Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n°2110072 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Gonand, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas fait un examen particulier de sa situation dès lors qu'il n'a pas sollicité une admission exceptionnelle au séjour par le travail mais une demande de renouvellement de son titre de séjour " salarié " ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit, le préfet ne pouvant instruire sa demande de renouvellement comme s'il s'agissait d'une première demande et exiger la production d'un visa de long séjour ni saisir à nouveau les services de la main d'œuvre étrangère ;
- les décisions de refus de séjour et d'éloignement contestées méconnaissent l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Une mise en demeure a été adressée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 juin 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Balaresque a été entendu en audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien, né le 15 juin 1985, relève appel du jugement du 24 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône rejetant sa demande de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet des Bouches-du-Rhône a examiné la demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de salarié présentée par M. B..., en sollicitant à cet effet l'avis de la DIRECCTE, laquelle a rendu un avis défavorable, avant d'examiner la possibilité de lui accorder une admission exceptionnelle au séjour, au regard de l'ensemble de sa situation, en faisant usage de son pouvoir général de régularisation. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention ''salarié''. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. / Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit ". En vertu du point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 : " Le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi ". Aux termes du premier alinéa de l'article 11 de l'accord du 17 mars 1988 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ".
4. Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail, dans sa rédaction applicable : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : (...) / 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-35 de ce code : " Les critères mentionnés à l'article R. 5221-20 sont également opposables lors du premier renouvellement de l'une de ces autorisations de travail lorsque l'étranger demande à occuper un emploi dans un métier ou une zone géographique différents de ceux qui étaient mentionnés sur l'autorisation de travail initiale ".
5. Il résulte des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, qui prévoient que le titre de séjour " salarié " n'est délivré que sur la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, que les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail relatives aux conditions de délivrance des autorisations de travail demeurent applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " valable un an formulées par les ressortissants tunisiens. La réserve prévue au point 2.3.3 du protocole franco-tunisien du 28 avril 2008 a pour seul effet d'écarter, pour les seuls métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I de ce protocole, l'application de la condition relative à la prise en compte de la situation de l'emploi prévue par le 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail. En outre, si l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit le renouvellement de plein droit des titres de séjour qu'il mentionne, parmi lesquels le titre de séjour " salarié " d'un an mentionné à son premier alinéa, ce renouvellement reste soumis aux conditions prévues aux articles R. 5221-34 et suivants du code du travail.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, en particulier du titre de séjour produit par M. B..., que celui-ci a obtenu le 15 décembre 2017 un premier titre de séjour en qualité de salarié en vue d'exercer le métier de plombier auprès de la SARL Rénovation Renouvellement Isolation. Lors de la demande de renouvellement de son titre de séjour présentée en décembre 2018, M. B... a produit un nouveau contrat de travail pour exercer, à temps partiel et avec une rémunération mensuelle inférieure au SMIC, le métier de peintre auprès de la société Batir Eco Façades. En application des dispositions précitées de l'article R. 5221-35 du code du travail, eu égard au changement de métier occupé par M. B..., le préfet des Bouches-du-Rhône pouvait légalement lui opposer le non-respect du critère posé par le 6° de l'article R. 5221-20 relatif à l'exigence d'une rémunération minimale mensuelle au moins égale au SMIC et lui refuser, pour ce motif, le renouvellement du titre de séjour en qualité de salarié sollicité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché le refus de renouvellement du titre de séjour opposé à M. B... doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévues à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. En l'espèce, M. B..., ressortissant tunisien né le 15 juin 1985, fait valoir qu'entré en France en 2011 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire ", il y séjourne habituellement depuis lors et qu'il y a établi le centre de sa vie privée et familiale auprès de son frère et de sa belle-sœur. S'il produit diverses pièces, notamment des bulletins de salaire, attestant de sa présence en France quelques mois par an entre 2011 et 2020, il n'établit toutefois pas le caractère continu de son séjour sur le territoire depuis 2011. En outre, l'intéressé, célibataire et sans enfants, n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 26 ans. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par cet arrêté. Il n'a, par suite, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressé.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône rejetant sa demande de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
10. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions présentées en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Gonand et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2023, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2023.
N° 22MA02491 2