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30/10/2023 | FRANCE | N°23MA00630

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 30 octobre 2023, 23MA00630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Chalet des Jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le contrat de sous-concession de service public relatif au lot n° T3d sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la SAS Rama.

Par un jugement n° 1900819 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enr

egistrés les 31 août 2021, 4 octobre 2021 et 5 avril 2022, sous le n° 21MA03744, la société L...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Chalet des Jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le contrat de sous-concession de service public relatif au lot n° T3d sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la SAS Rama.

Par un jugement n° 1900819 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 août 2021, 4 octobre 2021 et 5 avril 2022, sous le n° 21MA03744, la société Le Chalet des Jumeaux, représentée par la SCP d'avocats aux conseils Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le contrat de sous-concession de service public relatif au lot n° T3d sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la SAS Rama ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, car le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ;

- le jugement est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs de qualification et d'appréciation des faits ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'insuffisante définition des besoins de la collectivité sur la gamme de services et de clientèle, compte tenu de l'objectif de diversité d'accueil fixé par l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence, en méconnaissance de l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et des principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; ce faisant la commune a comparé des offres trop différentes et disposait ainsi d'un pouvoir discrétionnaire ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'irrégularité du critère financier qui était imprécis et incohérent, comportait deux objectifs contradictoires et reposait sur les seules déclarations des candidats ;

- la méthode de notation est illégale car, en premier lieu, les appréciations littérales sont trop succinctes sur chacun des critères de sélection et, en second lieu, le système de flèche utilisé laisse une trop grande part à l'arbitraire ;

- les offres n'ont pas été évaluées au regard des sous-critères de sélection, et la mise en œuvre du critère financier est illégale, la société Le Chalet des Jumeaux n'ayant pas été évaluée au titre du sous-critère relatif à la tarification du service aux usagers ;

- ces différentes irrégularités l'ont lésée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2022, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un arrêt n° 21MA03744 du 10 mai 2022, la Cour a annulé le jugement n° 1900819 du tribunal administratif de Toulon du 1er juillet 2021 et a résilié le sous-traité de concession relatif au lot T3d conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la SAS Rama.

Par une décision du 10 mars 2023 le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté d'une part, par la commune de Ramatuelle, enregistré sous le n° 464823, et, d'autre part, par la société Rama, enregistré sous le n° 465694, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 mai 2022 et a renvoyé les affaires devant la même Cour où elles ont été enregistrées respectivement sous les n°s 23MA00630 et 23MA00631.

Deux courriers du 5 avril 2023 adressés aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les ont informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler les affaires à l'audience et ont indiqué la date à partir de laquelle les instructions pourront être closes dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par un mémoire, enregistré le 19 mai 2023 après renvoi dans chacun des dossiers n°s 23MA00630 et 23MA00631, la société Le Chalet des Jumeaux, représentée par la SCP d'avocats aux conseils Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le contrat de sous-concession de service public relatif au lot n° T3d sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la SAS Rama ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les moyens développés dans sa requête d'appel avant cassation. Elle ajoute que les vices dénoncés, eu égard à leur nature, justifient qu'il soit mis fin au contrat, aucune régularisation n'étant envisageable.

