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05/06/2023 | FRANCE | N°21MA03532

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 05 juin 2023, 21MA03532


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Loti 2 A a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel la préfète de la Corse-du-Sud a refusé de faire droit à sa demande de permis d'aménager en vue de réaliser un lotissement comportant 10 maisons individuelles au lieudit A Felasca sur le territoire de la commune d'Afa sur les parcelles cadastrées section B 311, B 1128, B 2672 et B 2674, d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer le permis sollicité et de mettre à la charge de l'

Etat le paiement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Loti 2 A a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel la préfète de la Corse-du-Sud a refusé de faire droit à sa demande de permis d'aménager en vue de réaliser un lotissement comportant 10 maisons individuelles au lieudit A Felasca sur le territoire de la commune d'Afa sur les parcelles cadastrées section B 311, B 1128, B 2672 et B 2674, d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer le permis sollicité et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000062 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté précité du 26 août 2019, enjoint au maire d'Afa de délivrer à la SAS Loti 2A le permis d'aménagement sollicité dans un délai d'un mois et mis à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaires enregistrés les 11 août 2021 et 17 décembre 2021, la ministre de la transition écologique demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia.

Elle soutient dans le dernier état de ses écritures que :

- sa requête, qui n'était pas soumise aux formalités prescrites par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, est recevable ;

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance, par le projet, des dispositions de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme ;

- le signataire de l'avis émis par la direction départementale des territoires et de la mer disposait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme ;

- il sollicite une substitution de base légale dès lors que le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) prévoit le caractère inconstructible de parcelles ayant le caractère d'espaces stratégiques agricoles.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2021, la SAS Loti 2A, représentée par Me Mousny Pantalacci, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de la transition écologique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable à défaut de lui avoir été notifiée en application des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les moyens de la requête sont infondés.

La commune d'Afa a produit un mémoire le 1er décembre 2021 qui n'a pas été régularisé par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties le jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Loti 2A a sollicité, le 5 juin 2019, la délivrance d'un permis d'aménagement aux fins de réalisation d'un lotissement composé de 10 lots au lieudit A Felasca sur le territoire de la commune d'Afa sur les parcelles cadastrées section B 311, B 1128, B 2672 et B 2674. Le maire de la commune a émis, le même jour, un avis favorable à cette demande. Après avis défavorable émis le 23 août 2019 par la direction départementale des territoires et de la mer, la préfète de la Corse-du-Sud a, par arrêté du 26 août 2019, refusé de faire droit à la demande de la SAS Loti 2A. Par un jugement n° 2000062 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté précité du 26 août 2019 et enjoint au maire d'Afa de délivrer à la SAS Loti 2A le permis d'aménagement sollicité dans un délai d'un mois. La ministre de la transition écologique relève appel dudit jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Le ministre requérant fait valoir que le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que le terrain d'assiette du projet ne serait pas nécessaire au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières. Cependant, en indiquant, dans son paragraphe 5, que " Il ressort des pièces du dossier, notamment des vues aériennes et des cartographies, que si le projet de lotissement de la SAS Loti 2A se situe sur un vaste terrain naturel de 1,26 hectare, il est entouré de constructions, ne fait l'objet d'aucune activité agricole et la seule circonstance que ce terrain présenterait une potentialité agricole au titre de l'étude SODETEG réalisée en 1981 et des critères d'identification par le PADDUC des espaces stratégiques agricoles ne suffit pas davantage à établir que ce terrain serait nécessaire au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières. Dès lors, la SAS Loti 2A est fondée à soutenir que c'est à tort que l'arrêté du 29 août 2019 lui a opposé les dispositions précitées de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme ", le tribunal n'a pas entaché ledit jugement d'une insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Le jugement attaqué a annulé la décision de refus de permis d'aménager opposée à la SAS Loti 2A aux motifs, d'une part, de l'incompétence du signataire de l'avis émis par la direction départementale des territoires et de la mer le 23 août 2019 et, d'autre part, de l'absence de méconnaissance, par le projet, des dispositions de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme.

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable dans les communes visées au b de l'article L. 422-1 et dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : (...) e) En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction mentionné à l'article R. 423-16 (..) Le préfet peut déléguer sa signature au responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction ou à ses subordonnés, sauf dans le cas prévu au e ci-dessus ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 422-1 du même code : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. En l'absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au nom de la commune, à compter du 1er janvier 2017. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ; b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 423-16 dudit code : " Lorsque la décision doit être prise au nom de l'Etat, l'instruction est effectuée : (...) b) Par le service de l'Etat dans le département chargé de l'urbanisme pour les autres déclarations préalables ou demandes de permis. ".

