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05/06/2023 | FRANCE | N°21MA03275

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 05 juin 2023, 21MA03275


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Mai a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 avril 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à la fermeture administrative de l'établissement l'Estello pour une durée de trois mois et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1903309 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de la SARL Mai.

Proc

dure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et des pièces enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Mai a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 avril 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à la fermeture administrative de l'établissement l'Estello pour une durée de trois mois et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1903309 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de la SARL Mai.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et des pièces enregistrés les 3 août 2021, 7 novembre 2022 et 9 mai 2023, la SARL Mai, représentée par Me Joly, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 4 avril 2019 portant fermeture administrative de l'établissement l'Estello pour une durée de trois mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'évènement qui s'est déroulé dans la nuit du 17 au 18 décembre 2018 était exceptionnel ;

- elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure de fermeture administrative alors que, contrairement aux dispositions du 1 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, elle n'a pas été destinataire d'un avertissement préalable ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- elle ne peut être regardée comme ayant bénéficié d'une procédure contradictoire ;

- l'incident qui s'est produit dans la nuit du 17 au 18 décembre 2018 n'est pas en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation ;

- les nuisances sonores ne sont pas établies ;

- la durée de la fermeture est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2022, la préfète de police des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de la SARL Mai.

Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties le jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Dioum pour la SARL Mai.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Mai exploite la brasserie-bar l'Estello située 1 cours Mirabeau à Aix-en-Provence. Par un arrêté du 4 avril 2019, le préfet de police des Bouches-du-Rhône a ordonné la fermeture administrative de cet établissement pour une durée de trois mois. Par un jugement n° 1903309 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté présentées par la SARL Mai. Cette dernière relève appel dudit jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la société requérante fait valoir que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'évènement qui s'est déroulé dans la nuit du 17 au 18 décembre 2018 était exceptionnel, le jugement attaqué, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments avancés par la requérante, a précisé, de manière suffisamment motivée, dans son paragraphe 7, que : " à supposer même que les faits de violence commis dans la nuit du 17 au 18 décembre 2018 soient les seuls à pouvoir légalement fonder l'arrêté attaqué, le préfet n'a commis ni une erreur d'appréciation en prononçant la fermeture de l'établissement de " L'Estello " ni une erreur manifeste d'appréciation en fixant la durée de cette fermeture à trois mois, au regard de la gravité de ces faits. " Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait, pour ce motif, irrégulier, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. Le représentant de l'Etat dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l'exploitant s'engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. / 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1./ 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. / 5. Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de l'arrêté attaqué que la fermeture administrative a été prononcée aux motifs, d'une part, de nuisances sonores ayant troublé la tranquillité du voisinage les 3 octobre 2018 et 1er décembre 2018, d'autre part, de la vente d'alcool à des personnes mineures et enfin, d'une rixe, dans la nuit du 17 au 18 décembre 2018, à la sortie de l'établissement déclenchée par l'un des clients de celui-ci en état d'ébriété à l'origine de graves blessures par couteau ayant entraîné, pour la victime, une ITT de 45 jours. Si le dernier de ces motifs relève du 3° des dispositions précitées de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, qui a été visé par le préfet, les nuisances sonores relèvent du 2° dudit article tandis que la vente d'alcool à des mineurs relève quant à elle du 1°. Cependant, le préfet de police des Bouches-du-Rhône aurait pu, s'il ne s'était fondé que sur le grave incident qui s'est déroulé dans la nuit du 17 au 18 décembre 2018, prendre l'arrêté attaqué sans avoir, dès lors, à le faire précéder d'un avertissement lequel n'est applicable qu'aux hypothèses de fermeture prévues par le 1° de l'article précité.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ".

6. L'arrêté attaqué précise, de manière suffisamment circonstanciée, les circonstances de fait et de droit qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait insuffisamment motivé doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

8. Si la SARL Mai fait valoir que l'arrêté attaqué n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire préalable, il ressort des pièces du dossier que, par une lettre en date du 21 février 2019, le préfet l'a informée de ce qu'il envisageait de prendre une mesure de fermeture administrative et l'a invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Cette lettre, qui indiquait, de manière très précise, les motifs pour lesquels une telle fermeture était envisagée, permettait à la SARL exploitante de présenter de manière utile et effective ses observations quand bien même elle n'aurait pas été destinataire du rapport de police établi le 19 février 2019 et des procès-verbaux dressés à la suite de la rixe qui s'est produite dans la nuit du 17 au 18 décembre 2018. Par suite, le moyen précité doit être écarté.

9. En quatrième lieu, les mesures de fermeture d'un débit de boisson ou restaurant prises au titre des dispositions de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ont pour objet, quel que soit, au sein de cet article, le fondement légal qu'elles retiennent, de prévenir la répétition ou la poursuite de désordres liés au fonctionnement de l'établissement et présentent le caractère de mesures de police administrative. L'existence d'une atteinte à l'ordre public de nature à justifier la fermeture d'un établissement s'apprécie objectivement, ce dont il résulte que la condition, posée par les dispositions précitées pour les fermetures prévues au 2. et 3. de cet article, tenant à ce qu'une telle atteinte soit en relation avec la fréquentation de cet établissement, peut être regardée comme remplie indépendamment du comportement des responsables de cet établissement.

10. S'agissant de la rixe qui s'est produite dans la nuit du 17 au 18 décembre 2018, la société requérante fait valoir qu'elle ne peut être regardée comme étant en relation avec la fréquentation de l'établissement dès lors que, d'une part, celle-ci s'est déroulée à plus de 30 mètres de l'Estello et, d'autre part, que l'auteur des faits ne peut être qualifié de client de l'établissement puisque, au vu de son état d'ébriété manifeste, un refus de le servir lui a été opposé. S'il ressort des pièces du dossier que la rixe s'est déroulée à 30 mètres de l'Estello, il résulte du rapport de police établi le 19 février 2019, lequel n'est pas utilement contredit par la seule attestation de l'un des employés de l'établissement, que l'auteur des faits, mis en examen par la suite pour tentative d'homicide ainsi que le mineur qui l'accompagnait, venaient de sortir de l'Estello où ils avaient consommé deux bouteilles d'alcool du 5ème groupe. Par suite, l'atteinte à l'ordre public résultant de cette rixe présentait un lien avec la fréquentation de l'établissement exploité par la société requérante.

11. En cinquième lieu, si la société requérante fait valoir que son gérant a été relaxé, par arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 15 février 2022, des faits d'émissions de bruits portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme qui se seraient produits le 1er décembre 2018, le préfet de police des Bouches-du-Rhône aurait pu, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne se fonder que sur l'incident qui s'est déroulé dans la nuit du 17 au 18 décembre 2018, lequel a été à l'origine d'un trouble à l'ordre public important et de graves blessures, pour prendre une mesure de fermeture administrative d'une durée de trois mois, celle-ci n'étant, à supposer même que cet évènement ait été exceptionnel, pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de ce qui précède que la SARL Mai n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 4 avril 2019. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation présentées par la requérante ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Mai est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Mai et au préfet de police des Bouches-du-Rhône.

Une copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2023.

N° 21MA0327502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03275
Date de la décision : 05/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-04 Police. - Polices spéciales. - Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP AMIEL-SUSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-05;21ma03275 ?
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