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05/05/2023 | FRANCE | N°22MA03109

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 05 mai 2023, 22MA03109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) AGPM GESTION a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision de la ministre du travail du 5 août 2019 refusant d'autoriser le licenciement de Mme B... A... ensemble la décision du 17 janvier 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de Toulon avait refusé d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1903644 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 17 janvier 2019 par laquelle l'inspecteur du t

ravail de Toulon avait refusé d'autoriser le licenciement de Mme B... A... et la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) AGPM GESTION a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision de la ministre du travail du 5 août 2019 refusant d'autoriser le licenciement de Mme B... A... ensemble la décision du 17 janvier 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de Toulon avait refusé d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1903644 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 17 janvier 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de Toulon avait refusé d'autoriser le licenciement de Mme B... A... et la décision de la ministre du travail du 5 août 2019 refusant d'autoriser ce licenciement.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 décembre 2022, le 29 mars 2023 et le 5 avril 2023, sous le n° 22MA03109, Mme B... A..., représentée par Me Bau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903644 du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de rejeter la demande du GIE AGPM GESTION ;

3°) de mettre à la charge du GIE AGPM GESTION et de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur par la notification d'un avertissement postérieurement aux faits invoqués ;

- les faits fautifs étaient prescrits ;

- les faits reprochés ne sont pas matériellement établis ;

- les motifs du licenciement sont imprécis ;

- la procédure d'enquête n'a pas été respectée ;

- il existe un lien entre la demande de licenciement et les mandats ;

- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire enregistré le 9 mars 2023, le GIE AGPM GESTION, représenté par Me Lopasso, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme A... une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire, présenté pour le GIE AGPM GESTION, et enregistré le 12 avril 2023, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 29 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2023.

Un mémoire, présenté par le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion a été enregistré le 20 avril 2023 postérieurement à la clôture d'instruction et non communiqué.

II. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2022 sous le n° 22MA03110, Mme A... demande à la Cour qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1903644 du 1er décembre 2022.

Elle soutient que :

- les conséquences du jugement sont difficilement réparables ;

- les faits fautifs étaient prescrits ;

- les faits reprochés ne sont pas matériellement établis ;

- les motifs de licenciement sont imprécis ;

- la procédure d'enquête n'a pas été respectée ;

- il existe un lien entre la demande de licenciement et les mandats ;

- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire enregistré le 9 mars 2023, le groupement d'intérêt économique (GIE) AGPM GESTION conclut, à titre principal au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme A... une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'urgence n'est pas présumée et, en l'espèce, n'est pas démontrée ;

- aucun des moyens invoqués n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué.

Par un mémoire enregistré le 7 mars 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion demande à la Cour qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Toulon.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations du public avec l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Prieto,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Bau, représentant Mme A..., et de Me Guidicelli, substituant Me Lopasso, représentant le GIE AGPM GESTION.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a été recrutée par le GIE AGPM GESTION le 23 février 2009, sous contrat à durée déterminée à temps plein, en qualité de télévendeur degré 1 au sein du GIE AGPM GESTION au siège de cet organisme à Toulon, avant d'être recrutée sur un contrat à durée indéterminée dans les mêmes fonctions et sous l'autorité de la direction commerciale par un contrat du 22 février 2010. Elle a exercé les fonctions de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) désignée à compter du 19 mai 2017, de représentante syndicale désignée au sein du comité d'entreprise à compter du 17 avril 2018 et a été candidate aux élections du comité social et économique organisées le 13 novembre 2018. Le représentant du GIE AGPM Gestion a sollicité auprès de l'inspecteur du travail territorialement compétent, par un courrier du 19 novembre 2018, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire Mme A.... A l'issue de l'enquête contradictoire, l'inspecteur du travail de Toulon a refusé cette autorisation de licenciement par une décision du 17 janvier 2019 au motif de la prescription de certains des griefs invoqués à l'appui de cette demande et de l'insuffisante gravité des comportements fautifs établis. Le recours hiérarchique formé auprès de la ministre du travail le 15 mars 2019 par le GIE AGPM GESTION contre la décision de l'inspecteur du travail a été implicitement rejeté par la ministre du travail le 19 juillet 2019 puis, explicitement, le 5 août 2019.

2. Mme A... relève appel du jugement n° 1903644 du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 17 janvier 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de Toulon avait refusé d'autoriser le licenciement de Mme B... A... ainsi que la décision de la ministre du travail du 5 août 2019 refusant d'autoriser ce licenciement. Elle demande en outre, ainsi que le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, le sursis à exécution.

3. Les deux requêtes de Mme A... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer sur celles-ci par le présent arrêt.

