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25/09/2023 | FRANCE | N°23MA01349

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 25 septembre 2023, 23MA01349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Cannes a demandé, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la condamnation solidaire de la société à responsabilité limitée Comet Ingénierie, de la société par actions simplifiée Société d'exploitation des établissements Treve Abel (Seeta), de la société à responsabilité limitée Ciel Ascenseurs, de la société en commandite simple Nouvelle société d'ascenseurs NSA (établissement Ascenseurs Electro-Alpes), de la société en commandite simple Otis

et de la société à responsabilité limitée Etablissements Pignatta à lui verser, à titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Cannes a demandé, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la condamnation solidaire de la société à responsabilité limitée Comet Ingénierie, de la société par actions simplifiée Société d'exploitation des établissements Treve Abel (Seeta), de la société à responsabilité limitée Ciel Ascenseurs, de la société en commandite simple Nouvelle société d'ascenseurs NSA (établissement Ascenseurs Electro-Alpes), de la société en commandite simple Otis et de la société à responsabilité limitée Etablissements Pignatta à lui verser, à titre de provision, une somme de 35 968,09 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de réfection suite aux désordres constatés sur la liaison verticale pour les personnes à mobilité réduite (PMR) au droit du passage souterrain de la gare SNCF de Cannes-Centre, dont les travaux leur avait été confiés suivant marché du 2 avril 2013, outre une somme de 9 312,59 euros toutes taxes comprises au titre des préjudices financiers qu'elle estime avoir subis et une somme de 71 156,70 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise judiciaire.

Par une ordonnance n° 2202036 du 15 mai 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en référé, à la demande de la commune de Cannes, a condamné la société Comet Ingénierie à lui verser, à titre de provision, deux sommes de 1 046 euros et 3 365,11 euros et a rejeté le surplus de la demande de la commune de Cannes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2022, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 6 septembre 2023, la commune de Cannes, représentée par Me Dan, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 mai 2023 en tant qu'elle n'a pas entièrement fait droit à sa demande ;

2°) statuant en référé, de faire droit à l'intégralité de ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'ouvrage est impropre à sa destination et la responsabilité décennale des constructeurs devait donc être engagée à titre principal ;

- à titre subsidiaire la responsabilité contractuelle des constructeurs sera engagée ainsi que la garantie de parfait achèvement de la société NSA Electro-Alpes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2023, la société Otis, représentée par Me Josserand, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'elle devra être mise hors de cause alors qu'elle n'a pas participé à la construction mais était seulement chargée de la maintenance de l'appareil à compter du 17 avril 2017.

Par un mémoire, enregistré le 1er août 2023, la Nouvelle société d'ascenseurs NSA, représentée par Me Ortolland, demande à la Cour de rejeter la requête de la commune de Cannes et de la condamner à lui verser la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle n'a pas la qualité de constructeur dès lors qu'elle n'a pas participé aux travaux mais a seulement procédé au remplacement à l'identique de l'appareil, qui peut être regardé comme un élément d'équipement dissociable du passage souterrain de la gare ferroviaire de Cannes centre ;

- la commune de Cannes ne démontre pas que l'ouvrage lui-même serait impropre à sa destination ;

- sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée dès lors que la réception est intervenue, et que la garantie de parfait achèvement est expirée et ne peut être engagée ;

- il ne saurait lui être reproché d'avoir manqué à son devoir de conseil dans le cadre de la maintenance ;

- les préjudices dont la commune de Cannes réclame réparation sont sans lien avec son intervention ;

- la responsabilité solidaire qui ne se présume pas ne saurait être engagée.

Par un mémoire, enregistré le 9 août 2023, la société Seeta, représentée par Me Rabhi, demande à la Cour de rejeter la requête de la commune de Cannes et de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les demandes de condamnation solidaire au paiement d'une provision de la commune de Cannes à son encontre se heurtent à une contestation sérieuse dès lors que les désordres ne lui sont pas imputables, eu égard à la mission qui lui avait été confiée, qu'ils ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination et que la réception des travaux est intervenue le 21 avril 2015.

Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2023, à 8 heures 56, et non communiqué, la société Ineo Provence et Côte d'Azur, venant aux droits de la société Ineo Réseaux Côte d'Azur, elle-même venant aux droits de de la société Etablissements Pignatta, représentée par Me de Angelis, demande à la Cour à titre principal de rejeter la requête et à titre subsidiaire de limiter la condamnation prononcée à son encontre à la somme de 3 365,11 euros et de condamner in solidum les sociétés Nouvelle société d'ascenseurs NSA, Ciel Ascenseurs, Comet Ingénierie, Otis et Seeta à la relever et garantir des condamnations qui pourraient intervenir à son encontre. Elle demande enfin à la Cour de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, il ressort du rapport d'expertise qu'elle n'est pas responsable des désordres en litige et ni sa responsabilité décennale, ni sa responsabilité contractuelle, la réception sans réserve ayant été prononcée, ne sauraient être engagées ;

- à titre subsidiaire, la société NSA, qui n'a pas signalé l'absence de boîte à boutons palières et de cabine anti-vandalisme, la société Ciel Ascenseurs, en l'absence de boîte à bouton inviolable, la société Comet Ingénierie, qui a mal conçu l'ouvrage, la société Otis, en charge de la maintenance qui a procédé à l'effacement de l'historique des pannes et la société Seeta qui n'a pas réalisé de grille avaloir, devront la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par décision du 5 juillet 2023 le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel a, en application de l'article L. 522-1 du code de justice administrative, décidé le renvoi de cette affaire à une formation collégiale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Montini, substituant Me Dan, pour la commune de Cannes, de Me Ortolland, pour la société Nouvelle d'ascenseurs, et de Me Boyvineau, pour la société Inéo Provence et Côte d'Azur.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation est non sérieusement contestable ".

2. La commune de Cannes a entrepris la création d'une liaison verticale pour les personnes à mobilité réduite (PMR) au droit du passage souterrain de la gare SNCF de Cannes-Centre. Suivant marché du 2 avril 2013, la maîtrise d'œuvre complète de l'opération a été confiée à la société Comet Ingénierie. Le lot n° 1 de ce marché, relatif aux opérations de démolition, de terrassement, de gros-œuvre, de serrurerie, de carrelage, de peinture et de voierie et de réseaux divers (VRD), a été exécuté par la société Seeta. Le lot n° 2 du marché, relatif à l'ascenseur, a été exécuté par la société Ciel Ascenseurs. Enfin, le lot n° 3, relatif à l'électricité, a été exécuté par la société Etablissements Pignatta, aux droits duquel vient la société Ineo réseau Côte d'azur, désormais Ineo Provence et Côte d'Azur. Par acte d'engagement du 5 mai 2015, la société Otis a en outre été chargée de la maintenance de l'ascenseur. Suite à des intempéries, le 3 octobre 2015, l'ascenseur a été remplacé par la Nouvelle société d'ascenseurs. Et par un marché conclu le 7 avril 2016, la commune de Cannes chargeait en outre cette même société de la maintenance pendant un an de l'ascenseur ainsi remplacé. Suite à la désignation d'un expert par ordonnance du 6 juin 2019, plusieurs désordres ont été constatés dans le rapport d'expertise déposé le 12 octobre 2020. La commune de Cannes a ainsi demandé au juge des référés provision du tribunal administratif de Nice de condamner solidairement la société Comet Ingénierie, la société Seeta, la société Ciel Ascenseurs, la Nouvelle société d'ascenseurs, la société Otis et la société Etablissements Pignatta, aux droits duquel vient la société Ineo Provence et Côte d'Azur, à lui verser, à titre de provision, une somme de 35 968,09 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de réfection, une somme de 9 312,59 euros toutes taxes comprises au titre des préjudices financiers qu'elle estime avoir subis et une somme de 71 156,70 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise judiciaire. Par une ordonnance du 15 mai 2023 le juge des référés provision du tribunal administratif de Nice a condamné la société Comet Ingénierie à verser à la commune de Cannes, les sommes de 1 046 euros et 3 365,11 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions. La commune de Cannes relève appel de cette ordonnance en tant qu'elle ne fait pas droit à l'intégralité de ses demandes.

