Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet des Bouches-du-Rhône a déféré au tribunal administratif de Marseille comme prévenu d'une contravention de grande voirie M. H... G..., et a demandé au tribunal d'ordonner l'évacuation de son navire et la libération du domaine public portuaire, à défaut et en raison de son état d'épave, son enlèvement d'office et sa déconstruction aux frais du contrevenant.
Par un jugement n° 2000855 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a condamné M. G... à payer à l'Etat une amende de 500 euros, l'a condamné à libérer le domaine public maritime sans délai et à rembourser les frais occasionnés par les opérations d'évacuation et de déconstruction du bateau " Fleur de cactus " pour un montant de 23 674,31 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 juin 2021, 2 juin et 12 juillet 2022, M. H... G..., représenté par Me Henry, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 avril 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de le relaxer et de rejeter l'action domaniale introduite à son encontre ;
3°) de mettre à la charge exclusive de M. B... I... les frais réclamés ;
4°) à titre subsidiaire, de moduler le montant de la contravention de grande voirie et de le ramener à de plus justes proportions ;
5°) de partager à juste proportion les responsabilités au titre de l'action domaniale entre M. G... et M. I... ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont jugé ultra petita, le navire étant détruit au moment des faits ;
- l'auteur du procès-verbal de contravention, M. E... surveillant du port mais agissant sur papier à en-tête de la Métropole Aix-Marseille-Provence (MAMP) est territorialement incompétent, compte tenu du fait que le lieu d'amarrage, le J4 au pied du MUCEM, relève de la gestion du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) et non de la MAMP ;
- le recours n'a pas été déféré par la bonne autorité et la délégation du signataire du déféré doit être justifiée ;
- l'administration n'a pas respecté la procédure de mise en demeure prévue par les articles L. 5141 et R. 5141 et suivants du code des transports ;
- le gestionnaire du port ne pouvait ignorer la vente du 21 septembre 2019 ; l'acte de vente est valable car non déclaré nul par le juge judiciaire ;
- le remboursement des frais doit être demandé à l'acheteur M. I... et leur montant doit être justifié au regard des tarifs figurant dans les conditions générales du port.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 juin et 16 août 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. G... n'est fondé.
Les mémoires enregistrés les 30 et 31 août 2022 et le 30 mars 2023, présentés pour M. H... G... par Me Henry, n'ont pas été communiqués.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par lettre du 4 avril 2023, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à demander le versement d'une redevance d'occupation du domaine public dans le cadre d'une procédure de contravention de grande voirie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 774-1.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Tierny, substituant Me Henry, représentant M. G....
Considérant ce qui suit :
1. Sur demande de la Métropole Aix-Marseille-Provence (MAMP) faite par courrier du directeur général des services du 24 décembre 2020 produit au dossier, le préfet des Bouches-du-Rhône a déféré au tribunal administratif de Marseille deux procès-verbaux de contravention de grande voirie dressés les 26 novembre 2019 et 12 juin 2020 à l'encontre de M. H... G..., pour une occupation sans droit ni titre du domaine public portuaire du Vieux-Port de Marseille par un bateau dénommé " Fleur de cactus " d'une longueur de 10,60 mètres. M. G... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à payer à l'Etat une amende de 500 euros, l'a condamné à libérer le domaine public maritime sans délai et à rembourser à l'Etat " les frais occasionnés par les opérations d'évacuation et de déconstruction " de ce bateau, pour un montant de 23 674,31 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en première instance, M. G... avait contesté, d'une part, la compétence territoriale de l'auteur du procès-verbal de contravention de grande voirie et, d'autre part, la compétence de la secrétaire générale de la préfecture pour déférer une contravention de grande voirie au tribunal administratif au nom du préfet. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Marseille a expressément répondu à ces deux moyens aux points 3 et 4 dudit jugement. Dès lors M. G... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé.
