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19/06/2023 | FRANCE | N°21MA04990

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 19 juin 2023, 21MA04990


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier 7 rue Rodolphe Pollak 13001 Marseille (SYNDOC) a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 5 mars 2019 par lequel son immeuble a été déclaré en état de péril grave et imminent par le maire de la ville de Marseille et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de décrire les travaux réalisés depuis l'intervention de l'arrêté attaqué et de donner son avis sur l'existence d'un prétendu p

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Par un jugement n°1903908 du 2 novembre 2021, la magistrate désignée du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier 7 rue Rodolphe Pollak 13001 Marseille (SYNDOC) a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 5 mars 2019 par lequel son immeuble a été déclaré en état de péril grave et imminent par le maire de la ville de Marseille et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de décrire les travaux réalisés depuis l'intervention de l'arrêté attaqué et de donner son avis sur l'existence d'un prétendu péril.

Par un jugement n°1903908 du 2 novembre 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions du SYNDOC tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2019 en tant qu'il concerne le renforcement des planchers de l'immeuble situé au 7 rue Rodolphe Pollak à Marseille (13001), mis à la charge du SYNDOC les frais d'expertise et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 décembre 2021 et le 4 janvier 2023, le SYNDOC, représenté par Me Dubarry, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 novembre 2021 ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 5 mars 2019 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour donner un avis sur l'existence d'un péril grave et imminent et décrire les travaux à réaliser ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Marseille une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 5 mars 2019 est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure ; l'expert désigné par ordonnance du 28 janvier 2019 a outrepassé sa mission en effectuant une seconde visite sur les lieux le 19 février 2019 et en déposant un nouveau rapport le 21 février 2019 ;

- il est entaché d'erreur de fait, en l'absence de péril imminent tant à la date de l'arrêté contesté qu'a fortiori à la suite de la réalisation des travaux constatée par l'arrêté du 4 juin 2019 qui prononce la mainlevée partielle de l'arrêté de péril ;

- il méconnaît l'article L. 511-3 du code de la construction, en l'absence de péril imminent et dès lors qu'il prescrit des mesures imprécises, qui ne s'avèrent en outre nullement nécessaires pour conjurer le péril et excèdent tant par leur nature que par leur ampleur les mesures provisoires pouvant être ordonnées en application de cet article ;

- il est entaché d'illégalité du fait de l'illégalité de la délibération du 13 décembre 2018 du conseil de la métropole d'Aix Marseille qui en constitue la base légale et en application de laquelle il a été pris ;

- il est entaché de détournement de procédure, dès lors qu'il a été pris dans le seul but de permettre l'expropriation de l'immeuble en litige à vil prix par la société d'économie mixte locale Marseille Habitat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2022, la commune de Marseille, représentée par Me Bouteiller, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SYNDOC une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme Balaresque,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;

- les observations de M. C... représentant du syndicat des copropriétaires et celles de Me Seisson substituant Me Bouteiller représentant la ville de Marseille.

Une note en délibéré a été enregistrée le 5 juin 2023 pour le SYNDOC.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Marseille a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille qui a prescrit, par une ordonnance du 28 janvier 2019, une expertise aux fins de décrire l'état de l'immeuble situé au 7 rue Rodolphe Pollak à Marseille (13001). L'expert désigné a déposé un rapport le 30 janvier, complété le 21 février 2019. Par un arrêté du maire de Marseille du 5 mars 2019, l'immeuble a été déclaré en état de péril grave et imminent. Le SYNDOC relève appel du jugement du 2 novembre 2021 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions du SYNDOC tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2019 en tant qu'il concerne le renforcement des planchers de l'immeuble situé au 7 rue Rodolphe Pollak à Marseille (13001), mis à la charge du SYNDOC les frais d'expertise et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors applicable : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3 ". Aux termes de l'article L. 511-3 du même code : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2 ".

3. La contestation d'un arrêté de péril imminent, pris sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation relève du contentieux de pleine juridiction. Par suite, la légalité d'un tel arrêté s'apprécie à la date à laquelle le juge se prononce.

4. Par l'article 3 de l'arrêté contesté, le maire de la ville de Marseille a prescrit au SYNDOC de procéder, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, aux travaux d'urgence nécessaires, soit étayer tous les planchers de l'immeuble jusqu'au sol des caves, faire purger les éléments instables de maçonnerie des planchers et faire réaliser par un homme de l'art le contrôle et les prescriptions de travaux pour la mise en sécurité de tous les planchers ainsi que des paliers de la cage d'escalier. Il résulte de l'instruction que sur l'attestation du 3 mai 2019 d'un ingénieur civil, le maire a pris acte de la réalisation des travaux de renforcement des planchers et a prononcé, par un arrêté du 4 juin 2019, la mainlevée partielle de l'arrêté de péril imminent litigieux en autorisant la réintégration des locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble situé au 7 rue Rodolphe Pollak à Marseille (13001).

5. Dès lors, ainsi que l'a jugé la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du 5 mars 2019 en tant qu'il prescrit l'étaiement des planchers de l'immeuble en cause et interdit l'occupation et l'utilisation des locaux commerciaux de cet immeuble.

En ce qui concerne le surplus des conclusions aux fins d'annulation :

6. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions dont il fait application, en particulier celles des articles L. 511-1 à L. 511-6 du code de la construction et de l'habitation et précise les éléments de faits sur lesquels il se fonde, en indiquant notamment que l'expert a conclu, dans son rapport de visite du 21 février 2019, à l'existence d'un péril grave et imminent et en détaillant les désordres relevés par l'expert ainsi que les mesures qu'il préconise pour y remédier. Le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige doit, dès lors, être écarté.

