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03/07/2023 | FRANCE | N°22MA01846

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 03 juillet 2023, 22MA01846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Lecci a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération n° 20/149 du 5 novembre 2020 de l'assemblée de Corse approuvant la modification n° 1 du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).

Par un jugement n° 2100567 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision contestée dans son intégralité.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2022, la collectivité de Corse,

représentée par Me Muscatelli, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 avril 2022 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Lecci a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération n° 20/149 du 5 novembre 2020 de l'assemblée de Corse approuvant la modification n° 1 du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).

Par un jugement n° 2100567 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision contestée dans son intégralité.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2022, la collectivité de Corse, représentée par Me Muscatelli, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 avril 2022 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par la commune de Lecci en première instance ;

3°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une irrégularité en retenant un moyen qui n'était pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif est infondé.

La requête a été communiquée à la commune de Lecci, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Goubet, représentant la collectivité de Corse.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015, l'Assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement de développement durable de la Corse (PADDUC), édicté sur le fondement des articles L. 4424-9 et suivants du code général des collectivités territoriales. Par plusieurs jugements des 1er mars et 9 mai 2018, le tribunal administratif de Bastia a annulé cette délibération en tant qu'elle a arrêté la carte des espaces stratégiques agricoles. Par une délibération n° 20/149 du 5 novembre 2020, l'Assemblée de Corse a approuvé la modification n° 1 du PADDUC, modifiant les pages 48 et 143 des orientations règlementaires et adoptant une nouvelle carte des espaces stratégiques agricoles. La collectivité de Corse fait appel du jugement du 29 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia, saisi par la commune de Lecci, a annulé la délibération n° 20/149 du 5 novembre 2020.

Sur le moyen retenu par le tribunal administratif :

2. D'une part, le II de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l'occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l'objet et l'échelle sont déterminés par délibération de l'Assemblée de Corse. " D'autre part, le I de l'article L. 4424-14 du même code prévoit que : " Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut être modifié, sur proposition du conseil exécutif, lorsque les changements envisagés n'ont pas pour effet de porter atteinte à son économie générale. / (...) / Après enquête publique, les modifications sont approuvées par l'Assemblée de Corse. "

3. Parmi de multiples dispositions et orientations, le PADDUC, adopté le 2 octobre 2015 par l'Assemblée de Corse, fixe pour orientation la préservation des espaces nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et sylvicoles. A cette fin, les auteurs du PADDUC ont considéré que la préservation des espaces agricoles présentait un caractère stratégique pour définir leur périmètre, fixer leur vocation et prévoir les dispositions relatives à l'occupation du sol propres à ces espaces sur le fondement de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales. Ils ont arrêté des critères d'identification et une méthodologie figurant au livret IV du plan, ainsi qu'une carte à l'échelle 1/50 000e représentant ces espaces selon les critères d'identification et la méthodologie déjà évoqués. La délibération du 2 octobre 2015 de l'Assemblée de Corse a été annulée par plusieurs jugements du tribunal administratif de Bastia en tant qu'elle arrêtait la carte des espaces stratégiques agricoles du fait d'un vice affectant les documents soumis à l'enquête publique.

4. La collectivité de Corse a, à la suite de cette annulation, soumis à une nouvelle enquête publique une carte des espaces stratégiques agricoles réduisant de 105 119 à 103 862 hectares la surface des espaces protégés en vue de tenir compte de la progression de l'urbanisation, surface qui a, in fine, été portée à 101 844 hectares, ce qui représente une réduction limitée à 3 %. Cette nouvelle carte, qui se bornait à tenir compte de l'évolution des sols depuis 2015, ne traduisait pas un parti d'aménagement différent de celui résultant de la mise en œuvre des critères d'identification et de la méthodologie figurant au livret IV du PADDUC. Ainsi, compte tenu de leur nature et de leur importance au regard notamment de l'objet et du périmètre du plan ainsi que de leur effet sur les partis d'aménagement retenus, les modifications apportées n'ont pas porté atteinte à l'économie générale du plan et ne devaient, dès lors, pas être soumises à une procédure de révision. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que la collectivité de Corse ne pouvait recourir à la procédure de modification prévue au I de l'article L. 4424-14 du code général des collectivités territoriales.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la commune de Lecci.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. Aux termes de l'article L. 4424-14 du code général des collectivités territoriales : " I.- Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut être modifié, sur proposition du conseil exécutif, lorsque les changements envisagés n'ont pas pour effet de porter atteinte à son économie générale. L'article L. 104-3 du code de l'urbanisme est applicable. / Les modifications envisagées sont soumises pour avis aux personnes publiques, organismes et organisations dont l'association est prévue à l'article L. 4424-13 du présent code. Leur avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans un délai de trois mois. / Après enquête publique, les modifications sont approuvées par l'Assemblée de Corse ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4424-13 du même code : " (...) Le projet de plan arrêté par le conseil exécutif et, le cas échéant, les projets de délibérations prévues à l'article L. 4424-12 du présent code sont soumis pour avis à l'autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement, au conseil économique, social et culturel de Corse ainsi qu'au conseil des sites de Corse. Ces avis sont réputés émis et, en ce qui concerne les conseils, favorables s'ils n'ont pas été rendus dans un délai de trois mois. Eventuellement modifiés pour tenir compte des avis recueillis, ces projets sont délibérés par l'Assemblée de Corse puis, assortis desdits avis, soumis à enquête publique par le président du conseil exécutif dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 123-9 du code de l'environnement : " La durée de l'enquête publique est fixée par l'autorité compétente chargée de l'ouvrir et de l'organiser. Elle ne peut être inférieure à trente jours pour les projets, plans et programmes faisant l'objet d'une évaluation environnementale ". S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et à la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement précédemment citées, la méconnaissance de ces dispositions n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

