à de plus justes proportions et de limiter sa condamnation ;

4°) de mettre à la charge de l'EPAD Ouest Provence la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de l'EPAD Ouest Provence tendant à sa condamnation solidaire avec la société Agilis à rembourser l'établissement des frais d'avocat qu'il a engagés se heurte à des contestations sérieuses dès lors que n'est intervenue aucune décision au fond tranchant le litige, que les frais d'avocats ne constituent pas un préjudice réparable et qu'enfin, le quantum a été fixé unilatéralement par le demandeur sans contradictoire ;

- à titre subsidiaire, le montant mis à sa charge par la juge des référés doit être réduit dès lors que sa responsabilité en tant que maître d'œuvre est contestable et que la cause de la survenance du désordre réside dans un défaut de mise en œuvre imputable à la seule société Agilis ;

- les frais mis à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont excessifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, l'Etablissement public d'aménagement et de développement (EPAD) Ouest Provence, représenté par Me Richard, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société SERIA la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 6 septembre 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 10 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour l'EPAD Ouest Provence a été enregistré le 10 octobre 2023, postérieurement à la clôture d'instruction et non communiqué.

II. Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023 sous le n° 23MA01344, et des mémoires, enregistrés les 13 et 20 octobre 2023, la société Agilis, représentée par Me Cros, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 mai 2023 ;

2°) de rejeter la demande de l'EPAD Ouest Provence ;

3°) de mettre à la charge de l'EPAD Ouest Provence la somme 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juge des référés a méconnu son office ;

- elle a statué ultra petita en la rendant solidairement responsable avec la société SERIA ;

- la créance réclamée par l'EPAD Ouest Provence est sérieusement contestable compte tenu de l'existence d'une réception de l'ouvrage, de la prescription de l'action tendant à l'engagement de la garantie de parfait achèvement, de la responsabilité du maître de l'ouvrage, et de l'absence de responsabilité in solidum entre les sociétés Agilis et SERIA.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 août, 10 et 16 octobre 2023, l'EPAD Ouest Provence, représenté par Me Richard, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société Agilis la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré du caractère prescrit de son action est nouveau en appel et donc irrecevable ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 6 septembre 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Le juge des référés de la Cour ayant décidé de porter cette affaire en formation collégiale.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Cros, pour la société Agilis.

Connaissance prise de la note en délibéré présentée pour la société Agilis dans l'instance n° 23MA01344 et enregistrée le 17 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence, aux droits et obligations duquel vient la métropole Aix-Marseille-Provence, a confié à l'EPAD Ouest Provence la mission de maîtrise d'ouvrage déléguée d'un projet portant sur la réalisation d'un mur antibruit le long de la route nationale n° 568 sur le territoire de la commune de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). La maîtrise d'œuvre de l'opération a été confiée à un groupement composé des entreprises SERIA, Acouplus et Atelier Fleuridas Paysage. La société SERIA a fait appel à un sous-traitant, Alp infra, devenu MTM infra. Les travaux de construction, consistant en la réalisation de trois écrans acoustiques en plastique recyclé et végétalisable, ont été confiés le 10 juillet 2008 à la société Agilis, laquelle s'est fournie auprès de la société Sodilor pour les structures en plastique recyclé, fabriquées par la société Hahn/Lueft. Dans la nuit du 21 au 22 mai 2009, la partie nord du mur s'est effondrée et un constat d'huissier dressé le 14 octobre 2009 a mis en évidence des déformations importantes des écrans encore en place, menaçant de s'effondrer. Saisi par l'EPAD, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, par une ordonnance du 21 décembre 2009, désigné un expert judiciaire, qui a remis son rapport le 14 décembre 2020. L'EPAD Ouest Provence a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Agilis et SERIA à lui verser, à titre de provision, la somme de 51 264,68 euros toutes taxes comprises. Par ordonnance du 12 mai 2023, la juge des référés a fait partiellement droit à cette demande. La société SERIA et la société Agilis font appel de cette ordonnance.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées nos 23MA01302 et 23MA01344 sont dirigées contre la même ordonnance, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'appel de la société SERIA :

En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance :

3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".

4. Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant. Outre l'appel ouvert aux parties contre sa décision, le demandeur peut introduire une requête au fond. Le débiteur de la provision dispose, en l'absence d'une telle requête, de la faculté de saisir le juge du fond d'une demande tendant à la fixation définitive du montant de sa dette en application des dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative.

