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15/05/2023 | FRANCE | N°21MA03208

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 15 mai 2023, 21MA03208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner, à titre principal, la commune de Pierrevert, ou, à titre subsidiaire, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération, à les indemniser des préjudices résultant des inondations subies par leur propriété, soit 23 540 euros au titre du préjudice matériel, 17 950 euros au titre de la perte de la valeur vénale de leur bien, et 14 280 euros au titre du préjudice de jouissance et d'enjoindre à titre p

rincipal, à la commune de Pierrevert, ou, à titre subsidiaire, à la communauté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner, à titre principal, la commune de Pierrevert, ou, à titre subsidiaire, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération, à les indemniser des préjudices résultant des inondations subies par leur propriété, soit 23 540 euros au titre du préjudice matériel, 17 950 euros au titre de la perte de la valeur vénale de leur bien, et 14 280 euros au titre du préjudice de jouissance et d'enjoindre à titre principal, à la commune de Pierrevert, ou, à titre subsidiaire, à la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération de procéder à l'exécution des travaux préconisés par l'expert judiciaire.

Par un jugement n° 1810635 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a condamné, d'une part, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération à verser à Mme F... et à M. C... la somme de 2 795 euros, d'autre part, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération et la commune de Pierrevert à réaliser les travaux préconisés par le rapport d'expertise du 18 décembre 2016, dans les conditions définies aux points 20 à 22 du jugement, dans un délai de douze mois et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2021 et 23 août 2022, Mme B... F... ainsi que Mme D... C... et M. E... C..., en leur qualité d'héritiers de M. A... C... décédé le 6 décembre 2020, représentés par Me Gasior, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 en tant qu'il ne fait pas droit à l'ensemble de leurs conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner, à titre principal, la commune de Pierrevert, ou, à titre subsidiaire, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération, à les indemniser des préjudices résultant des inondations subies, soit 23 540 euros au titre du préjudice matériel, 17 950 euros au titre de la perte de la valeur vénale du bien, et 14 280 euros au titre du préjudice de jouissance ;

3°) d'enjoindre à titre principal, à la commune de Pierrevert, ou, à titre subsidiaire, à la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération de procéder à l'exécution des travaux préconisés par l'expert judiciaire ;

4°) de mettre à la charge de la partie perdante les entiers dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ainsi que l'a jugé le tribunal, les inondations répétées subies par la propriété située en bordure de l'avenue Frédéric Mistral à Pierrevert sont imputables à une insuffisance et une inadaptation du réseau de collecte d'eaux pluviales de la commune de Pierrevert ;

- la responsabilité sans faute de la commune de Pierrevert et de la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération est engagée du fait de ces dommages ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, aucune faute exonératoire de la responsabilité de l'administration ne peut être retenue ; la suppression du muret n'a pas concouru aux dommages, pas plus que l'implantation de la construction et l'absence de vide sanitaire ;

- ils ont subi des préjudices liés à la perte de la valeur vénale du bien, évaluée par l'expert à un montant de 17 950 euros, aux travaux engagés pour un montant de 23 540 euros, et à la diminution de l'usage du bien, pour un montant de 14 280 euros ;

- des travaux de redimensionnement des ouvrages hydrauliques et de captage des eaux de ruissellement doivent être réalisés par la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2021, la commune de Pierrevert, représentée par la SCP Lesage Berguet Gouard-Robert, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre et à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun lien de causalité direct et certain n'est établi entre les inondations et le système d'évacuation des eaux pluviales mis en cause ;

- seules la localisation de la parcelle et l'implantation de la construction sont à l'origine directe des dommages ;

- la suppression du muret en pierre qui longeait la propriété a également contribué aux dommages, à hauteur de plus de 10 % ;

- les préjudices subis ne présentent pas un caractère de gravité suffisant pour engager sa responsabilité ; le préjudice lié à la perte de valeur vénale n'est pas établi, les travaux permettant de remédier aux inondations ayant été entrepris ; les travaux engagés par la requérante auraient dû être prévus dès l'origine de la construction ; le préjudice de jouissance est surévalué.

Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 5 octobre 2022, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération, représentée par Me Clauzade, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 et d'ordonner le remboursement par les requérants du coût des travaux réalisés à la suite de l'injonction requise ainsi que le reversement de la somme de 3 595 euros ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge des requérants une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre les dommages subis et l'insuffisance et l'inadaptation alléguées du réseau d'évacuation des eaux pluviales n'est pas établi ; aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige les communes à mettre en place un réseau public de collecte des eaux pluviales ;

- les dommages ont pour origine la configuration des lieux et les choix d'implantation et de construction ;

- le rétablissement en 2015 d'une protection équivalente à celle du muret supprimé par les consorts C... - F... a mis fin aux désordres ;

- la suppression de ce muret, l'absence de gestion des eaux de surface sur la parcelle des consorts C... - F... antérieurement à 2016, l'absence de vide sanitaire sous le garage et les erreurs commises par les constructeurs dans l'implantation et la conception de la construction constituent des fautes exonératoires de responsabilité ;

- le préjudice de jouissance retenu par le tribunal n'est pas établi, aucune inondation n'étant survenue entre novembre 2011 et février 2014 ;

- en l'absence de persistance des dommages à la date du jugement attaqué, le tribunal ne pouvait enjoindre à la réalisation de travaux destinés à mettre fin à ces dommages ;

- les ayants-droits de M. C..., décédé le 10 décembre 2020, n'ont pas notifié leur intention de reprendre l'instance conformément aux dispositions de l'article R. 634-1 du code de justice administrative ; les conclusions d'appel présentées par Mme C... et M. C... sont irrecevables de ce fait ;

- Mme F..., qui n'a que la qualité d'usufruitière, ne peut revendiquer aucune indemnité au titre de la perte de valeur vénale du bien ni demander le remboursement des travaux réalisés qui ont été incorporés à l'immeuble.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Clauzade représentant la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération.

Une note en délibéré, présentée pour la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération, a été enregistrée le 14 avril 2023.

Une note en délibéré, présentée pour les consorts J..., a été enregistrée le 17 avril 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... F... et M. A... C... ont fait édifier en 2005 une maison d'habitation au 1 bis avenue Frédéric Mistral à Pierrevert. Leur propriété ayant fait l'objet de plusieurs inondations entre 2006 et 2015, ils ont demandé au juge des référés du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains que soit ordonnée une mesure d'expertise au contradictoire de la commune de Pierrevert, de l'assureur dommages-ouvrage, du concepteur du projet et du constructeur de leur maison. L'expert ainsi désigné par une ordonnance du 19 novembre 2015 du juge des référés du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a déposé son rapport définitif le 18 décembre 2016. A la suite du dépôt de ce rapport, Mme F... et M. C... ont sollicité, par courrier du 16 octobre 2018 adressé à la commune de Pierrevert, l'indemnisation de leurs préjudices. La commune de Pierrevert a rejeté leur demande indemnitaire par courrier du 22 octobre 2018. Mme F... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner, à titre principal, la commune de Pierrevert, ou, à titre subsidiaire, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération, à les indemniser des préjudices résultant des inondations subies par leur propriété, soit 23 540 euros au titre du préjudice matériel, 17 950 euros au titre de la perte de la valeur vénale de leur bien, et 14 280 euros au titre du préjudice de jouissance et d'enjoindre à titre principal, à la commune de Pierrevert, ou, à titre subsidiaire, à la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération de procéder à l'exécution des travaux préconisés par l'expert judiciaire. Par un jugement n° 1810635 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a condamné, d'une part, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération à verser à Mme F... et à M. C... la somme de 2 795 euros, d'autre part, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération et la commune de Pierrevert à réaliser les travaux préconisés par le rapport d'expertise du 18 décembre 2016, dans les conditions définies aux points 20 à 22 du jugement, dans un délai de douze mois et rejeté le surplus des conclusions des parties. Mme F... et les héritiers de feu M. C..., décédé en décembre 2020, relèvent appel de ce jugement en tant qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de leurs conclusions indemnitaires de première instance. La commune de Pierrevert conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre. Par la voie de l'appel incident, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération, demande à la Cour d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 et d'ordonner le remboursement par la requérante du coût des travaux réalisés à la suite de l'injonction requise ainsi que le reversement de la somme de 3 595 euros.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête en tant qu'elle émane de M. et Mme C... :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 724 du code civil : " Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ". Aux termes de l'article R. 634-1 du code de justice administrative : " Dans les affaires qui ne sont pas en état d'être jugées, la procédure est suspendue par la notification du décès de l'une des parties ou par le seul fait du décès, de la démission, de l'interdiction ou de la destitution de son avocat. Cette suspension dure jusqu'à la mise en demeure pour reprendre l'instance ou constituer avocat ". Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées du code civil que le droit à réparation d'un dommage est transmis aux héritiers. Il est constant que Mme D... C... et M. E... C... justifient de leur qualité d'héritiers de leur père, M. A... C..., décédé le 6 décembre 2020. Si le décès de M. A... C... n'a pas été notifié au tribunal administratif de Marseille, il ressort des pièces du dossier que l'affaire était, en tout état de cause, en état d'être jugée à la date de ce décès. La fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel en tant qu'il est présenté par Mme D... C... et M. E... C... doit, dès lors, être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, aux communes qui le créent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes (...) ". Aux termes de l'article L. 5216-5 du même code : " I.- La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : (...) 9° Assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l'article L. 2224-8 ; 10° Gestion des eaux pluviales urbaines, au sens de l'article L. 2226-1. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération est, depuis le 1er janvier 2020, de plein droit compétente notamment en matière de gestion des eaux pluviales, et substituée à la commune de Pierrevert dans les droits et obligations liés à cette compétence, y compris lorsque ces obligations trouvent leur origine dans un événement antérieur au transfert.