Par un mémoire, enregistré le 19 mai 2023 dans chacun des dossiers n°s 23MA00630 et 23MA00631, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Petit, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires, enregistrés le 20 mai 2023 et le 11 juin 2023, dans chacun des dossiers n°s 23MA00630 et 23MA00631, la SAS Rama, représentée par Me Bouillot, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnances du 20 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Deux mémoires présentés pour la société Le Chalet des Jumeaux ont été enregistrés dans chacun des dossiers 23MA00630 et 23MA00631 les 8 et 9 août 2023, postérieurement à la clôture d'instruction et non communiqués.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Thiriez, pour la société Le Chalet des Jumeaux, de Me Bouillot, pour la SAS Rama, et de Me Callot, pour la commune de Ramatuelle.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet du Var a accordé à la commune de Ramatuelle la concession de la plage naturelle de Pampelonne pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019. La commune de Ramatuelle a engagé, le 30 juin 2017, une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution de sous-concessions du service public balnéaire sur cette plage pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019 et jusqu'au 31 décembre 2030. La consultation portait sur trente lots, parmi lesquels vingt-trois lots " établissements de plage ", dont le lot T3d. Par une délibération du 16 juillet 2018, le conseil municipal de Ramatuelle a notamment attribué le lot T3d à la société Rama. La société Le Chalet des Jumeaux, qui s'était portée candidate à titre subsidiaire sur le lot T3d, a saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la sous-concession de service public du lot T3d de la plage de Pampelonne conclue le 19 octobre 2018 avec la société Rama et, à titre subsidiaire, à sa résiliation. La société Le Chalet des Jumeaux a ensuite relevé appel du jugement n° 1900819 du tribunal administratif de Toulon du 1er juillet 2021 qui a rejeté ses demandes. Par un arrêt n° 21MA03744 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er avril 2023. Mais, par une décision n°s 464823, 465694, le Conseil d'Etat, saisi respectivement d'un pourvoi de la commune de Ramatuelle et de la société Rama, a annulé l'arrêt de la Cour du 10 mai 2022 et lui a renvoyé l'affaire.

Sur le cadre juridique du litige :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l'Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

3. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

Sur la jonction :

4. Les dossiers enregistrés sous les n°s 23MA00630 et 23MA00631 concernent le même arrêt du Conseil d'Etat et présentent à juger de questions similaires. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

5. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire, faute de communication régulière de l'ensemble des pièces produites par la commune de Ramatuelle, doit être écarté, comme non assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

6. En second lieu, il n'appartient pas au juge d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la société Le Chalet des Jumeaux ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, des erreurs de droit de qualification ou d'appréciation que les premiers juges auraient commises.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui d'un recours de plein contentieux contre un contrat, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

En ce qui concerne la définition des besoins :

8. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, dans sa version applicable aux faits de l'espèce: " I. - Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ". Et selon l'article 27 de la même ordonnance : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ". Enfin, l'article 36 de l'ordonnance précise que : " Sans préjudice des dispositions du chapitre préliminaire et du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, l'autorité concédante organise librement la procédure qui conduit au choix du concessionnaire, dans le respect des principes énoncés à l'article 1er de la présente ordonnance, des dispositions du présent chapitre et des règles de procédure fixées par voie réglementaire... ". Les concessions sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire. Il lui appartient à ce titre d'indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession et le type d'investissements attendus ainsi que les critères de sélection des offres.

9. Il résulte de l'instruction et notamment de l'article 3 du règlement de consultation et du document programme correspondant aux lots " établissements de plage " que l'autorité concédante avait informé les candidats des principales caractéristiques du service public concédé, au demeurant développées à l'article 6 du cahier des charges de la concession du 7 avril 2017, acte réglementaire disponible sur internet. L'article 3 du règlement de la consultation précisait ainsi que les délégataires auraient notamment la charge de " développer le caractère attractif du site de la plage de Pampelonne au plan touristique, la qualité de l'architecture, des activités et des services personnalisés à destination d'une clientèle diversifiée sur le périmètre délégué ". Et l'article 2.3 du document programme des établissements de plage développait les caractéristiques des vingt-trois lots de plage répartis en trois zones de type B, C ou A selon que le bâtiment d'exploitation se trouvait sur le domaine public maritime, sur le domaine public communal, ou à la fois sur les deux. Il était ainsi précisé que le service de plage comprenait majoritairement une activité de bains de soleil mais aussi une activité de restauration. Il était également indiqué l'étendue géographique des différents lots, la durée du contrat et les investissements attendus. Par ailleurs, l'article 8.3 du règlement de consultation stipulait que, pour apprécier l'offre présentant le meilleur avantage économique global, la commune de Ramatuelle retenait quatre critères par ordre d'importance décroissant. Le premier critère était relatif au " projet d'établissement ", le deuxième à la " qualité et cohérence de l'offre au plan technique : moyens humains et matériels ", le troisième à la " proposition du candidat en rapport avec l'attente d'excellence de la commune : démarche de responsabilité sociale de l'entreprise ". Enfin, le quatrième critère relatif à la " qualité et cohérence de l'offre au plan financier : cohérence entre le compte prévisionnel d'exploitation, la tarification de service proposée et le niveau de redevance communale proposée " visait clairement à apprécier la cohérence d'ensemble, la solidité et la crédibilité de l'offre au plan financier en comparant ce compte prévisionnel d'exploitation avec la tarification du service et le niveau de redevance communale proposés, ce qui était suffisamment précis. Les candidats étaient donc suffisamment informés sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire.