5. Dès lors que la commune d'Afa n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu et que la direction départementale des territoires et de la mer avait émis, le 23 août 2019, un avis défavorable contraire à l'avis favorable émis le 5 juin 2019 par le maire de la commune, la préfète de la Corse-du-Sud était, en application des dispositions précitées, compétente pour statuer sur la demande présentée par la SAS Loti 2A.

6. D'une part, il résulte de la lecture de l'arrêté attaqué, qu'en dépit de son en-tête malencontreux comportant la mention " Le maire d'Afa ", l'arrêté a été signé, comme il se devait, pour la préfète de la Corse-du-Sud.

7. D'autre part, l'arrêté litigieux a été signé par M. A..., chef du service urbanisme planification et habitat au sein de la direction départementale des territoires et de la mer de Corse-du-Sud qui, en application des dispositions combinées précitées du code de l'urbanisme, était compétent, sans qu'il ait à bénéficier d'une délégation de signature spécifique, pour émettre un avis sur la demande déposée par la SAS Loti 2A. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'avis émis le 23 août 2019.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition ". Par ailleurs, aux termes du II de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales : " II. - Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l'occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l'objet et l'échelle sont déterminés par délibération de l'Assemblée de Corse. / En l'absence de schéma de cohérence territoriale, de plan local d'urbanisme, de schéma de secteur, de carte communale ou de document en tenant lieu, les dispositions du plan relatives à ces espaces sont opposables aux tiers dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d'autorisation prévues au code de l'urbanisme ". Il résulte desdites dispositions qu'alors qu'en présence d'un document local d'urbanisme, le PADDUC n'est, en ce qui concerne la détermination des espaces stratégiques agricoles, pas directement opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme, il l'est, en revanche, en l'absence de tout document local d'urbanisme.

9. Il est constant que la commune d'Afa n'est, ainsi qu'il a été dit précédemment, pas dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu. Par suite, les dispositions du PADDUC afférentes aux espaces stratégiques agricoles sont directement opposables aux demandes d'autorisations d'urbanisme déposées sur le territoire de cette commune. Par ailleurs, si, par jugements du 1er mars 2018, devenus définitifs, le tribunal administratif de Bastia a annulé la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 de l'assemblée de Corse approuvant le PADDUC en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles, de sorte que le PADDUC ne contient plus de document cartographique permettant de déterminer ou de délimiter ces espaces, les critères d'éligibilité de ces espaces et les prescriptions du PADDUC s'y rapportant sont toutefois applicables. Il résulte de ces prescriptions que peut être regardé comme espace stratégique agricole, qualification qui fait obstacle à toute possibilité de construire, un terrain cultivable, c'est-à-dire présentant une pente inférieure ou égale à 15 %, présentant un potentiel agronomique ou bénéficiant d'infrastructures d'irrigation ou d'un projet d'équipement structurant d'irrigation.

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment du zonage agro sylvopastoral de la région d'Ajaccio-Cinarca établi par la SODETEG qui a servi de base d'étude à la détermination par le PADDUC des espaces stratégiques agricoles, que seule une partie des parcelles concernées par le projet présente un potentiel agronomique (B 1128, B 2672 dans sa partie Nord Est et B 311 dans sa partie Nord). Par ailleurs, parmi lesdites parcelles pouvant être regardées comme présentant un potentiel agronomique, il ressort de l'étude topographique détaillée effectuée par un géomètre et produite par la SA Loti 2A, que celles-ci présentent, dans une proportion importante, des pentes supérieures à 15 %. Ainsi, il n'est pas établi qu'apprécié dans son ensemble, le terrain d'assiette litigieux, qui est, au demeurant, inséré au cœur d'une zone présentant une densité significative de constructions et disposant de tous les réseaux routiers, d'eau, d'électricité et d'assainissement nécessaires, présenterait le caractère d'un espace stratégique agricole au sens des dispositions du PADDUC ou serait nécessaire au maintien ou développement des activités agricoles au sens des dispositions de l'article L. 122-10 précité.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Loti 2A, que la ministre de la transition écologique n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté de la Préfète de la Corse du Sud en date du 26 août 2019.

Sur les frais d'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros qui sera versée à la SAS Loti 2 A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la ministre de la transition écologique est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à la SAS Loti 2A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la SAS Loti 2A et à la commune d'Afa.

Une copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2023.

N° 21MA0353202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03532
Date de la décision : 05/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Lotissements.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : MOUSNY-PANTALACCI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-05;21ma03532 ?
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