Sur la régularité du jugement :

4. Si Mme A... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu à son argumentation relative à l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur par la notification d'un avertissement postérieurement aux faits invoqués au soutien de la demande d'autorisation de licenciement, il ressort toutefois de la lecture du point 4 du jugement attaqué que lesdits faits, qui étaient en tout état de cause prescrits, n'ont pas été pris en compte par les premiers juges pour annuler la décision attaquée de refus d'autoriser le licenciement de Mme A.... Par suite, le jugement attaqué est régulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail que, lorsqu'un doute subsiste au terme de l'instruction diligentée par le juge sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur contre le salarié, ce doute profite au salarié.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ". Aucune procédure de licenciement ne peut être fondée sur l'engagement de poursuites disciplinaires pour des faits prescrits en application de cette disposition, sauf s'ils relèvent d'un comportement fautif identique aux faits non prescrits donnant lieu à l'engagement de ces poursuites.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le GIE AGPM GESTION a invoqué des incidents qui se sont déroulés à compter de l'été 2017 auprès de l'autorité administrative, notamment un " non-respect des consignes et du principe hiérarchique " et de " discrédit apporté à l'autorité et à la gestion de son manager en présence du personnel ". Ces comportements, qui n'ont pas fait l'objet de signalements formels au cours de la période de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement pour faute, étaient par suite prescrits à la date du 15 octobre 2018 et ne pouvaient donc fonder la demande d'autorisation de licenciement relative à cette salariée protégée.

8. En revanche, le grief tiré du " non-respect de l'obligation générale de santé au travail " à l'égard " de ses collègues et de son manager ", la réalité des agissements déstabilisants de Mme A... à l'égard de ses collègues et ses manœuvres de déstabilisation de sa supérieure hiérarchique directe sont établis par les résultats de l'enquête paritaire du CHSCT et des déclarations du médecin du travail et de la secrétaire du CHSCT lors de la réunion extraordinaire du 8 novembre 2018, dont l'administration a pris connaissance. Ces comportements s'inscrivent dans un temps long et continu et ont fait peser sur les collègues en contact avec Mme A... des risques psychosociaux significatifs. Ils constituent une continuité comportementale, avant et après la date du 15 août 2018. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail de Toulon et la ministre ne pouvaient, dès lors, écarter ces éléments comme prescrits sans méconnaitre la portée des dispositions précitées de l'article de L. 1332-4 du code du travail.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ".

10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents dont il est fait mention au point 7, que les comportements de déstabilisation de Mme A... envers sa supérieure et les collègues de son service sont établis et sont à l'origine d'une situation de grande souffrance au travail des personnels en contact direct avec l'appelante. Cette dernière ne produit, quant à elle, aucun élément de nature à remettre en cause les constats effectués. Dans ces conditions, les fautes de Mme A... non atteintes par la prescription présentaient un caractère de gravité suffisante pour justifier que celle-ci soit licenciée pour faute et le GIE était, par suite, fondé à demander l'autorisation de licencier Mme A.... Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés du caractère non établi de la matérialité des faits reprochés et de leur absence de gravité doivent être écartés. Il en va de même pour le moyen tiré du non-respect de la procédure d'enquête, les dispositions précitées de l'article L. 4121-1 du code du travail laissant à l'employeur le choix des moyens pour parvenir à l'objectif fixé de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs placés sous sa responsabilité.

11. En troisième lieu, le licenciement d'un salarié protégé ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. En l'espèce, si Mme A... invoque l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et ses mandats, il ressort toutefois des pièces du dossier que les griefs reprochés sont fondés sur des actions personnelles de la salariée et que son employeur n'a pas reproché à l'appelante des absences liées à l'exercice de ses mandats, mais de la manière confuse dont Mme A... tenait informée sa supérieure hiérarchique de ses heures de délégation. En revanche, les mandats détenus ne l'autorisaient pas à ternir le rôle des salariés protégés, en se prévalant de sa qualité de salariée protégée pour affirmer qu'elle lui permettait d'agir selon son bon vouloir, ainsi que le rapportent trois attestations de ses anciennes collègues. Dans ces conditions, l'existence d'un lien entre la décision autorisant le licenciement de Mme A... et l'exercice de ses mandats n'est pas établi.

12. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 17 janvier 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de Toulon avait refusé d'autoriser le licenciement de Mme B... A... et la décision de la ministre du travail du 5 août 2019 refusant d'autoriser ce licenciement.

Sur la demande de sursis à statuer n° 22MA03110 :

14. Par le présent arrêt, la Cour statue au fond sur la requête de Mme A... dirigée contre le jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Toulon. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont, en tout état de cause, sans objet.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du GIE AGPM GESTION, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de ces mêmes dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le GIE AGPM GESTION et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête enregistrée sous le n° 22MA03110.

Article 2 : La requête n° 22MA03109 de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Mme A... versera au GIE AGPM GESTION une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au GIE AGPM Gestion et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée à la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités du Var.

Délibéré après l'audience du 21 avril 2023, où siégeaient :

- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2023.

N° 22MA03109, 22MA03110 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03109
Date de la décision : 05/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-10 Travail et emploi. - Politiques de l'emploi.


Composition du Tribunal
Président : Mme CIREFICE
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : HÉLÈNE BAU AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-05;22ma03109 ?
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