10. La société requérante reproche à la commune de Ramatuelle de ne pas avoir défini avec suffisamment de précision, pour chaque lot de plage, le type d'établissement et d'ambiance, familiale, festive ou autre et de gamme de prestation de service, de redevance et de tarifs attendus en fonction des catégories d'usagers, et d'avoir ainsi comparé des offres trop différentes et laissé à la commune un pouvoir discrétionnaire. L'autorité concédante n'était toutefois pas tenue de définir cet élément de la stratégie commerciale des établissements exploités sur chacun des lots. Par suite, alors même que les informations sur les besoins étaient communes à l'ensemble des lots de sous-concession et que, par ailleurs, la commune avait limité le nombre de lots auxquels le candidat pouvait soumissionner, et qu'elle entendait clairement garantir une diversité de gammes de prestations pour un public varié, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de définition suffisamment précise des besoins de la commune, la procédure de passation du contrat du lot T3d méconnaitrait l'objectif de diversité d'accueil fixé à l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence ainsi que l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et les principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

En ce qui concerne la régularité des critères d'attribution :

11. L'autorité concédante définit librement la méthode d'évaluation des offres au regard de chacun des critères d'attribution qu'elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour son évaluation des offres que les modalités de leur combinaison. Une méthode d'évaluation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d'attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités d'évaluation des critères d'attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l'ensemble des critères, à ce que l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie.

12. En premier lieu, l'autorité concédante a, pour évaluer les offres qui lui étaient soumises, associé à chacun des critères hiérarchisés qu'elle avait fixés et rendus publics une appréciation qualitative des offres. Cette appréciation était composée d'une évaluation littérale concise, mais suffisante, décrivant les qualités des offres pour chaque critère, suivie d'une flèche qui la résumait. Contrairement à ce que soutient la société Le Chalet des Jumeaux, cette appréciation générale n'avait pas à reprendre chacun des sous-critères qui ont, par ailleurs, été pris en compte dans la fiche individuelle d'évaluation des offres, ainsi qu'il sera dit au point 16. Dans le cadre de cette méthode, une flèche verte orientée vers le haut représentait la meilleure appréciation, une flèche rouge vers le bas la moins bonne, tandis que des flèches orange orientées de biais vers la droite ou à l'horizontale vers la droite constituaient deux évaluations intermédiaires. La commune a enfin classé les offres admises à négocier au regard de l'appréciation qu'elle avait portée sur chacun des critères. Il résulte des principes énoncés au point précédent que cette méthode d'évaluation des offres, qui permet de comparer et de classer tant les évaluations portées sur une même offre au titre de chaque critère que les différentes offres entre elles, n'est pas de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et n'est, par suite, pas entachée d'irrégularité.

13. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 9, l'article 8.3 du règlement de consultation prévoyait quatre critères d'attribution " par ordre d'importance décroissant ", parmi lesquels en quatrième et dernière position, un critère de " qualité et cohérence de l'offre au plan financier : cohérence entre le compte prévisionnel d'exploitation, la tarification de service proposé et le niveau de redevance communal proposé. ". Il indiquait que les quatre critères n'étaient pas pondérés, ce qui était suffisamment précis, et n'a pas conféré à l'autorité administrative un pouvoir d'appréciation discrétionnaire, alors même que n'étaient pas spécifiés le type d'établissement et d'ambiance et le niveau de services attendus. En outre, si la société requérante soutient que le critère financier était incohérent car il était exigé des candidats d'un côté des redevances forfaitaires et variables les plus élevées possible et de l'autre de garantir des prix modérés, ce qui confèrerait selon elle à l'autorité administrative un pouvoir d'appréciation discrétionnaire, il résulte du cahier des charges techniques page 14/14 que la cohérence d'ensemble entre tous les éléments financiers de l'offre devait faire l'objet d'une attention toute particulière. Ainsi que l'a à juste titre relevé le tribunal, il résulte d'ailleurs du rapport d'analyse des offres que l'un des candidats, la société Big Mamma Food a été écartée des négociations au motif que sa proposition était non cohérente au regard des bénéfices attendus, et ce, malgré la proposition d'une redevance plus importante que certains de ses concurrents admis à négocier, ce qui démontre que le critère de la redevance n'était pas déterminant, contrairement à ce que soutient la société requérante, alors notamment qu'il était aussi souligné que le chiffre d'affaires de la société Big Mamma était incohérent. Si la société requérante soutient que la commune de Ramatuelle aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en prévoyant, dans le règlement de consultation, que ce critère se fonde sur le " compte prévisionnel d'exploitation ", ce qui inclut le chiffre d'affaires prévisionnel alors que celui-ci repose seulement sur les déclarations des candidats sans être assorti d'engagements contractuels, un tel élément d'appréciation ne saurait être regardé comme entachant d'irrégularité la méthode d'évaluation, dès lors qu'il s'agissait d'apprécier la cohérence d'ensemble, la solidité et la crédibilité de l'offre au plan financier en comparant ce plan prévisionnel d'exploitation avec la tarification du service et le niveau de redevance communale proposés.

En ce qui concerne l'appréciation des offres :

14. Ainsi qu'il a été dit plus haut, il résulte de l'article 8.3 du règlement de consultation, que pour apprécier l'offre présentant le meilleur avantage économique global, la commune de Ramatuelle a retenu quatre critères par ordre d'importance décroissant. Le premier critère relatif au " projet d'établissement " se décomposait en trois sous-critères, selon lesquels en premier lieu, le projet d'établissement doit être en corrélation avec la politique touristique communale, en deuxième lieu, le projet architectural et paysager doit s'intégrer dans l'espace naturel et remarquable dans l'esprit de la plage de Pampelonne et en troisième lieu, les prestations doivent permettre une personnalisation du service, une communication, un contrôle de la qualité et de la maintenance des ouvrages. L'autorité administrative a en outre retenu un deuxième critère relatif à la " qualité et cohérence de l'offre au plan technique : moyens humains et matériels ". Le troisième critère était relatif à la " proposition du candidat en rapport avec l'attente d'excellence de la commune : démarche de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) ". Et le quatrième critère était relatif à la " qualité et cohérence de l'offre au plan financier ".

15. En premier lieu, la société requérante soutient que les offres n'auraient pas été évaluées au regard des sous-critères de sélection du critère 1 rappelés au point précédent. S'agissant du sous-critère 1.1 " projet d'établissement en corrélation avec la politique touristique communale ", il résulte de l'instruction, et notamment du cahier des charges techniques (CCT) qu'il était précisé que la plage de Pampelonne constitue avant tout un environnement et un paysage naturels remarquables grâce auxquels des activités balnéaires se sont développées de manière à constituer un pôle touristique de renommée mondiale, que la commune souhaitait préserver l'unicité de ce patrimoine tout en y permettant le développement d'une activité balnéaire raisonnée, c'est-à-dire " respectueuse de l'environnement, et de l'Homme ". Il était encore indiqué que le candidat devait présenter et expliciter son projet de " concept " d'établissement en corrélation avec la politique touristique communale en exposant sa vision de la plage de Pampelonne et de l'intégration de son projet architectural ainsi que de son activité dans l'environnement naturel et humain de Ramatuelle et en précisant la capacité maximale de l'établissement, la période annuelle et l'amplitude journalière d'exploitation ainsi que les tarifs proposés pour les différents services de la concession.

