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05/06/2023 | FRANCE | N°21MA03580

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 05 juin 2023, 21MA03580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Huttopia a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer l'autorisation de défricher une superficie de 15 128 mètres carrés sur la parcelle cadastrée section AC n° 122 à Fontvieille, ainsi que la décision du 19 décembre 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001707 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 août 2021, la société Huttopia, représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Huttopia a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer l'autorisation de défricher une superficie de 15 128 mètres carrés sur la parcelle cadastrée section AC n° 122 à Fontvieille, ainsi que la décision du 19 décembre 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001707 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 août 2021, la société Huttopia, représentée par Me Soy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône et la décision du 19 décembre 2019 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre aux moyens tirés de ce que les tentes démontables et les roulottes mobiles ne constituent pas des habitations légères de loisir au sens des articles R. 111-37 et R. 111-38 du code de l'urbanisme, d'une part, et de la méconnaissance de l'article L. 341-6 du code forestier, d'autre part ;

- le procès-verbal établi par la direction départementale des territoires et de la mer n'est pas conforme à l'article R. 341-5 du code forestier ;

- le projet n'était pas soumis à une autorisation de défrichement ;

- les décisions contestées sont entachées d'erreur de droit, dès lors que le préfet n'avait pas à prendre en compte le projet pour la réalisation duquel l'autorisation a été demandée ;

- les parcelles en question ne sont pas à l'état boisé ;

- elles sont entachées d'erreur de fait, dès lors que le projet n'étend pas l'emprise du camping et n'augmente pas la capacité d'accueil du camping ;

- elles sont entachées d'erreur de qualification juridique des faits, dès lors que les tentes démontables et les roulottes mobiles ne constituent pas des habitations légères de loisirs au sens des articles R. 111-37 et R. 111-38 du code de l'urbanisme ;

- le préfet a fait une inexacte application du 9° de l'article L. 341-5 du code forestier ;

- il a refusé à tort de délivrer une autorisation soumise à des prescriptions sur le fondement de l'article L. 341-6 du code forestier ;

- elle a obtenu un permis d'aménager devenu définitif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête présentée par la SARL Huttopia.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Huttopia ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Soy, représentant la SARL Huttopia.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Huttopia exploite un camping nature sur le territoire de la commune de Fontvieille. Par un arrêté du 11 septembre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer l'autorisation de défricher une superficie de 15 128 mètres carrés sur la parcelle cadastrée section AC n° 122. Il a rejeté le recours gracieux de la société par une décision du 19 décembre 2019.

2. La SARL Huttopia fait appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

3. En premier lieu, l'arrêté préfectoral du 11 septembre 2019 est un refus d'autorisation de défrichement pris sur le fondement du 9° de l'article L. 341-5 du code forestier. Il n'est pas relatif à une autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol. La société requérante a critiqué devant les premiers juges l'emploi des termes " structures d'habitations légères " par l'arrêté préfectoral contesté, qui ne fait pas référence au code de l'urbanisme, pour désigner les tentes et les roulottes qu'elle entend installer sur la parcelle en question. Cette discussion terminologique, présentée comme un moyen tiré de l'inexacte application des articles R. 111-37 et R. 111-38 du code de l'urbanisme, alors que ces derniers sont étrangers à la législation applicable, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, et le moyen correspondant est inopérant. Le tribunal administratif n'avait donc pas à y répondre.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 341-6 du code forestier que le préfet, lorsqu'il délivre une autorisation de défrichement, doit l'assortir d'une ou de plusieurs conditions prévues par cet article. L'arrêté préfectoral contesté n'est pas une autorisation de défrichement, mais le refus d'une telle autorisation. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 341-6 du code forestier était donc, en tant que tel, inopérant. La réalisation envisageable de travaux ou de mesures visant à réduire un risque naturel fait partie des éléments à prendre en compte pour apprécier si l'existence d'un tel risque justifie le refus d'une autorisation de défrichement sur le fondement de l'article L. 341-5 du code forestier. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dernières dispositions, le tribunal administratif a tenu compte des mesures et travaux proposés par la société requérante, ainsi qu'il ressort du point 13 du jugement attaqué. Il n'était pas tenu de répondre expressément à cet argument.

5. En troisième lieu, le deuxième alinéa de l'article R. 341-5 du code forestier prévoit, lorsqu'une opération de reconnaissance est réalisée pour l'instruction d'une demande d'autorisation de défrichement, que " Si le préfet estime, au vu des constatations et des renseignements portés sur le procès-verbal, que la demande peut faire l'objet d'un rejet pour un ou plusieurs des motifs mentionnés à l'article L. 341-5 ou que l'autorisation peut être subordonnée au respect d'une ou plusieurs des conditions définies à l'article L. 341-6, il notifie par tout moyen permettant d'établir date certaine le procès-verbal au demandeur, qui dispose d'un délai de quinze jours pour formuler ses observations. "