7. En deuxième lieu, si les dispositions précitées de l'article L. 511-3 subordonnent l'édiction de l'arrêté de péril à l'existence d'un péril grave et imminent constaté par un expert désigné par la juridiction administrative, il est constant que, dans son rapport déposé le 21 février 2019, l'expert désigné par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif du 28 janvier 2019 a constaté l'existence d'un tel péril. La circonstance que l'expert désigné ait préalablement déposé, le 5 février 2019, un rapport concluant à l'absence de péril à la suite d'une visite incomplète des lieux effectuée le 30 janvier 2019, qui ne lui a pas permis de décrire l'état de l'immeuble dans son ensemble et donc de remplir l'intégralité de la mission qui lui avait été confiée par l'ordonnance du 28 janvier 2019, est sans incidence sur la régularité de l'expertise définitive réalisée à la suite de la visite complète des lieux, comprenant le 2ème étage droite et le 3ème étage droite, que l'expert a pu effectuer le 19 février 2019, au contradictoire du SYNDOC et de la commune de Marseille. La circonstance que l'expert n'ait pas respecté le délai de 24 h fixé par les dispositions précitées de l'article L. 511-3 et rappelées par l'ordonnance du 28 janvier 2019 pour déposer son rapport, alors au demeurant qu'il n'est pas établi que ce délai serait imputable à une quelconque négligence de la part de l'expert qui n'avait pu avoir accès à l'ensemble des locaux de l'immeuble lors de la visite du 30 janvier 2019, est également sans incidence sur la régularité de cette expertise. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché l'arrêté en litige doit être écarté.

8. En troisième lieu, il résulte des constatations de l'expert, au vu desquelles le maire de Marseille a pris l'arrêté de péril imminent du 5 mars 2019, et des photographies du bâtiment, que les volées d'escalier sont fragilisées par les trous de passage des canalisations, que les plafonds du 1er et du 3ème étage sont partiellement effondrés, que les planchers du 2ème étage sont en surcharge et partiellement déformés, que le sol d'un des appartement du 3ème étage présente une différence de niveau rendant le passage entre les pièces dangereux. L'expert conclut au péril imminent en indiquant, d'une part, que les planchers de l'immeuble, dans leur ensemble, sont trop déformés et peuvent entraîner des risques de chutes et de blessure et, d'autre part, que les planchers du 1er et du 4ème étage " menacent de s'effondrer en raison de l'absence d'un étaiement correct des planchers inférieurs ". Contrairement à ce que soutient le requérant, si l'étaiement des planchers du 1er et du 4ème étage a été constaté par l'arrêté de mainlevée partielle du 4 juin 2019, les autres éléments relevés par l'expert et repris par l'arrêté sont suffisants pour caractériser l'existence d'un péril grave et imminent. Le moyen tiré de l'erreur de fait qui entacherait l'arrêté litigieux doit, dès lors, être écarté.

9. En quatrième lieu, il résulte des termes de l'arrêté contesté que les mesures provisoires qu'il prescrit, qui correspondent aux préconisations de l'expert désigné, consistent non seulement en l'étaiement des planchers, dont ainsi qu'il vient d'être dit, la réalisation a conduit le maire de Marseille à prononcer la mainlevée partielle de l'arrêté de péril imminent litigieux, mais également en la purge des éléments de maçonnerie devenus instables sur les planchers et en la réalisation de travaux de mise en sécurité de tous les planchers ainsi que des paliers de la cage d'escalier. Contrairement à ce que soutient le requérant, ces mesures, nécessaires pour assurer la sécurité des occupants et du public, n'excèdent pas les mesures provisoires que le maire peut ordonner en application des dispositions précitées de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'exception faite de l'étaiement des planchers, les autres mesures nécessaires à la levée du péril aient été mises en œuvre. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté litigieux doit être écarté.

10. En cinquième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale.

11. Contrairement à ce que soutient le requérant, la délibération du conseil de la métropole Aix-Marseille-Provence du 13 décembre 2018 relative à la stratégie territoriale durable de lutte contre l'habitat indigne et dégradé ne saurait constituer la base légale de l'arrêté de péril litigieux pris par le maire de Marseille sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitat. Cet arrêté, qui a pour objet la prévention d'un péril grave et imminent en application des pouvoirs de police spéciale dévolus au maire à cet effet, n'a pas non plus été pris pour l'application de cet acte émanant d'une autre collectivité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la délibération du conseil de la métropole Aix-Marseille-Provence du 13 décembre 2018 à l'encontre de l'arrêté contesté.

12. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que l'arrêté de péril contesté est justifié, ainsi qu'il a été précédemment exposé, par l'état de l'immeuble situé au 7 rue Rodolphe Pollak à Marseille (13001). Dès lors, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté aurait été pris dans le seul but de permettre l'expropriation à vil prix de cet immeuble. Par suite, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de prescrire une nouvelle expertise, que le SYNDOC n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de péril imminent du 5 mars 2019.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Marseille une somme quelconque au titre des frais exposés par le SYNDOC. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Marseille au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par le SYNDOC est rejetée.

Article 2 : Le SYNDOC versera à la commune de Marseille une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat de copropriétaires de l'immeuble rue 7 Rodolphe Pollak à Marseille (13001) et à la commune de Marseille.

Une copie en sera adressée à M. B... A..., expert.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2023.

N° 21MA04990 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04990
Date de la décision : 19/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-02-02-02-03 Collectivités territoriales. - Commune. - Attributions. - Police. - Police de la sécurité. - Immeubles menaçant ruine. - Contentieux.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : DUBARRY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-19;21ma04990 ?
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