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09/11/2023 | FRANCE | N°22MA00159

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 09 novembre 2023, 22MA00159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les Amandines a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, ou, à défaut, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2017, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1903154 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 j

anvier 2022, la SCI Les Amandines, représentée par Me Bolognese, demande à la Cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les Amandines a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, ou, à défaut, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2017, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1903154 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2022, la SCI Les Amandines, représentée par Me Bolognese, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 17 novembre 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, ou, à défaut, la réduction des impositions en litige et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales en lui notifiant un rappel résultant de la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée de la livraison à soi-même de deux villas au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, alors qu'elle avait procédé à une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2014 au 31 mars 2017, au cours de laquelle la discussion avait porté sur les modalités de la taxation à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'opération de construction de ces villas ;

- l'administration a formellement pris position sur les modalités de la taxation à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'opération de construction des villas ;

- l'administration a soumis à tort à la taxe sur la valeur ajoutée la livraison à soi-même des villas ;

- en soumettant la livraison à soi-même des villas à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a méconnu les énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-30, paragraphes 300 à 340 ;

- il est inéquitable de ne pas réduire la base d'imposition de la livraison à soi-même pour tenir compte de la dépréciation de la valeur du terrain constatée en 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCI Les Amandines ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Les Amandines a fait construire à Ribeauvillé (Haut-Rhin) deux villas qui ont été achevées au cours de l'année 2015. A l'issue d'un contrôle sur pièces de ses déclarations, l'administration fiscale a estimé que la SCI Les Amandines aurait dû constater, au plus tard au 31 décembre de la deuxième année suivant l'achèvement des villas, une livraison à elle-même à raison de l'affectation de ces villas à son activité de location. La SCI Les Amandines relève appel du jugement du 17 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge ou à défaut à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été réclamés pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2017, et des majorations correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevé, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que l'administration, après avoir procédé à la vérification de la comptabilité de la SCI Les Amandines au titre de la période allant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, du 1er janvier 2014 au 31 mars 2017, lui a adressé un avis d'absence de rectification daté du 20 novembre 2017. Si elle a ultérieurement notifié à la société, par une proposition de rectification datée du 26 juin 2018, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2017, la rectification, qui ne portait pas sur la même période, a de surcroit été établie à la suite d'un examen des pièces du dossier détenu par le service sans qu'il soit procédé à une nouvelle vérification des écritures comptables de la société. Dans ces conditions, l'administration, qui n'a pas procédé à une nouvelle vérification de la comptabilité de la SCI Les Amandines, n'a pas méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le principe de l'imposition :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 257 du code général des impôts : " I.-Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. / (...) II.-Les opérations suivantes sont assimilées, selon le cas, à des livraisons de biens ou à des prestations de services effectuées à titre onéreux. / 1. Sont assimilés à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux : / (...) 2° L'affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d'un bien produit, construit, (...) ou ayant fait l'objet d'une acquisition intracommunautaire dans le cadre de son entreprise lorsque l'acquisition d'un tel bien auprès d'un autre assujetti, réputée faite au moment de l'affectation, ne lui ouvrirait pas droit à déduction complète (...) ". Aux termes du II de l'article 270 du même code : " La liquidation de la taxe exigible au titre des livraisons à soi-même d'immeubles neufs taxées en application du 2° du 1 du II de l'article 257 peut être effectuée jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle est intervenu l'achèvement de l'immeuble (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 261 D de ce code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 2° Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus (...) ".

5. Il est constant que la SCI Les Amandines a pour activité la propriété, l'administration et l'exploitation de biens immobiliers et que les deux villas qu'elle a fait construire à Ribeauvillé, à raison desquelles elle a déposé une déclaration d'achèvement des travaux le 28 avril 2015, ont été affectées à partir du deuxième semestre de l'année 2015 à son activité de location à titre onéreux de locaux nus à usage d'habitation et sont demeurées la propriété de la société jusqu'au 31 décembre 2017. L'activité de location de logements nus à usage d'habitation exercée par la société requérante, qui entre dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée, est néanmoins exonérée sur le fondement du 2° de l'article 261 D du code général des impôts. Ainsi, la société n'aurait eu aucun droit à déduction de la taxe grevant les dépenses effectuées en vue de la construction des immeubles si elle avait acquis les mêmes biens déjà construits auprès d'un tiers. Dans ces conditions, alors même que la SCI Les Amandines aurait eu l'intention de vendre les villas, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'affectation de ces biens immobiliers à une activité de location exonérée était constitutive d'une livraison à soi-même imposable à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 2° du 1 du II de l'article 257 du code général des impôts.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".

7. D'une part, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-30, n°s 300 à 340, relatives aux droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, et plus particulièrement aux règles particulières de régularisation relatives aux immeubles conservés en stock ou en attente de cession, qui ne comportent aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application ci-dessus.

8. D'autre part, la circonstance qu'à l'issue de la vérification de comptabilité mentionnée au point 3, portant sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 mars 2017, la SCI Les Amandines n'a fait l'objet d'aucune rectification ne saurait être regardée comme constituant une prise de position formelle de l'administration sur la situation de fait de l'entreprise au regard d'un texte fiscal, que la société requérante pourrait lui opposer sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. De même, si la requérante affirme qu'au cours de ce contrôle le vérificateur aurait indiqué, verbalement, que la société avait correctement déclaré la taxe sur la valeur ajoutée relative à la construction des villas, elle ne le démontre pas par la production d'échanges de courriels dont les mentions ne confirment pas l'existence d'une telle indication relative aux modalités de taxation de la livraison à soi-même.

En ce qui concerne le montant de l'imposition :

9. Aux termes du 1 de l'article 266 du code général des impôts : " La base d'imposition est constituée : / (...) c. Pour les livraisons à soi-même (...) : / lorsqu'elles portent sur des biens, par le prix d'achat de ces biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d'achat, par le prix de revient, déterminés dans le lieu et au moment où la taxe devient exigible ; (...) ". Aux termes du 1 de l'article 269 du même code : " Le fait générateur de la taxe se produit : / (...) b) Pour les livraisons à soi-même d'immeubles neufs taxées en application du 2° du 1 du II de l'article 257, au moment où le dépôt à la mairie de la déclaration prévue par la réglementation relative au permis de construire est exigé ; (...) ".

10. Il résulte de l'instruction que l'administration a déterminé la base d'imposition de la livraison à soi-même des deux villas que la SCI Les Amandines a fait construire en calculant leur prix de revient à la date de l'achèvement des travaux, soit le 28 avril 2015, qui constitue le fait générateur de la taxe. La circonstance que la taxe n'a été liquidée que le 31 décembre 2017, sur le fondement du II de l'article 270 du code général des impôts, est sans incidence sur la détermination de la date de ce fait générateur. Par conséquent, la SCI Les Amandines n'est pas fondée à revendiquer, à titre subsidiaire, la prise en compte d'une dépréciation des terrains constatée au cours de l'année 2016, soit postérieurement au fait générateur de la taxe.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Amandines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Les Amandines est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les Amandines et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Mastrantuono, première conseillère,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023.

2

N° 22MA00159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00159
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SOCIETE FIDUCIAIRE D'ALSACE ET DE LORRAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-09;22ma00159 ?
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