6. Le procès-verbal de l'opération de reconnaissance réalisée le 23 juillet 2019 par un agent du service agriculture - forêt de la préfecture des Bouches-du-Rhône comporte les constatations et renseignements que cet agent a entendu porter à la connaissance du préfet, en particulier en ce qui concerne le risque incendie, et au vu desquels ce dernier s'est prononcé. Il a été notifié le 28 août 2019 à la SARL Huttopia, qui a présenté ses observations dans le délai de quinze jours qui lui était imparti. Il suit de là que le deuxième alinéa de l'article R. 341-5 du code forestier a été respecté. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la communication de ce procès-verbal, faisant suite à une demande présentée par ses soins, n'était pas destinée à lui permettre de présenter ses observations sur les motifs de refus envisagés par le préfet, mais à l'informer des constats et renseignements relevés par l'agent de contrôle au cours de la visite. Les critiques formulées par la SARL Huttopia à l'encontre du contenu de ce procès-verbal sont étrangères au respect des dispositions de l'article R. 341-5 du code forestier.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle en question, restée à l'état naturel, est une futaie dense de pins d'Alep dont le sous-étage est composé d'essences végétales méditerranéennes, avec des clairières. Elle fait partie du massif des Alpilles. Ainsi, et alors même qu'elle serait exploitée à des fins de loisirs par la SARL Huttopia, elle est revêtue d'un état boisé et elle présente une destination forestière au sens de l'article L. 341-1 du code forestier. Sa destruction nécessite une autorisation en application des articles L. 341-3 du code forestier.

8. En cinquième lieu, il n'appartenait pas au préfet, saisi par la SARL Huttopia d'une demande d'autorisation en vue de défricher cette parcelle, c'est-à-dire en vue de mettre fin à sa destination forestière, d'apprécier si le projet porté par ailleurs par cette société concernant son camping aurait pu être réalisé sans l'autorisation sollicitée. L'arrêté préfectoral du 11 septembre 2019 n'est donc pas entaché d'erreur de droit. En outre, l'absence d'intention alléguée de procéder à l'abattage d'arbres n'est pas un motif légal de délivrance d'une autorisation de défrichement lorsque l'un des motifs prévus par l'article L. 341-5 du code forestier justifie de refuser cette autorisation. Ce moyen est donc inopérant.

9. En sixième lieu, le tribunal administratif a écarté les moyens tirés de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en tenant compte des risques induits par l'installation de tentes et de caravanes, de l'erreur de fait concernant l'absence d'extension du camping, de l'exemption prévue au 1° de l'article L. 342-1 du code forestier, et de l'obtention d'un permis d'aménager devenu définitif par des motifs appropriés, figurant aux points 12 à 15, 18 et 19 du jugement attaqué, qui ne sont pas contestés et qu'il convient d'adopter en appel.

10. En dernier lieu, l'article L. 341-5 du code forestier prévoit que : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : / (...) / 9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches. " Le 4° de l'article L. 341-6 du code forestier permet au préfet de soumettre l'autorisation à l'exécution de travaux ou mesures visant à réduire les risques naturels, notamment les incendies.

11. Il est constant que la parcelle concernée est située dans une zone où les risques liés aux feux de forêt sont d'un niveau exceptionnel, c'est-à-dire au niveau le plus élevé. L'accessibilité du secteur, encadré par des paysages naturels et desservi par une rue unique étroite à certains endroits, est limitée. Elle affecte l'intervention des véhicules de lutte contre l'incendie, mais également les conditions de l'évacuation éventuelle des occupants. La SARL Huttopia se prévaut d'un avis favorable sous prescriptions rendu par le service départemental d'incendie et de secours dans le cadre de l'instruction de sa demande de permis d'aménager. Cet avis n'est pas produit au dossier. Elle se prévaut également d'un avis favorable de la sous-commission départementale pour la sécurité des occupants de terrains de campings. Cette sous-commission s'est bornée à visiter le camping existant, sans prendre partie sur son projet d'extension et la demande d'autorisation de défrichement qui y était liée. Enfin, la SARL Huttopia propose des mesures visant à la réduction des risques, par la réalisation d'une voie de défense des forêts contre l'incendie, l'installation de robinets d'incendie armés et d'extincteurs. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces mesures suffisent pour remédier pleinement aux risques - d'un niveau exceptionnel, ainsi qu'il a été dit plus haut - induits par la présence d'installations de camping dans un secteur boisé, principalement utilisées au cours de la période où les risques sont les plus forts, non plus qu'à ceux auxquels les occupants sont exposés. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait une inexacte application du 9° de l'article L. 341-5 et du 4° de l'article L. 341-6 du code forestier en se fondant sur le risque d'incendie encouru par les biens et les personnes pour refuser l'autorisation de défrichement demandée par la SARL Huttopia.

12. Il résulte de ce qui précède que la SARL Huttopia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Huttopia est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Huttopia et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2023.

2

No 21MA03580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03580
Date de la décision : 05/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-06-02-02 Agriculture et forêts. - Bois et forêts. - Protection des bois et forêts. - Autorisation de défrichement.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SOY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-05;21ma03580 ?
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