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25/09/2023 | FRANCE | N°22MA03053

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 25 septembre 2023, 22MA03053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205685 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre

2022, M. C... A..., représenté par Me Bizon-Francesconi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205685 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2022, M. C... A..., représenté par Me Bizon-Francesconi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente, de lui accorder une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement, qui ne répond pas au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant, est irrégulier ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen réel et particulier de sa situation et d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 § 1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- et les observations de Me Bizon-Francesconi, pour M. C... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant brésilien né le 26 février 1981, est entré en France le 31 octobre 2005 sous couvert d'un visa " étudiant " et a bénéficié en cette qualité d'une carte de séjour temporaire valable du 1er novembre 2006 au 31 octobre 2007. Un arrêté de refus de séjour portant obligation de quitter le territoire français a été pris à son encontre par le préfet des Bouches-du-Rhône le 3 mars 2010. Le 17 janvier 2022, il a de nouveau sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 31 mai 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 9 novembre 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. C... A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ne saurait être reproché aux premiers juges de ne pas avoir répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, lequel, contrairement à ce qui est soutenu, n'avait pas été soulevé par M. C... A... dans sa demande devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. D'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. D'autre part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. M. C... A... soutient être entré en France le 31 octobre 2005 et s'y être maintenu de manière habituelle. Il fait valoir qu'il est le père d'une fille née au Brésil en 2015, laquelle réside désormais en Haute-Corse avec sa mère elle-même de nationalité brésilienne et suit une scolarité depuis 2018 sur le territoire français et qu'il entretient des relations étroites avec elle. A l'appui de ses allégations, il produit de nombreux billets d'avion ou de bateau à destination de la Corse ainsi que des mandats " TRANSCASH " attestant de ce qu'il entretient des liens réguliers avec sa fille et contribue à son entretien et son éducation, contrairement à ce que lui a opposé le préfet des Bouches-du-Rhône dans son arrêté. Par ailleurs, l'appelant justifie de ce que sa mère et l'un de ses frères sont de nationalité française et que sa sœur est titulaire d'un titre de séjour. Dans ces conditions, l'arrêté contesté porte au droit de M. C... A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le préfet des Bouches-du-Rhône a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3 § 1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. C... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 31 mai 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

8. Eu égard aux motifs du présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation du requérant se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de la décision attaquée, l'exécution de cet arrêt implique nécessairement la délivrance à M. C... A... d'un titre de séjour mention vie privée et familiale. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros qui sera versée à M. C... A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 31 mai 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône et le jugement du 9 novembre 2022 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. C... A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 septembre 2023.

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No 22MA03053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03053
Date de la décision : 25/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : BIZON-FRANCESCONI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-25;22ma03053 ?
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