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11/09/2023 | FRANCE | N°23MA00037

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 11 septembre 2023, 23MA00037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 août 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2207252 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te, enregistrée le 6 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Pourrière, demande à la Cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 août 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2207252 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Pourrière, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour " salarié ou travail temporaire " ou à titre subsidiaire, au titre de sa " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ; à titre infiniment subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel qui a été enregistrée dans le délai d'un mois est recevable ;

- le refus de séjour attaqué méconnaît l'article 4 § 42 de l'accord du 23 septembre 2006 modifié relatif à la gestion concertée des flux migratoires, les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur de droit ;

- la mesure d'éloignement sera annulée, par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours a été prise sans examen de sa situation personnelle et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Un courrier du 24 février 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas produit d'écritures en défense.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 5 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal, relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;

- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- et les observations de Me Wathle, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 2 août 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande d'admission exceptionnelle au séjour que lui avait présentée le 16 mars 2022 M. B..., ressortissant sénégalais, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de séjour :

2. Pour refuser l'admission exceptionnelle au séjour de M. B... par le travail, le préfet a estimé que ce dernier ne justifiait pas être présent en France depuis 2019, que s'il produisait une promesse d'embauche du 31 janvier 2022, il n'avait pas d'autorisation de travail, qu'il ne justifiait pas d'une insertion sociale ou professionnelle suffisante depuis son arrivée en France et qu'il ne faisait donc valoir aucun motif d'admission exceptionnelle ni considération humanitaire justifiant son admission au séjour au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Puis, le préfet a ensuite examiné d'office si l'intéressé ne remplissait pas les conditions d'obtention d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. En premier lieu, selon le paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006 entre la France et le Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail / Soit la mention " vie privée et familiale s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels. ". L'article L. 435-1 du code de l'entre et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".

4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable. Un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat ne saurait être regardé, par principe, comme attestant des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels - de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France - peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Le dispositif de régularisation institué à l'article L. 435-1 ne peut être regardé comme dispensant d'obtenir l'autorisation de travail, exigée par le 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail, avant que ne soit exercée une activité professionnelle. Cependant, la procédure permettant d'obtenir une carte de séjour pour motif exceptionnel est distincte de celle de l'article L. 5221-2 de sorte qu'il n'est pas nécessaire que l'autorisation de travail soit délivrée préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de la carte de séjour temporaire. La demande d'autorisation de travail pourra donc être présentée auprès de l'administration compétente lorsque l'étranger disposera d'un récépissé de demande de titre de séjour ou même de la carte sollicitée.

5. D'une part, si le requérant soutient être présent en France de manière continue depuis 2017, les pièces dont il se prévaut ne suffisent pas à l'établir alors que le préfet le conteste. Par ailleurs, les circonstances qu'il dispose d'un logement communal à Fos-sur-Mer depuis septembre 2021, qu'il soit un éducateur sportif de football très apprécié, comme en attestent notamment le président de l'association E.S. FOS, l'association Fos Hann Bel air et plusieurs parents d'enfants dont il s'est occupé, qu'il ait passé son certificat de compétences de citoyen de sécurité civile le 17 juillet 2021 et qu'il ait été accompagné par le centre de compétences et de formation professionnelles Artech dans le cadre d'un dispositif d'accompagnement à l'emploi, ne sont pas suffisantes pour démontrer son insertion socio-professionnelle en France. Enfin, il est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 4§42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, estimer que le requérant ne faisait état d'aucune circonstance humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel justifiant la régularisation de sa situation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

6. D'autre part, si le requérant se prévalait, avant la clôture de l'instruction, d'une promesse d'embauche pour un emploi en qualité d'agent de maintenance sur engins de levage et de manutention, le préfet fait valoir, sans être contesté, que cet emploi est sans rapport avec son expérience en tant qu'éducateur sportif de football et qu'il ne justifie pas d'une compétence ou d'une expérience professionnelle en la matière. Par suite, cette circonstance n'est pas suffisante pour regarder M. B... comme justifiant d'un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. C'est donc sans méconnaitre ces dispositions ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Bouches-du-Rhône a pu refuser de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ".

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'article 13 de la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Dakar le 1er août 1995 stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. ". L'article L. 423-23 du code de l'entre et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 5, la décision portant refus de séjour n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

9. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté, comme non assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation du refus de séjour doivent être rejetées.

Sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

11. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 10, les conclusions en annulation du refus de séjour doivent être rejetées. Par suite, les conclusions en annulation de la mesure d'éloignement, par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ne peuvent qu'être rejetées.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision attaquée que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé.

13. En troisième lieu, les moyens tirés de l'existence d'une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 8.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 août 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 septembre 2023.

2

N° 23MA00037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00037
Date de la décision : 11/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL PEZET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-11;23ma00037 ?
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