16. L'appréciation au titre du critère 1 du projet d'établissement de la SARL Le Chalet des Jumeaux faisait état d'une " architecture répondant aux attentes du cahier des charges de qualité convenable. Offre de service intéressante et labellisée, mais sans engagements contractuels mis à part non-respect flagrant (sauf engagement intéressant sur nuisance sonore) " tandis que, pour l'offre de la société Rama, il était relevé un " projet d'établissement de qualité avec utilisation de matériaux naturels (RT 2012 et bâtiment durable méditerranéen). Projet de service très bien détaillé et s'inscrivant dans une démarche de qualité bien travaillée. Carte prévisionnelle très intéressante et grande qualité de service ", ce qui renvoyait notamment aux sous-critères rappelés au point précédent et au " projet d'établissement en corrélation avec la politique touristique communale " tel que décrit au point 15 et au contrôle de la qualité de du service indiquée au sous-critère 1.3.1. De plus la référence, dans l'appréciation de la collectivité, à l'usage par la société attributaire de " matériaux naturels " et au référentiel de qualité environnementale " bâtiment durable méditerranéen " ou à l'engagement intéressant en termes de nuisances sonores de la société requérante correspondaient bien au sous-critère de qualité paysagère et de respect de l'environnement, alors même qu'il existait aussi un sous-critère 3.1.3 " quiétude de la plage : prévention des nuisances sonores ". Enfin, la circonstance qu'il n'y ait pas d'appréciation particulière portée sur les dispositions spécifiques à chaque catégorie de lot, en l'absence de critère sur de telles dispositions spécifiques, demeure sans incidence.

17. En second lieu, pour le quatrième et dernier critère de ceux retenus par ordre d'importance décroissant, si la société requérante soutient que la cohérence de son offre financière n'aurait pas été examinée et aurait été mal appréciée, elle n'a pu, en tout état de cause, être lésée par un tel manquement, par application des règles rappelées au point 7, dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'elle était classée 7e sur neuf candidates, qu'elle n'a pas été admise à la négociation. Au demeurant sur le premier critère, l'offre de la société attributaire était " très bonne " et de " très grande qualité " sur les critères 2 et 3 tandis que l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux était seulement " intéressante " sur le critère 1 et " bien détaillée " sur le critère 2 et était également moins bien classée sur le critère 3 pour lequel sa démarche RSE avait été jugée " peu engageante contractuellement pour le candidat ". Ainsi, quand bien même la société requérante se serait vu attribuer la note maximale pour le critère financier, dernier dans la hiérarchie d'importance des critères, cela ne lui aurait pas permis pour autant d'être globalement mieux classée que l'entreprise attributaire et de se voir attribuer la sous-concession T3d.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le Chalet des Jumeaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SARL Le Chalet des Jumeaux dirigées contre la commune de Ramatuelle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Le Chalet des Jumeaux la somme de 500 euros à verser à la commune de Ramatuelle et de 1 000 euros à verser à la SAS Rama en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes n°s 23MA00630 et 23MA00631 de la SARL Le Chalet des Jumeaux sont rejetées.

Article 2 : La SARL le Chalet des Jumeaux versera une somme de 500 euros à la commune de Ramatuelle et une somme de 1 000 euros à la SAS Rama au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La SARL Le Chalet des Jumeaux, à la commune de Ramatuelle et à la SAS Rama.

Copie pour information en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 octobre 2023.

2

N°s 23MA00630 - 23MA00631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00630
Date de la décision : 30/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN et THIRIEZ;SCP LYON-CAEN et THIRIEZ;SCP LYON-CAEN et THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-30;23ma00630 ?
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