Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 février 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2301303 du 13 février 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2023, M. B..., représenté par Me Btihadi, demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 13 février 2023 ;
2°) d'" ordonner le sursis à exécution de l'arrêté du 7 février 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans " ;
3°) d'" enjoindre à M. le préfet des Bouches-du-Rhône de solliciter la remise en liberté immédiate de M. B..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard ".
M. B... soutient que :
- l'exécution de l'arrêté risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6, alinéa 5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 § 1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant sont sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de cette requête.
Il soutient que les moyens présentés par M. B... sont infondés.
Par lettre du 30 mars 2023, les parties ont été informées que la décision à intervenir était susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin de suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral attaqué, dès lors que les dispositions des articles L. 614-8, L. 614-9 et L. 722-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisent une procédure spéciale, suspensive de l'exécution d'office de l'éloignement, qui exclut l'application des procédures de référé instituées par le livre V du code de justice administrative (CE, 10.06.2014, n° 381573).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant, sur sa proposition, dispensé le rapporteur public de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 27 août 1987, est entré en France le 22 octobre 2013. Le 7 février 2023, il a été interpellé. Par arrêté du même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour pendant une durée de deux ans. Par un jugement du 13 février 2023, dont M. B... a relevé appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande. M. B... demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur son appel, et lui demande en outre de suspendre l'exécution de l'arrêté du 7 février 2023.
Sur les conclusions à fin de suspension de l'arrêté préfectoral :
2. Aux termes de l'article L. 614-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français est notifiée avec une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 ou une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 741-1, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de ces mesures ". Aux termes de l'article L. 614-9 du même code : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction (...) statue au plus tard quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 722-7 du même code : " L'éloignement effectif de l'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir avant l'expiration du délai ouvert pour contester, devant le tribunal administratif, cette décision et la décision fixant le pays de renvoi qui l'accompagne, ni avant que ce même tribunal n'ait statué sur ces décisions s'il a été saisi. / (...) Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des possibilités d'assignation à résidence et de placement en rétention prévues au présent livre ".
3. Il ressort des dispositions citées au point précédent que le législateur a entendu organiser une procédure spéciale afin que le juge administratif statue rapidement sur la légalité d'une décision d'obligation de quitter le territoire français, lorsque l'intéressé est placé en rétention ou assigné à résidence. Cette procédure particulière, qui est suspensive de l'exécution d'office de l'éloignement de l'étranger, est exclusive de celles prévues par le livre V du code de justice administrative, y compris lorsque l'étranger fait appel d'un jugement qui, dans le cadre de cette procédure, a rejeté sa demande. Il en résulte qu'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français n'est pas justiciable des procédures de référé instituées par le livre V du code de justice administrative, le jugement ayant rejeté une demande dirigée contre un tel arrêté étant seulement susceptible de faire l'objet d'une décision de sursis à exécution dans les conditions énoncées par les articles R. 811-14 et R. 811-17 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
4. Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " (...) le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ".
5. L'exécution de l'arrêté attaqué, qui implique une séparation durable de M. B... d'avec son enfant, risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour ces deux personnes.
6. En l'état de l'instruction, les moyens critiquant la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'apparaissent pas sérieux. En revanche, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour, pendant une durée de deux ans, porterait une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, apparaît sérieux.
7. Il y a donc lieu pour la Cour de décider le sursis à exécution du jugement en tant seulement que celui-ci rejette la demande tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.
D É C I D E :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond sur l'appel de M. B... contre le jugement n° 2301303 du 13 février 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille, il est sursis à l'exécution de ce jugement en tant que celui-ci rejette la demande dirigée contre la décision du 7 février 2023 faisant interdiction de retour à M. B... pendant une durée de deux ans.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2023, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 avril 2023.
N° 23MA00667 2