3. En second lieu, si M. G... soutient que les premiers juges ont statué ultra petita en lui ordonnant de libérer le domaine public maritime alors que le bateau " Fleur de cactus " était déjà détruit, le juge de la contravention de grande voirie, dès qu'il est saisi par une autorité compétente, doit se prononcer tant sur l'action publique que sur l'action domaniale. En l'espèce, les premiers juges se sont bornés à faire droit aux conclusions présentées par le préfet des Bouches-du-Rhône tendant à ce qu'il soit mis fin à l'occupation sans droit ni titre du domaine public maritime, la destruction du navire ayant été opérée. Par suite, M. G... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient statué ultra petita.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
4. En premier lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 5337-2 du code des transports : " Ont compétence pour constater les contraventions de grande voirie prévues par les dispositions du présent titre et les textes pris pour leur application : 1° les officiers de port et officiers de port adjoints ; 2° Les surveillants de port mentionnés à l'article L. 5331-13 ; (...) ; 6° Les agents des collectivités territoriales et de leurs groupements assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance ; (...). ".
5. D'autre part, contrairement à ce que soutient le requérant, il résulte des termes de l'arrêté du 13 février 2012 du président de la Métropole Aix-Marseille-Provence que les " darses du J4 " où le bateau " Fleur de cactus " était, en dernier lieu, stationné, appartiennent au périmètre du Vieux-Port de Marseille géré, à l'instar des autres ports de plaisance de son ressort territorial, par la Métropole Aix-Marseille-Provence.
6. Les procès-verbaux de constat d'infraction de grande voirie datés des 26 novembre 2019 et 12 juin 2020 ont été établis respectivement par M. C... F..., agréé en qualité de surveillant de port de plaisance titulaire, et par M. A... E..., également surveillant de port, chef du service capitainerie des ports des plaisance du conseil de territoire Marseille Provence et ayant la qualité de référent du Vieux-Port de Marseille, qui ont prêté serment devant le tribunal de grande instance de Marseille le 5 décembre 2016 pour le premier et le 12 juin 2013 pour le second. Dans ces conditions, M. F... et M. E... étaient compétents pour établir les procès-verbaux de contravention de grande voirie à l'origine des poursuites à l'encontre de M. G....
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5337-3-1 du code des transports : " Dans les ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements mentionnés au 3° de l'article L. 5331-5, dans le cas où une contravention de grande voirie a été constatée, le président de l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement saisit le tribunal administratif territorialement compétent, dans les conditions et suivant les procédures prévues au chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative, sans préjudice des compétences dont dispose le préfet en la matière ". Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Pour les contraventions de grande voirie mentionnées au chapitre VII du titre III du livre III de la cinquième partie (du) code (des transports), les autorités mentionnées aux articles L. 5337-3-1 et L. 5337-3-2 du même code sont compétentes concurremment avec le représentant de l'Etat dans le département ".
8. Mme Trignat, secrétaire générale de la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui disposait, en vertu de l'arrêté préfectoral du 6 août 2019, publié le lendemain au recueil des actes administratifs (RAA), d'une délégation de signature à cet effet, était donc compétente pour saisir, au nom du préfet, le juge administratif de poursuites pour contravention de grande voirie, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 774-2 du code de justice administrative.
En ce qui concerne l'infraction :
9. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ". La personne susceptible d'être poursuivie est soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention.
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 5337-1 du code des transports, relatif à la police des ports maritimes : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, tout manquement aux dispositions du chapitre V du présent titre, à celles du présent chapitre et aux dispositions réglementant l'utilisation du domaine public, notamment celles relatives aux occupations sans titre, constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les conditions prévues par les dispositions du présent chapitre. ". Aux termes de l'article R. 5337-1 du même code : " Constitue une contravention de grande voirie la violation des interdictions ou le manquement aux obligations prévues par le règlement général de police défini au chapitre III et par les règlements locaux le complétant. Sauf disposition législative contraire, ces contraventions sont punies de l'amende prévue par le premier alinéa de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques. ".
