La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2023 | FRANCE | N°21MA02581

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 05 juin 2023, 21MA02581


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association syndicale libre (ASL) du groupe d'habitations de Pierrelongue a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 23 mai 2019 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Durance - Lubéron - Verdon Agglomération a rejeté sa demande tendant à la prise en charge de la gestion et de l'entretien du réseau de distribution d'eau potable du domaine de Pierrelongue, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, de " déclarer nulles " des facture

s, et de condamner la communauté d'agglomération à lui verser la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association syndicale libre (ASL) du groupe d'habitations de Pierrelongue a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 23 mai 2019 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Durance - Lubéron - Verdon Agglomération a rejeté sa demande tendant à la prise en charge de la gestion et de l'entretien du réseau de distribution d'eau potable du domaine de Pierrelongue, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, de " déclarer nulles " des factures, et de condamner la communauté d'agglomération à lui verser la somme de 41 824,50 euros.

Par un jugement n° 1909981 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 5 juillet et le 18 octobre 2021, l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue, représentée par Taj société d'avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 23 mai 2019 du président de la communauté d'agglomération Durance - Lubéron - Verdon Agglomération et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) de condamner la communauté d'agglomération Durance - Lubéron - Verdon Agglomération à lui verser la somme de 33 031,10 euros ;

4°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a considéré à tort que ses conclusions relatives aux factures émises par la communauté d'agglomération ne relevaient pas de la compétence de la justice administrative ;

- il a omis de se prononcer sur ses conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques ;

- ses conclusions indemnitaires sont la conséquence nécessaire de l'annulation des décisions contestées ;

- le président de la communauté d'agglomération n'était pas compétent pour rejeter sa demande ;

- la commune d'Esparron-de-Verdon a acquis la propriété du réseau interne du groupe d'habitations de Pierrelongue avant le transfert de la compétence eau potable à la communauté d'agglomération ;

- ce réseau ne constitue pas un équipement propre au sens de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ;

- l'entretien des canalisations situées en amont des compteurs individuels relève de la communauté d'agglomération ;

- les factures sont injustifiées ;

- la responsabilité de la communauté d'agglomération est engagée du fait de l'illégalité des décisions contestées ;

- elle est également engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2021, la communauté d'agglomération Durance - Lubéron - Verdon Agglomération, représentée par la SCP Lesage - Berguet - Gouard-Robert, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué à avoir rejeté au fond les conclusions dirigées contre les factures émises par la communauté d'agglomération, et non comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Un mémoire a été enregistré en réponse à cette mesure d'information le 28 avril 2023 pour l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me de Fenoyl, représentant l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue, et de Me Berguet, représentant la communauté d'agglomération Durance - Lubéron - Verdon Agglomération.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 23 mai 2019, le président de la communauté d'agglomération Durance - Lubéron - Verdon Agglomération a rejeté la demande de l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue tendant à ce que l'établissement public prenne en charge la gestion et l'entretien du réseau de distribution d'eau potable du domaine de Pierrelongue. L'ASL a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été implicitement rejeté.

2. Par un jugement du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de l'ASL tendant à l'annulation de ces deux décisions, à la contestation de factures émises par la communauté d'agglomération, et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 41 824,50 euros. L'ASL fait appel de ce jugement.

Sur l'incompétence de la justice administrative pour connaître des conclusions dirigées contre les factures émises par la communauté d'agglomération :

3. Aux termes de l'article L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales : " Les services publics d'eau et d'assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial. "

4. Comme l'a jugé le tribunal administratif, les factures émises par la communauté d'agglomération en vue du recouvrement des sommes dues en contrepartie de l'eau consommée par l'ASL s'inscrivent dans le cadre des rapports entre un service public industriel et commercial de distribution d'eau et ses usagers, qui sont des rapports de droit privé. Ainsi, alors même que l'ASL insiste sur le fait qu'elle estime que ces factures sont injustifiées et que les conclusions dirigées à leur encontre sont présentées concomitamment à d'autres conclusions relevant de la compétence de la justice administrative, ces conclusions relèvent de la compétence des juridictions judiciaires.

