Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2021, par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.
Par un jugement n° 2200241 du 11 avril 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Ben Hassine, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 avril 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision attaquée méconnaît l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet du Var n'a pas produit d'écritures en défense.
Le 5 juillet 2023, le préfet du Var a, à la demande de la Cour, communiqué les pièces du dossier de M. A....
Par une lettre du 5 juillet 2023, les parties ont été informées de ce qu'il était envisagé d'inscrire ce dossier à l'audience du 11 septembre 2023, et que la clôture immédiate de l'instruction pourrait être prononcée à compter du 21 août 2023.
Par une ordonnance du 23 août 2023, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2022.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 17 décembre 2021, le préfet du Var a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 18 novembre 2020 M. A..., ressortissant guinéen, sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 11 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. ". Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du même code, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, le préfet ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un entier contrôle sur les motifs de refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Le préfet du Var a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... en se fondant sur le fait qu'il n'a produit aucun bulletin de note de sa formation et sur une lettre du conseil départemental du Var du 16 novembre 2020, appuyé par le rapport d'insertion établi par la structure d'accueil A.D.S.E.A.A.V d'Ollioules, qui fait état d'un comportement inadapté de l'intéressé qui aurait eu de nombreux incidents avec le personnel éducatif, notamment le personnel féminin. Le préfet a ainsi estimé que M. A... ne remplissait pas les conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cité au point précédent.
4. Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort en effet des pièces du dossier que M. A... est scolarisé en CAP de boulangerie au centre de formation des apprentis du Beausset. Il bénéficie d'un contrat d'apprentissage d'une durée de vingt-trois mois, valable du 1er août 2020 au 30 juin 2022 avec une boulangerie. Le requérant n'a pas eu la moyenne aux deux semestres de l'année scolaire 2020-2021 mais il a obtenu une moyenne de 14,22/20 au premier semestre de l'année 2021-2022. Ses appréciations scolaires font état de résultats moyens et assez irréguliers en 2020-2021 mais des efforts, une bonne volonté et l'investissement de M. A... sont relevés et il est qualifié d'apprenti volontaire et appliqué avec de bons résultats au premier semestre de l'année 2022. Ses bulletins font cependant état d'absences injustifiées de 20 heures et 30 heures pour les deux semestres de l'année 2020-2021 et de 28 heures au premier semestre de l'année 2021-2022. Par ailleurs, M. A... fait l'objet d'appréciations positives de son employeur, et une attestation d'une assistante sociale témoigne qu'il est autonome et se montre respectueux de ses engagements.
5. Néanmoins, il ressort du rapport d'insertion émanant du service départemental des mineurs non accompagnés du conseil départemental du Var, que, le 3 décembre 2019, l'équipe éducative de la structure Kangourou située à Fréjus signalait que M. A... refusait de participer aux cours de français et qu'il avait menacé un éducateur de le " passer par la fenêtre " si un écrit était rédigé à son encontre, nécessitant l'intervention de la police. Une note d'incident a été établie le 10 août 2020 par le centre d'hébergement de Saint-Elme relatant un comportement dangereux de M. A... qui a ouvert la portière de la voiture le conduisant vers son lieu d'apprentissage alors qu'elle circulait à une vitesse d'environ 50 kilomètres par heure. De plus, il ressort d'une " note d'incident " du 17 août 2020 que le département du Var avait été alerté de la tenue par M. A... de propos sexistes et vulgaires à l'encontre d'un membre du personnel de la structure accueillant l'intéressé, faisant état d'une agression à caractère sexuel n'ayant pas donné lieu à un dépôt de plainte. Il ressort en outre d'un rapport de fin de prise en charge du centre d'hébergement de Saint-Elme du 21 août 2020 que M. A... refuse de s'adresser à une partie de l'équipe du foyer, qu'il ne respecte pas certaines règles de ce lieu d'hébergement, qu'il ne s'est pas inscrit aux cours de français, qu'il a refusé toute inscription à des activités sportives, qu'il a tenu des propos racistes et que si le début de sa prise en charge s'est bien passée la fin de sa prise en charge fut très difficile et a conduit à l'orienter vers un hôtel. Orienté vers un nouveau lieu d'hébergement le 24 août 2020, il s'est à nouveau montré irrespectueux à l'égard de la nouvelle équipe éducative. Enfin, le 17 septembre 2020, le conseil départemental a été alerté que l'ancienne structure d'hébergement de M. A... dénonçait un harcèlement téléphonique de ce dernier à l'égard du personnel féminin de la structure. Ainsi que l'a à bon droit relevé le tribunal, ces éléments témoignent de manquements graves, récents et répétés de la part de M. A... qui ne permettent pas, dans le cadre d'une appréciation globale de la situation de M. A..., de contrebalancer son implication scolaire et professionnelle et les attestations produites. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Toutefois, le requérant, qui est arrivé en France en septembre 2018, alors qu'il était âgé de moins de quinze ans, a passé l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine et ne démontre pas avoir fixé sur le territoire national le centre de ses intérêts privés et familiaux. Il n'est par conséquent pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Ben Hassine.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 septembre 2023.
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N° 22MA02740