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16/10/2023 | FRANCE | N°21MA04848

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 16 octobre 2023, 21MA04848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de dire et juger que la procédure d'exécution forcée exercée à leur encontre était nulle et de nul effet, d'ordonner la mainlevée de la mise en demeure de payer qui avait été adressée à la SARL Kennedy Immo le 22 mars 2019, d'annuler la demande de participation aux frais d'hébergement en date du 12 mars 2014 et de condamner le centre communal d'action sociale de la ville de Marseille à restituer la

somme de 1 925,29 euros au titre de l'acompte prélevé et des frais engendrés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de dire et juger que la procédure d'exécution forcée exercée à leur encontre était nulle et de nul effet, d'ordonner la mainlevée de la mise en demeure de payer qui avait été adressée à la SARL Kennedy Immo le 22 mars 2019, d'annuler la demande de participation aux frais d'hébergement en date du 12 mars 2014 et de condamner le centre communal d'action sociale de la ville de Marseille à restituer la somme de 1 925,29 euros au titre de l'acompte prélevé et des frais engendrés en raison de recouvrements forcés.

Par un jugement n° 1904367 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2021 et le 8 avril 2023, la SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. A... B..., représentés par Me Favre-Picard, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 octobre 2021 ;

2°) de se déclarer compétente pour connaître des conclusions de la requête demandant d'annuler la demande de participation aux frais d'hébergement en date du 12 mars 2014, jamais notifiée, à l'encontre de la société Kennedy Immo, de la SCI L'Etang et de M. B..., de dire et juger que la procédure d'exécution forcée exercée à leur encontre est nulle et de nul effet, et d'ordonner la mainlevée de la mise en demeure de payer adressée à la société Kennedy Immo en date du 22 mars 2019 ;

3°) à titre principal, d'annuler la demande de participation aux frais d'hébergement en date du 12 mars 2014, jamais notifiée, à l'encontre de la SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. B... ;

4°) de dire et juger que la procédure d'exécution forcée exercée à leur encontre est nulle et de nul effet ;

5°) d'ordonner la mainlevée de la mise en demeure de payer adressée à la société Kennedy Immo en date du 22 mars 2019 ;

6°) de condamner le CCAS de la ville de Marseille à restituer à la société Kennedy Immo la somme de 1 925,29 euros, au titre de l'acompte injustement prélevé et des frais engendrés en raison des recouvrements forcés ;

7°) de mettre à la charge de la ville de Marseille la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, s'agissant de contester l'existence d'une créance administrative, la présente procédure relève de la compétence de la juridiction administrative ;

- contrairement à ce que soutient le CCAS, la requête n'est pas dirigée contre une de ses décisions, la société Kennedy Immo et M. B... ont été contraints de saisir la juridiction administrative parce qu'il existe une difficulté ; soit les poursuites sont faites sur le fondement de la décision du CCAS du 2 janvier 2014, décision qui a fait l'objet d'une annulation par le tribunal administratif de Marseille, soit sur le fondement d'une décision dont ils n'ont jamais eu connaissance et qui ne leur a pas été notifiée et qui serait datée du 12 mars 2014 et porterait sur des frais d'hébergement d'urgence ;

- la prétendue décision du 12 mars 2014, que la ville de Marseille n'a pas produite, est illégale en l'absence de notification ;

- aucun délai de recours contentieux ne peut dès lors leur être opposé ;

- la ville de Marseille ne pouvait, pour leur réclamer des frais d'hébergement d'urgence, se fonder sur les dispositions de l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation dès lors qu'aucun contrat aucun bail n'a été conclu entre les occupants qui ont et relogés, d'une part, et la société Kennedy Immo ni avec M. B..., d'autre part ;

- la procédure d'exécution forcée est illégale ;

- il y a lieu d'ordonner au CCAS de la ville de Marseille de restituer à la société Kennedy Immo la somme appréhendée par voie d'opposition à tiers détenteur à hauteur de 1 925,29 euros, frais bancaires compris ;

- et en outre, le juge de l'exécution a dans son jugement du 5 juillet 2022 a constaté qu'il n'était pas en mesure de vérifier la notification du titre de perception émis le 12 mars 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2023, la ville de Marseille et le centre communal d'action sociale de la ville de Marseille (CCAS), représentés par Me Mendès Constante, concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge des requérants la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les conclusions de la requête sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- la requête est irrecevable pour ne comporter aucun moyen au soutien de la demande de condamnation du CCAS de Marseille à restitution ou de la demande de condamnation de la ville de Marseille à restitution ;

- la requête d'appel encourt le rejet par adoption pure et simple des motifs du jugement dont appel ;

- M. B... et la SCI l'Etang ne justifient d'aucun intérêt pour agir ;

- les conclusions dirigées contre le titre de perception émis le 12 mars 2014 sont tardives ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 11 avril 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 22 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Extremet, pour la commune de Marseille et le CCAS de la ville de Marseille.

