Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL FBTP a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Rognac à lui verser la somme de 1 814 258 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 1906357 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de la SARL FBTP.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2022, sous le n° 22MA02077, et un mémoire enregistré le 22 septembre 2022, la SARL FBTP, représentée par Me Passet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1906357 du 25 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de condamner la commune de Rognac à lui verser la somme de 1 814 258 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rognac la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune imprudence de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;
- la décision d'autorisation du 27 octobre 2018 a été prise en violation des règles de compétence, la commune s'étant comportée comme la propriétaire de parcelles qui appartenaient en réalité à l'Etat ;
- l'autorisation délivrée le 27 octobre 2018 méconnaissait le plan local d'urbanisme de la commune de Rognac ;
- la délivrance d'une autorisation irrégulière constitue bien une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ;
- l'arrêté du 21 février 2019 portant réglementation de la circulation est illégal dès lors d'une part qu'il n'est motivé ni en fait ni en droit, et d'autre part qu'il est entaché de détournement de pouvoir ;
- la décision retirant l'autorisation d'occuper les parcelles en cause est illégale dès lors qu'elle n'a pas été prise après mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalable et qu'elle est fondée sur des motifs erronés ;
- l'activité de concassage et l'apport de déchets extérieurs ne sont pas établis ;
- elle est fondée à demander réparation des frais de nettoyage du terrain à ses frais en évacuant les matériaux présents sur le site sans les céder, pour un montant total de 159 056,46 euros ;
- elle est également fondée à demander l'indemnisation de son manque à gagner pour un montant de 1 655 202 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2022, la commune de Rognac conclut au rejet de la requête de la SARL FBTP et demande que soit mis à la charge de la SARL FBTP une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête est irrecevable pour absence de critique du jugement et qu'aucun des moyens soulevés par la SARL FBTP n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Prieto,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public
Considérant ce qui suit :
1. La société FBTP a sollicité du maire de la commune de Rognac, le 24 octobre 2018, une autorisation de mise à disposition des parcelles cadastrées section AY n° 28, 29, 30, 31, 32 et 38 situées sur le territoire de la commune de Rognac. Par une décision du 27 octobre 2018, le maire de la commune de Rognac a délivré à la société FBTP l'autorisation ainsi sollicitée. Puis, par une décision du 27 février 2019, le maire de la commune de Rognac a abrogé cette autorisation. Par un arrêté du 21 février 2019, le maire de la commune de Rognac a abrogé un arrêté municipal du 22 février 2011 et a interdit la circulation et le stationnement des véhicules dont le poids total en charge est supérieur à 3,5 tonnes dans toutes l'avenue de la Plantade et y a limité la vitesse des véhicules à 30 km/h.
2. Le 16 avril 2019, la société FBTP a présenté au maire de la commune de Rognac une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité fautive des décisions du maire des 27 octobre 2018 et 27 février 2019 ainsi que de celle de l'arrêté municipal du 21 février 2019. Par courrier du 21 mai 2019, la commune de Rognac a rejeté cette demande.
3. La société FBTP relève appel du jugement n° 1906357 du 25 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la commune de Rognac à lui verser la somme de 1 814 258 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité fautive des décisions du maire des 27 octobre 2018 et 27 février 2019 ainsi que de celle de l'arrêté municipal du 21 février 2019.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. ".
5. Aux termes de l'article L. 514-4 du code de l'environnement : " Lorsque l'exploitation d'une installation non comprise dans la nomenclature des installations classées présente des dangers ou des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le préfet, après avis-sauf cas d'urgence-du maire et de la commission départementale consultative compétente, met l'exploitant en demeure de prendre les mesures nécessaires pour faire disparaître les dangers ou les inconvénients dûment constatés. Faute par l'exploitant de se conformer à cette injonction dans le délai imparti, il peut être fait application des mesures prévues à l'article L. 171-8. L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. "
6. La délivrance d'une autorisation irrégulière constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune envers le bénéficiaire de cette autorisation, à condition qu'il existe un lien direct entre cette illégalité et le préjudice allégué. Cette responsabilité est susceptible d'être atténuée par la faute que commet le demandeur en présentant une demande tendant à la délivrance d'une autorisation irrégulière.
7. Il résulte de l'instruction que la société FBTP a sollicité du maire de la commune de Rognac la délivrance d'une autorisation de mise à disposition des parcelles cadastrées section AY n° 28, 29, 30, 31, 32 et 38 situées sur le territoire de la commune dans le but d'y exercer une activité de stockage de terres, de gravats et de transformation de matières, tout en proposant à la commune de réaménager complètement le site qui accueillait déjà une quantité importante de déchets de chantier et afin de réaliser des aménagements permettant de protéger les habitations voisines des nuisances sonores.
8. Il résulte toutefois du rapport d'infraction dressé le 4 mars 2019 par un agent territorial assermenté et commissionné après constat sur place le 20 février 2019 et du rapport dressé par un inspecteur de l'environnement, assermenté et commissionné, après une visite inopinée sur place le 22 janvier 2019, en présence de M. A..., représentant de la société FBTP, que cette dernière exploitait, sans autorisation au titre du code de l'environnement, une installation classée de type station de transit, regroupement ou tri de produits minéraux ou de déchets non dangereux inertes sur une surface d'exploitation d'environ 14 000 mètres carrés.
9. La société FBTP, qui n'a effectué une déclaration au titre des ICPE que le 25 février 2019, a donc exploité le site, dès le mois de novembre 2018, en procédant notamment au retraitement des matériaux et déchets déjà présents sur le site, en l'absence de toute déclaration, enregistrement ou autorisation et donc en méconnaissance de la règlementation applicable aux ICPE, jusqu'au mois de février 2019.
10. Par suite, la société appelante a commis une faute en engageant l'exploitation d'une ICPE et en contractant avec des sociétés pour l'achat ou la vente de déchets et matériaux à traiter en étant bénéficiaire de la seule autorisation de mise à disposition des parcelles délivrée par le maire de la commune de Rognac le 27 octobre 2018. Cette faute est de nature à exonérer totalement la responsabilité de la commune de Rognac en raison de l'illégalité, à la supposer établie, de la décision du maire de la Rognac en date du 27 octobre 2018, et de celle de la décision du maire du 27 février 2019. Par suite, la société FBTP ne peut utilement invoquer, concernant les décisions attaquées, les moyens tirés de la violation des règles de compétence, de la méconnaissance du PLU, d'un défaut de motivation des décisions attaquées, d'un défaut de procédure contradictoire, enfin d'un détournement de pouvoir.
11. En dernier lieu, l'illégalité, à la supposer établie, de l'arrêté du 21 février 2019 interdisant la circulation et le stationnement des véhicules dont le poids total en charge est supérieur à 3,5 tonnes dans toute l'avenue de la Plantade, est sans lien direct et certain avec les préjudices dont la société FBTP demande réparation, cette dernière ayant exploité le site en méconnaissance de la règlementation applicable aux ICPE jusqu'au mois de février 2019.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la SARL FBTP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la commune de Rognac à lui verser la somme de 1 814 258 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subies.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Rognac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
14. Il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société FBTP la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Rognac et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL FBTP est rejetée.
Article 2 : La SARL FBTP versera à la commune de Rognac la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL FBTP et à la commune de Rognac.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2023, où siégeaient :
- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Prieto, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2023.
N° 22MA02077 2
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