5. Il résulte de l'instruction que l'expert qui a remis son rapport le 14 décembre 2020 a été chargé par le président du tribunal administratif de Marseille notamment de décrire la nature et l'étendue des désordres affectant les trois écrans antibruit situés le long de la route nationale n° 568 et de donner tous les éléments utiles d'appréciation sur les responsabilités encourues et les préjudices subis. A la suite de la remise de ce rapport par l'expert désigné et compte tenu des méconnaissances par la société SERIA et la société Agilis de leurs obligations contractuelles retenues par ce dernier, l'EPAD Ouest Provence a sollicité le versement d'une provision pour les frais d'avocats qu'il a dû supporter notamment pour le suivi des opérations expertales. Tenant compte de l'absence de réception des travaux, la juge des référés a condamné solidairement la société SERIA et la société Agilis à verser à l'EPAD Ouest Provence une provision à hauteur de 47 040,68 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2021.

6. En soutenant que les frais d'avocats pour lesquels l'EPAD Ouest Provence sollicitait une provision ne constituent pas un préjudice réparable et ne sont indemnisables que sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans le cadre de l'instance au fond qui a été engagée, la société SERIA soulève une contestation sérieuse de l'obligation dont l'EPAD Ouest Provence faisait état. Ce dernier ayant sollicité une provision pour ces seuls frais, cette circonstance fait obstacle, en l'état de l'instruction, à la fixation d'une provision au bénéfice de l'EPAD Ouest Provence.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle a soulevés à l'appui de sa requête d'appel, la société SERIA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a mis une provision à sa charge.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

8. L'article L. 761-1 du code de justice administratif fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la société SERIA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'EPAD Ouest Provence une somme de 2 500 euros sur ce fondement.

Sur l'appel de la société Agilis :

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance :

9. En premier lieu, en écartant comme insuffisamment sérieuses les contestations opposées à la créance revendiquée par l'EPAD Ouest Provence, la juge des référés n'a pas méconnu son office.

10. En second lieu, elle n'a pas statué ultra petita en condamnant les sociétés SERIA et Agilis in solidum, cette solidarité étant demandée par l'EPAD.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance :

11. En premier lieu, l'ordre de service n° 8 du 10 mars 2009, ainsi que le compte rendu de chantier établi le 28 juillet 2009, constituent des indices manifestant la volonté de l'EPAD de ne pas réceptionner l'ouvrage. Dans ces conditions et en l'absence de décision formelle de réception, la contestation soulevée par la société Agilis, qui se fonde sur l'existence d'une réception tacite de l'ouvrage, ne revêt pas, en l'état de l'instruction, un caractère suffisamment sérieux.

12. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, la contestation tirée de la prescription de l'action en engagement de la garantie de parfait achèvement, qui s'applique en cas de réception, n'apparaît pas non plus sérieuse en l'état de l'instruction.

13. En troisième lieu, si la société Agilis invoque la responsabilité du maître de l'ouvrage, cette contestation n'est pas assortie de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Si elle entend contester le fait qu'elle avait la garde de l'ouvrage au moment de son effondrement, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que cette contestation ne revêt pas de caractère sérieux.

14. En quatrième lieu, si la société Agilis conteste sa condamnation in solidum avec la société SERIA pour la totalité des sommes réclamées par l'EPAD, cette contestation ne peut être, en l'état de l'instruction, regardée comme sérieuse, compte tenu, d'une part, du fait que les intervenants à un marché public de travaux sont tenus in solidum à réparer la totalité des dommages dont ils sont les coauteurs, et, d'autre part, du fait que le rapport d'expert, qui ne fait pas l'objet d'une contestation de la part de la société Agilis sur ce point, précise en pages 38 et 39 que les désordres résultent de la conjonction d'un défaut d'exécution imputable à la société Agilis et d'un défaut de surveillance imputable à la société SERIA.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Agilis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille l'a condamnée solidairement à verser à l'EPAD Ouest Provence une provision.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'EPAD Ouest Provence dirigées contre la société SERIA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Agilis une somme à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2110370 en date du 12 mai 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée en tant qu'elle a condamné la société SERIA à verser une provision à l'EPAD Ouest Provence.

Article 2 : La demande de l'EPAD Ouest Provence en tant qu'il a sollicité la condamnation de la société SERIA à lui verser une provision est rejetée.

Article 3 : L'EPAD Ouest Provence versera à la société SERIA une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La requête de la société Agilis sous le n° 23MA01344 est rejetée.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement public d'aménagement et de développement (EPAD) Ouest Provence, à la société Agilis, à la société Soc Etude Routière Infrastructure Acoust (SERIA).

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 février 2024.

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Nos 23MA01302 - 23MA01344


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01302
Date de la décision : 12/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL RINGLE - ROY & AVOCATS ASSOCIES;SELARL RINGLE - ROY & AVOCATS ASSOCIES;CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-12;23ma01302 ?
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