5. Toutefois, le tribunal administratif a rejeté au fond l'ensemble de la requête, en omettant de rejeter les conclusions en question comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

6.Cette irrégularité justifie d'annuler le jugement attaqué dans cette mesure et, après évocation, de rejeter ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur le reste du litige :

7. En premier lieu, le tribunal administratif a rejeté les conclusions indemnitaires de l'ASL comme irrecevables, ce qui vaut quel que soit le fondement invoqué. Il n'a donc pas omis de se prononcer sur ces conclusions en tant qu'elles étaient présentées sur le fondement d'une rupture d'égalité devant les charges publiques.

8. En second lieu, en faisant valoir que ces conclusions sont la conséquence nécessaire de l'annulation des décisions contestées, l'ASL ne conteste pas utilement l'irrecevabilité retenue par le tribunal administratif pour les rejeter, tenant à l'absence de décision préalable de nature à lier le contentieux. Le tribunal a rejeté ces conclusions par des motifs appropriés figurant aux points 6 et 7 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter en appel.

9. En troisième lieu, il résulte des articles L. 2121-10 et L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, rendus applicables aux communautés d'agglomération par l'article L. 5211-1 du même code, que le président de la communauté d'agglomération, auquel il revient d'inscrire les questions à l'ordre du jour d'une réunion du conseil de la communauté d'agglomération, est compétent pour rejeter les demandes tendant à l'inscription d'une telle question lorsqu'il ne peut y être fait droit. Ainsi qu'il est vu au point 12, l'entretien du réseau de distribution d'eau potable du domaine de Pierrelongue ne relève pas de la communauté d'agglomération. Par suite, sa prise en charge serait constitutive d'une libéralité. Le président de la communauté d'agglomération était donc compétent pour rejeter la demande sans avoir à saisir le conseil de la communauté d'agglomération.

10. En quatrième lieu, la propriété d'un ouvrage et son entretien sont deux questions différentes. Les travaux qu'a pu effectuer la commune d'Esparron-de-Verdon avant le transfert de la compétence " eau potable " à la communauté d'agglomération, en particulier la pose d'un compteur et la réparation de fuites, n'ont pu transférer à la personne publique la propriété des canalisations en cause. L'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue n'est donc pas fondée à soutenir qu'elles seraient entrées dans le domaine public communal avant d'être transférées à la communauté d'agglomération en conséquence du transfert de la compétence afférente.

11. En cinquième lieu, le litige n'est pas relatif à une participation mise à la charge d'un constructeur. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme est donc inopérant.

12. En sixième lieu, il est constant que les canalisations d'eau potable dont l'ASL demande l'entretien par la communauté d'agglomération ont été réalisées à l'occasion de la construction du lotissement du domaine de Pierrelongue dans les années 1970, et qu'elles sont destinées à répondre aux besoins propres de ce dernier par la desserte en eau potable des seuls résidents du lotissement. Si la présence d'un compteur collectif peut, le cas échéant, faciliter l'identification de la limite entre le réseau public et le branchement du lotissement, les conditions d'installation et les caractéristiques de ce compteur sont par elles-mêmes sans incidence sur cette question. Les huit poteaux incendie présents sur le site, qui ne sont pas des ouvrages de distribution d'eau potable, ont été construits par l'ASL, à laquelle ils appartiennent, dans le cadre de ses obligations de lutte contre l'incendie. Ainsi, et à même supposer que ces ouvrages puissent être utilisés au bénéfice de tiers, leur desserte répond aux besoins propres de l'ASL. Il suit de là que les canalisations en question n'appartiennent pas au réseau public de distribution d'eau potable que la communauté d'agglomération a la charge d'entretenir.

13. Enfin, la " bonne foi " invoquée par l'ASL ne peut justifier la mise à la charge d'une personne publique d'obligations et de dépenses qui ne lui incombent pas.

14. Il résulte de ce qui précède que l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue le versement de la somme de 2 000 euros à la communauté d'agglomération Durance - Lubéron - Verdon Agglomération au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

16. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'ASL sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 6 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions de l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue contre les factures émises par la communauté d'agglomération.

Article 2 : Ces conclusions sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue est rejeté.

Article 4 : L'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue versera la somme de 2 000 euros à la communauté d'agglomération Durance - Lubéron - Verdon Agglomération en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASL du groupe d'habitations de Pierrelongue et à communauté d'agglomération Durance - Lubéron - Verdon Agglomération.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2023.

2

No 21MA02581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02581
Date de la décision : 05/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-03-04 Collectivités territoriales. - Commune. - Attributions. - Services communaux. - Eau.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD-ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-05;21ma02581 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award