6. Il suit de là qu'à la date du transfert de la compétence " gestion des eaux pluviales ", tous les litiges trouvant leur origine dans la conception et l'entretien du réseau d'eaux pluviales mettent en cause la responsabilité de la communauté d'agglomération, alors même que les dommages allégués se sont produits, comme en l'espèce, antérieurement au transfert de compétences. La circonstance que la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération et la commune de Pierrevert ont, par délibérations respectives de leur assemblée délibérante du 19 novembre 2019 et du 9 décembre 2019, décidé que les contentieux nés antérieurement au transfert de compétence demeurent de la compétence de la commune, est ainsi sans incidence. Par conséquent, ainsi que l'a jugé le tribunal, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération est seule responsable des dommages occasionnés par l'existence ou le fonctionnement du réseau public d'évacuation des eaux pluviales de la commune de Pierrevert, alors même que tout ou partie du dommage allégué résultant de l'exercice de cette compétence aurait été occasionné antérieurement au transfert.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

7. Si, comme le fait valoir la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération, les dispositions des articles L. 2226-1 et R. 2226-1 du code général des collectivités territoriales qui instituent un service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines dans les zones identifiées par les documents d'urbanisme comme " urbanisées et à urbaniser " n'ont ni pour objet ni ne sauraient avoir pour effet d'imposer aux communes et aux communautés de communes compétentes la réalisation de réseaux d'évacuation pour absorber l'ensemble des eaux pluviales ruisselant sur leur territoire, toutefois, les conséquences dommageables des débordements des réseaux d'évacuation publics mal conçus, mal entretenus ou sous-dimensionnés engagent la responsabilité sans faute de la personne publique qui en a la garde.

8. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains, qui s'appuie notamment sur les études spécifiques menées par son sapiteur, bureau d'études techniques spécialisé dans les problématiques hydrauliques, que les inondations subies entre août 2006 et août 2015 par la propriété de M. C... et Mme F..., située à l'angle de l'avenue Frédéric Mistral et du chemin des Bauds à Pierrevert, ont pour cause première l'insuffisance et l'inadaptation du réseau public existant implanté " aussi bien sur l'avenue Frédéric Mistral que le long du chemin des Bauds ", dont le dimensionnement insuffisant ne permet pas de canaliser l'excès d'eaux pluviales en provenance de l'avenue Frédéric Mistral, lequel se déverse dans la propriété des requérants. Si la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération invoque les dispositions de l'article 640 du code civil instituant, au détriment des fonds inférieurs, une servitude d'écoulement des eaux, ce texte législatif n'est applicable que lorsque les eaux découlent naturellement des fonds supérieurs " sans que la main de l'homme y ait contribué ". Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal, les écoulements d'eaux pluviales en provenance de la voie publique sur la propriété de Mme F... et M. C... constituent un dommage grave et spécial dont les requérants sont fondés à demander la réparation.

En ce qui concerne les causes exonératoires de responsabilité :

9. Le maître d'ouvrage ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que les dommages causés aux tiers résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

10. Par des motifs appropriés, figurant au point 8 du jugement attaqué, qui ne sont pas sérieusement contestés et qu'il y a lieu d'adopter en appel, le tribunal a écarté les causes exonératoires de responsabilité invoquées par la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération tirées des choix d'implantation et de conception de la construction, de l'absence de gestion des eaux de surface sur la parcelle des consorts H... antérieurement à 2016 et de l'absence de vide sanitaire sous le garage.

11. Ainsi que l'a relevé le tribunal, il résulte toutefois des constatations du rapport de l'expert désigné que la suppression, imputable aux consorts F... et C..., du petit muret en pierre qui longeait leur propriété et permettait, même s'il n'avait " pas vocation à canaliser les eaux pluviales de l'avenue " Frédéric Mistral, de " mainten[ir] le flux d'eaux sur la route passant en amont ", a directement contribué à l'aggravation des dommages subis par les requérants. Il y a lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal, de retenir à cet égard une faute de Mme F... et M. C... de nature à exonérer partiellement de sa responsabilité la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération, à hauteur de 10 %.