Sur la provision demandée au titre de la responsabilité décennale des constructeurs :

3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

4. Dans son rapport du 12 octobre 2020, l'expert a identifié trois désordres.

5. Pour le premier désordre qui consiste en une fissure avec infiltration au niveau du puits de lumière la commune ne formule pas de demande de provision.

6. Pour le deuxième désordre, décrit comme un phénomène de venue d'eau dans le passage souterrain lors des épisodes pluvieux et de refoulement des eaux de la fosse, l'expert a relevé dans son rapport ne pas avoir constaté ces problèmes d'étanchéité et d'inondation en l'absence de phénomène de pluie intense. Eu égard à l'office du juge des référés, l'obligation correspondante ne peut, en l'état de l'instruction, être regardée comme non sérieusement contestable.

7. De même, s'il est constant que l'ascenseur subissait des pannes récurrentes, ce qui constitue le troisième désordre identifié par l'expert, l'impropriété à destination qui en résulte, et qui fonde l'obligation dont la commune se prévaut, ne peut être regardée comme non sérieusement contestable compte tenu du débat existant sur la fréquence et la gravité des pannes.

Sur la provision demandée au titre de la responsabilité contractuelle :

8. Compte tenu du fait que la réception met fin aux relations contractuelles entre le maître d'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, l'obligation, invoquée par la commune, et fondée sur la responsabilité contractuelle des sociétés Seeta, Ciel Ascenseurs et Etablissements Pignatta, aux droits duquel vient la société Ineo Provence et Côte d'Azur, ne peut être regardée comme non sérieusement contestable.

9. Par ailleurs si la Nouvelle société d'ascenseurs NSA a procédé au remplacement de cet ascenseur et a également été chargée de sa maintenance, il ne résulte toutefois pas de l'instruction, eu égard à l'office du juge des référés, que les préjudices invoqués par la commune de Cannes seraient en lien avec cette maintenance, ce remplacement ou même un prétendu devoir de conseil invoqué par la commune de Cannes. Cette obligation ne peut donc être regardée comme non sérieusement contestable.

10. La commune de Cannes demande également que soit engagée la responsabilité de la société NSA Electro Alpes sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, mais, en l'état de l'instruction, elle n'a pas produit à la procédure de contrat comportant mention d'une telle garantie, malgré une mesure d'instruction de la Cour en ce sens. Cette obligation ne peut donc être regardée comme non sérieusement contestable.

11. Il résulte de ce qui précède que les créances dont se prévaut la commune de Cannes sur les sociétés intimées ne peuvent, en l'état de l'instruction, être regardées comme non sérieusement contestables. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la commune de Cannes doit être rejetée.

Sur l'appel en garantie de la société Inéo Provence et Côte d'Azur :

12. La requête de la commune de Cannes étant rejetée, ainsi qu'il a été dit au point 11, les conclusions de la société Inéo Provence et Côte d'Azur tendant à la condamnation in solidum des sociétés Nouvelle société d'ascenseurs NSA, Ciel Ascenseurs, Comet Ingénierie, Otis et Seeta, à la relever et garantir des condamnations qui pourraient intervenir à son encontre ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge des sociétés intimées, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par ces sociétés à ce même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Cannes est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des autres parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes, à la société Seeta, à la société Otis, à la Nouvelle société d'ascenseurs NSA, à la société Ineo Provence et Côte d'Azur, à M. B... A..., mandataire liquidateur de la société Comet Ingénierie, et à la société Ciel Ascenseurs.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 septembre 2023.

N° 23MA0134902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01349
Date de la décision : 25/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP DELAGE- DAN - LARRIBEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-25;23ma01349 ?
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