11. En l'espèce, les infractions suivantes ont été relevées concernant le bateau " Fleur de cactus " : stationnement sans titre du navire, situation d'abandon et état d'épave du navire en cause jusqu'à son naufrage, lequel a occasionné une pollution des eaux, et à son enlèvement pour pallier la carence de son propriétaire, défaut d'assurance, installations électriques défectueuses. Ces faits constituent des infractions aux dispositions du code des transports ainsi qu'au règlement particulier de police des ports de plaisance de la Métropole Aix-Marseille-Provence.
12. M. G... fait valoir qu'à la date du premier procès-verbal de constat, soit le 26 novembre 2019, il avait vendu le bateau " Fleur de cactus " par acte du 21 septembre 2019 et qu'il en avait dûment informé tant la capitainerie du Vieux-Port de Marseille par courriel du 7 novembre 2019 que la direction des affaires maritimes de Marennes Oléron où était immatriculé le navire par un courrier réceptionné le 18 novembre 2019. Toutefois, et sans même qu'il soit besoin de se prononcer sur la validité de cette vente réalisée pour un euro symbolique et l'éventuel non-respect des prescriptions fixées par l'article 231 du code des douanes, il résulte de l'instruction que M. G... a ainsi vendu, en toute connaissance de cause, un navire à l'état d'épave stationné sans droit ni titre sur le plan d'eau du Vieux-Port depuis plusieurs mois, alors qu'il avait, une nouvelle fois, été informé le 11 septembre 2019 de la nécessité de quitter les lieux et mis en demeure, à cet effet, par courriel du 21 septembre 2019, soit le jour même de l'acte de vente. Dans les circonstances particulières de l'espèce, la vente alléguée par M. G... ne saurait donc l'exonérer même partiellement de la responsabilité qui est la sienne dans la commission de l'infraction, y compris s'agissant des conséquences dommageables du naufrage du navire finalement intervenu le 7 juin 2020, lequel est la conséquence directe de son état, à la date de la vente.
Sur le montant de l'amende :
13. Aux termes de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal. ", soit 1 500 euros.
14. Le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fixé le montant de l'amende dont il est redevable à la somme de 500 euros.
Sur l'action domaniale :
15. L'action domaniale vise à la remise du domaine public dans un état conforme à son affectation. L'auteur d'une contravention de grande voirie doit ainsi être condamné à rembourser au gestionnaire du domaine public le montant des frais exposés ou à exposer par celui-ci pour les besoins de la remise en état du domaine. Il n'est fondé à demander la réduction des frais mis à sa charge que dans le cas où le montant des dépenses engagées en vue de réparer les conséquences de la contravention présente un caractère anormal.
16. En premier lieu, le requérant ne peut, en tout état de cause, utilement faire valoir qu'il n'aurait pas été mis en demeure de prendre les mesures nécessaires avant que les autorités du port ne procèdent d'office aux opérations d'enlèvement et de destruction du bateau " Fleur de cactus ", dans les conditions prévues par les articles L. 5141-2-1 et R. 5141-3 du code des transports, ces dispositions n'étant pas applicables à la procédure de contravention de grande voirie.
17. En deuxième lieu, les frais relatifs à ces opérations sont justifiés par une facture datée du 9 juillet 2020 de la Métropole Aix-Marseille-Provence et dont le montant de 18 601,30 euros n'apparait pas anormalement élevé.
18. En revanche, le préfet des Bouches-du-Rhône ne peut, dans le cadre de cette procédure, demander la condamnation du contrevenant au versement des redevances d'occupation du domaine public dues pour la période du 21 septembre 2019 au 12 juin 2020, pour un montant total de 5 073,01 euros.
19. Il résulte de ce qui précède que M. G... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à payer à l'Etat une somme supérieure à 18 601,30 euros.
Sur les frais liés au litige :
20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. G... tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 23 674,01 euros que M. G... a été condamné à verser à l'Etat par le jugement du 9 avril 2021 est ramenée à 18 601,30 euros.
Article 2 : Le jugement n° 2000855 du 9 avril 2021 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... G..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à M. B... I....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et à la Métropole Aix-Marseille-Provence.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023.
N° 21MA02469 2
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