Connaissance prise de la note en délibéré présentée pour la commune de Marseille et enregistrée au greffe le 2 octobre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est le gérant de la société Kennedy Immo et de la SCI L'Etang, lesquelles sont copropriétaires d'un immeuble situé à Marseille depuis le 22 décembre 2010. La société Kennedy Immo, propriétaire des étages de l'immeuble, a conclu avec Mme C..., un bail pour l'exploitation d'un fonds de commerce d'hôtel meublé. La SCI L'Etang, propriétaire du local commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble, a conclu un bail avec Mme D... pour l'exploitation d'un salon de thé. Par un arrêté en date du 9 décembre 2011, le maire de la ville de Marseille a ordonné la fermeture définitive de l'hôtel meublé exploité par Mme C... en application des dispositions de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation. Le 3 octobre 2013, le maire de la ville de Marseille a pris un arrêté de péril imminent interdisant l'immeuble à toute occupation et utilisation et mettant à la charge des copropriétaires l'hébergement des locataires jusqu'à réintégration dans les lieux après respect des injonctions imparties. La ville de Marseille a émis le 12 mars 2014 à l'encontre de la société Kennedy Immo un titre de perception en vue du recouvrement des frais d'hébergement d'urgence à hauteur de 9 150 euros. Par voie d'opposition à tiers détenteur, notifiée en premier lieu le 18 septembre 2018, le comptable public a poursuivi le recouvrement de la somme ainsi mise à la charge de la société Kennedy Immo. Une mise en demeure a été adressée le 22 mars 2019 à cette même société. La SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. B... ont alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la mainlevée de la mise en demeure de payer, à l'annulation de la demande de participation aux frais d'hébergement en date du 12 mars 2014 et à la condamnation du CCAS de la ville de Marseille à restituer à la société Kennedy Immo la somme de 1 925,29 euros, appréhendée par voir d'opposition à tiers détenteur. Par le jugement du 28 octobre 2021, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. B... font appel de ce jugement.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " [...] Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : [...] c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. ".

3. Il résulte de l'instruction que la SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. B... ont présenté devant le tribunal administratif de Marseille des conclusions tendant à dire et juger que la procédure d'exécution forcée exercée à l'encontre des requérants était nulle et de nul effet, tendant à ordonner la mainlevée de la mise en demeure de payer adressée à la société Kennedy Immo le 22 mars 2019 et tendant à la restitution à cette société de la somme de 1 925,29 euros. Or, ainsi que l'oppose la défense, de telles contestations relatives au recouvrement de créances non fiscales d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public local relèvent de la compétence du juge de l'exécution. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la régularité du jugement :

4. Les appelants font grief aux premiers juges d'avoir décliné leur compétence pour statuer sur leurs conclusions telles que mentionnées au point précédent. Il résulte toutefois de ce qu'il vient d'être exposé que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour ce motif doit, dès lors, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " [...] / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / Toutefois, l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / [...] ".

6. Il résulte de l'instruction que la ville de Marseille a édicté le 3 octobre 2013 un arrêté de péril imminent interdisant toute occupation et utilisation de l'immeuble appartenant à la société Kennedy Immo et exploité comme hôtel meublé par Mme C... et mettant à la charge des copropriétaires l'hébergement des locataires jusqu'à réintégration dans les lieux après respect des injonctions imparties. Elle a émis le 12 mars 2014 un titre de perception à l'encontre de la société Kennedy Immo en vue du recouvrement de frais d'hébergement d'urgence pour dix occupants de l'hôtel. Si ledit titre n'est pas produit, son existence est attestée notamment par les constatations du juge de l'exécution dans son jugement du 5 juillet 2022 duquel il ressort " l'existence du titre est établie par les pièces produites par le comptable public de la Trésorerie Marseille Municipale Métropole APM, à savoir le bordereau journal relatif au titre de recettes n°1252 signé par Jean-Louis TOURRET, adjoint aux finances sur délégation du Maire, ainsi que l'extrait de l'application Hélios listant les différents titres dont le comptable public a en charge le recouvrement ". Son existence est également confirmée dans un courriel qu'a adressé la mairie de Marseille à son comptable public le 24 juillet 2018 et dans lequel il est mentionné que " le titre de recette émis par la ville à l'encontre de la SARL KENNEDY IMMO pour le recouvrement des frais d'hébergement d'urgence est maintenu ". Il est constant que le 18 septembre 2018, le comptable public de la commune a notifié à cette société une opposition à tiers détenteur. Dans ces conditions, il appartenait à la société appelante d'introduire une contestation du titre de perception dans les deux mois de cette notification d'opposition à tiers détenteur, à peine de prescription de son action, ainsi que l'oppose la défense. Par suite, la demande qu'elle a introduite devant le tribunal administratif de Marseille le 14 mai 2019 était prescrite et ne pouvait qu'être rejetée.

7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense que la SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. B... dirigées contre la ville de Marseille qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. B... une somme de 2 000 euros à verser à la ville de Marseille et au CCAS de la ville de Marseille en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les conclusions tendant à dire et juger que la procédure d'exécution forcée exercée à l'encontre des requérants est nulle et de nul effet, tendant à ordonner la mainlevée de la mise en demeure de payer adressée à la société Kennedy Immo le 22 mars 2019 et tendant à la restitution à cette société de la somme de 1 925,29 euros sont rejetées comme étant portées devant un ordre de juridiction incompétent.

Article 2 : Le surplus de la requête de la SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. B... est rejeté.

Article 3 : La SCI L'Etang, la SARL Kennedy Immo et M. B... verseront à la ville de Marseille et au CCAS de la ville de Marseille une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI l'Etang, première dénommée en sa qualité de représentante unique, à la ville de Marseille et au CCAS de la ville de Marseille.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 octobre 2023.

2

No 21MA04848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04848
Date de la décision : 16/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Police - Police de la sécurité - Immeubles menaçant ruine - Contentieux.

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Compétence.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : FAVRE-PICARD MARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-16;21ma04848 ?
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