En ce qui concerne les préjudices :

12. En premier lieu, si les requérants établissent avoir engagé des travaux de construction d'un mur de clôture, ces travaux, rendus nécessaires par la suppression fautive du muret mentionnée au point précédent, ne peuvent être regardés comme présentant un lien direct avec les désordres causés par l'insuffisance et l'inadaptation du réseau public d'évacuation d'eaux pluviales. Les travaux de pose d'un portail électrique qui n'existait pas auparavant ne présentent pas non plus de lien avec ces désordres. Enfin, s'agissant des travaux de réfection d'un chemin à la suite des inondations successives subies par la propriété des consorts H... dont le devis a été retenu par l'expert, les requérants n'établissent pas plus en appel qu'en première instance, en l'absence de la production de la facture correspondante, avoir exposé les frais dont ils demandent le remboursement. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal, les requérants ne sont pas fondés à demander l'indemnisation du préjudice résultant des travaux engagés dont ils demandent réparation.

13. En deuxième lieu, les requérants sollicitent la somme de 17 950 euros au titre de la perte de la valeur vénale de leur bien du fait des risques d'inondation. Toutefois, il est constant que les travaux que le tribunal a, par le jugement attaqué et à la demande des requérants, condamné la commune de Pierrevert et la communauté d'agglomération à réaliser correspondent à ceux préconisés par l'expert afin de prévenir ces risques d'inondation " facilement maîtrisables ". La perte de valeur vénale alléguée ne peut, dès lors, être regardée comme constituant un préjudice certain qui serait indemnisable.

14. En troisième lieu, le préjudice de jouissance lié aux inondations successives affectant leur propriété dont se prévalent les requérants ne peut être indemnisé que pour la période durant laquelle ces inondations ont effectivement porté atteinte à la jouissance de leur bien. Ainsi, seule la période allant d'avril 2014 à août 2015, pendant laquelle les requérants ont effectivement occupé leur bien alors qu'il a fait l'objet d'inondations successives en avril, juillet, octobre 2014 puis en août 2015 est susceptible de leur ouvrir droit à réparation à ce titre. Il est en outre constant que l'habitation de Mme F... et de M. C... n'a pas été inondée, seul le garage et le terrain subissant les conséquences des écoulements d'eaux pluviales en provenance de la voie publique. Si, comme le fait valoir la communauté d'agglomération, la méthode d'évaluation retenue par l'expert, basée sur la valeur locative du bien des requérants, n'est pas appropriée pour déterminer le montant du préjudice de jouissance subi, il sera fait une juste appréciation de ce dernier, eu égard à sa durée et à son étendue, en le fixant à la somme de 3 600 euros, compte-tenu du partage de responsabilité fixé au point 11.

15. Il résulte de ce qui précède, alors qu'il n'est pas établi que les requérants auraient été indemnisés à la suite d'une procédure diligentée devant le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains contre le constructeur de leur habitation, que la condamnation de la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération au profit des consorts C... et F... doit être portée à la somme de 3 600 euros.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Si les requérants présentent à nouveau en appel des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, à titre principal, à la commune de Pierrevert, ou, à titre subsidiaire, à la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération de procéder à l'exécution des travaux préconisés par l'expert judiciaire, il est constant que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à cette demande et condamné la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération et la commune de Pierrevert à réaliser les travaux recommandés par le rapport d'expertise du 18 décembre 2016, en tenant compte des stipulations de la convention conclue sur le fondement de l'article L. 5216-7-1 du code général des collectivités territoriales qui prévoient la répartition de leurs compétences respectives pour la gestion du réseau des eaux pluviales et les requérants n'établissent ni même n'allèguent que ces travaux n'auraient pas été exécutés. Par ailleurs, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération, compétente en matière de gestion des eaux pluviales urbaines de la commune de Pierrevert, ne saurait solliciter que soit mise à la charge des requérants une quelconque somme au titre des travaux effectués dans le cadre de la gestion de ce service public.

Sur les frais du litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mises à la charge des consorts C... et F... les sommes demandées par la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération et la commune de Pierrevert au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération la somme globale de 1 500 euros à verser à Mme F..., Mme C... et M. C... en application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération est condamnée à verser à Mme F..., Mme C... et M. C... est portée à 3 600 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 juillet 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération versera à Mme F..., Mme C... et M. C... la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F..., à Mme D... C..., à M. E... C..., à la commune de Pierrevert et à la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon-Agglomération.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2023, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2023.

21MA0320802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03208
Date de la décision : 15/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP TOMASI SANTINI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-15;21ma03208 ?
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