7. En premier lieu, si, ainsi que le soutient la commune de Lecci, les quatorze lieux de permanences n'ont pas été fixés dans les grandes agglomérations de Corse mais, pour l'essentiel, au sein de petites communes rurales, cette circonstance est justifiée au regard de l'objet de la modification envisagée de la carte des espaces stratégiques agricoles. Par ailleurs, un maillage équilibré du territoire de la Corse a été adopté afin que chaque résident de Corse soit à une distance raisonnable d'un lieu de permanence. En tout état de cause, les modalités d'organisation de l'enquête publique, en vertu desquelles le dossier était consultable sur un site internet dédié dont l'existence avait été mentionnée dans la presse locale les 25 janvier, 1er février, 13 février et 14 février 2020, ont permis à l'ensemble des personnes et des collectivités intéressées, en dépit de quelques difficultés mineures ou ponctuelles afférentes à la longueur de l'adresse URL, de prendre connaissance du projet, d'en mesurer les impacts et d'émettre leurs observations. Au demeurant, le public concerné a émis 1 085 observations selon des modalités variées, soit un nombre comparable à celui des observations émises lors de l'enquête publique réalisée en vue de l'adoption du PADDUC lui-même. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de la consultation aient été fixées dans des conditions de nature à vicier la consultation du public ou à exercer une influence sur les résultats de l'enquête.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-11 du code de l'environnement : " I. - Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. Pour les projets d'importance nationale et les plans et programmes de niveau national, cet avis est, en outre, publié dans deux journaux à diffusion nationale quinze jours au moins avant le début de l'enquête. / II. - L'avis mentionné au I est publié sur le site internet de l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête. Si l'autorité compétente ne dispose pas d'un site internet, cet avis est publié, à sa demande, sur le site internet des services de l'Etat dans le département. Dans ce cas, l'autorité compétente transmet l'avis par voie électronique au préfet au moins un mois avant le début de la participation, qui le met en ligne au moins quinze jours avant le début de la participation. / III. - L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête désigne le ou les lieux où cet avis doit être publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tout autre procédé. / Pour les projets, sont au minimum désignées toutes les mairies des communes sur le territoire desquelles se situe le projet ainsi que celles dont le territoire est susceptible d'être affecté par le projet. Pour les plans et programmes de niveau départemental ou régional, sont au minimum désignées les préfectures et sous-préfectures. / Cet avis est publié quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et pendant toute la durée de celle-ci (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, et ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'avis d'enquête publique a été publié dans deux journaux locaux les 25 janvier, 1er février, 13 février et 14 février 2020 ainsi que sur le site internet de la collectivité de Corse. Par ailleurs, cet avis a, ainsi que cela ressort du rapport d'enquête publique, été également affiché sur les lieux de permanences.

10. En troisième lieu, si la commune de Lecci soutient que les documents soumis à enquête étaient " difficilement compréhensibles " et que le public n'a pas bénéficié d'une " information loyale et exacte sur le projet ", elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'un rapport de présentation a été transmis aux conseillers territoriaux via la plateforme Nomad de la collectivité le 22 octobre 2020. Par suite, le moyen tiré de ce qu'ils n'auraient pas été destinataires d'une note explicative de synthèse doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

12. En premier lieu, la commune de Lecci invoque plusieurs moyens à l'encontre du PADDUC tel qu'adopté par la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015, tirés en particulier de ce qu'il prévoirait un " principe général d'inconstructibilité " pour les espaces stratégiques agricoles, et de ce qu'il prescrirait la réalisation de documents d'objectif agricole et sylvicole par les communes. Ces moyens ne sont pas dirigés contre l'acte modificatif en litige et sont donc inopérants.

13. En deuxième lieu, les espaces stratégiques délimités à l'issue de la modification n° 1 du PADDUC, qui sont limités aux espaces agricoles et représentent 11,67 % de la superficie de la Corse, constituent des espaces géographiques limités au sens de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales.

14. En troisième lieu, la commune de Lecci reproche aux auteurs du PADDUC de s'être appuyés sur une étude réalisée par la société d'études techniques et d'entreprise générale (Sodeteg) dans les années 70 et 80 à la demande la chambre d'agriculture de Corse-du-Sud. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier - et il n'est d'ailleurs pas allégué - que l'écoulement du temps affecterait les conditions de mise en culture d'une terre agricole. D'autre part, les auteurs du PADDUC se sont appuyés sur d'autres données en leur possession pour identifier les zones urbanisées et artificialisées à la date du projet de modification. Ils n'ont, par suite, commis aucune illégalité.

15. En quatrième lieu, en se bornant à soutenir, à l'appui de son moyen tiré de ce que la délibération serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, que certaines parcelles présenteraient une pente supérieure à 15 %, la commune de Lecci n'assortit pas son moyen de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la collectivité de Corse est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé dans son intégralité la délibération n° 20/149 du 5 novembre 2020 de l'Assemblée de Corse.

Sur les frais liés au litige :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 29 avril 2022 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lecci devant le tribunal administratif de Bastia et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité de Corse et à la commune de Lecci.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. Mérenne et Mme A..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2023.

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N 22MA01846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01846
Date de la décision : 03/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : CABINET MUSCATELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-03;22ma01846 ?
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