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12/04/2023 | FRANCE | N°21MA04301

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 12 avril 2023, 21MA04301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Mas-Cosy a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 3 août 2020 par laquelle le maire d'Èze a exercé le droit de préemption de la commune sur une parcelle de terrain cadastrée section AP n°163, située 626 route de la Turbie à Èze, pour une superficie totale de 548 m².

Par un jugement n° 2003439 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande et annulé la décision du maire d'Èze du 3 août 202

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 novembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Mas-Cosy a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 3 août 2020 par laquelle le maire d'Èze a exercé le droit de préemption de la commune sur une parcelle de terrain cadastrée section AP n°163, située 626 route de la Turbie à Èze, pour une superficie totale de 548 m².

Par un jugement n° 2003439 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande et annulé la décision du maire d'Èze du 3 août 2020.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 novembre 2021 et 17 janvier 2022, la commune d'Èze, représentée par la SELARL Vincent-Hauret-Medina, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 octobre 2021 ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Mas-Cozy une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le président de la métropole Nice-Côte d'Azur était compétent pour déléguer à la commune d'Èze le droit de préemption urbain exercé par la décision contestée, en vertu d'une délibération du 10 juillet 2020 du conseil métropolitain, régulièrement publiée et transmise au contrôle de légalité le même jour ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal, les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision contestée ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2022, la SCI Mas-Cosy, représentée par la SELARL Hélians, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune d'Èze une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire d'Èze n'était pas compétent pour prendre la décision contestée, en l'absence de délégation régulière de signature ; l'arrêté du 3 août 2020 par lequel le président de la métropole Nice-Côte d'Azur aurait délégué le droit de préemption urbain à la commune d'Èze, qui n'est pas produit par la commune, n'a pas été notifié aux personnes concernées ;

- la décision de préemption contestée méconnaît l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, dès lors que la commune d'Èze n'a pas notifié cette décision aux venderesses du bien préempté ;

- la décision de préemption de la seule parcelle cadastrée AP n°163 constitue une décision de préemption partielle illégale, dès lors que l'annexe de la déclaration d'intention d'aliéner précisait que la vente portait sur deux biens d'une même unité foncière, située dans son intégralité au sein de la zone de préemption urbaine de la commune ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, lesquelles ne prévoient pas l'exercice du droit de préemption urbain dans le but de constituer une réserve foncière ;

- elle est insuffisamment motivée ; la commune d'Èze ne justifie pas, à la date de la décision attaquée, de la réalité et de l'antériorité du projet ayant conduit à la décision de préemption.

La requête a été communiquée à Mmes C... B... veuve D... et Marie D... qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;

- les observations de Me Poggio représentant la commune d'Èze et celle de Me Vidalie représentant la SCI Mas-Cosy.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 juin 2020, la commune d'Èze a enregistré la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) de la parcelle cadastrée section AP 163 située sis 626 route de la Turbie à Èze, appartenant à Mme C... B... veuve D... et Mme A... D..., au profit de la SCI Mas-Cosy, au prix de 30 000 euros. Par un arrêté du 3 août 2020, le maire d'Èze a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur cette parcelle au prix fixé dans la déclaration d'intention d'aliéner. La commune d'Èze relève appel du jugement du 14 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de la SCI Mas-Cosy, l'arrêté du 3 août 2020.

Sur le bien -fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions de première instance :

2. Par des motifs appropriés qui ne sont pas contestés et qu'il y a lieu d'adopter en appel, le tribunal a écarté aux points 2 à 4 du jugement attaqué, les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Èze à la demande présentée par la SCI Mas-Cosy.

En ce qui concerne le moyen d'incompétence retenu par le tribunal

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme : " (...) lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale est compétent, de par la loi ou ses statuts, pour l'élaboration des documents d'urbanisme et la réalisation de zones d'aménagement concerté, cet établissement est compétent de plein droit en matière de droit de préemption urbain. " Aux termes des dispositions de l'article L. 213-3 du même code : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation (...). Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-3 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du chapitre premier du titre III du livre premier de la deuxième partie relatives au contrôle de légalité et au caractère exécutoire des actes des communes sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du même code : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement ".

4. Par une délibération du 23 mai 2020, le conseil municipal d'Èze a délégué au maire la faculté d'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire. Par une délibération du 10 juillet 2020, le conseil métropolitain de Nice Côte d'Azur a délégué à son président la faculté d'exercer au nom de la métropole, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme. Par une décision du 3 août 2020, le président de la métropole Nice-Côte d'Azur a délégué l'exercice du droit de préemption urbain à la commune d'Èze concernant la déclaration d'intention d'aliéner du 5 juin 2020 sur la parcelle cadastrée section AP 163 située 626 route de la Turbie. Par un arrêté du 3 août 2020, le maire d'Èze a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur cette parcelle.

5. Pour annuler l'arrêté du maire d'Èze du 3 août 2020, le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur la circonstance que la délibération du 10 juillet 2020 n'avait pas été transmise à la préfecture et n'avait pas été affichée au siège de la métropole de Nice-Côte d'Azur. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la délibération litigieuse a été transmise au représentant de l'Etat le 15 juillet 2020 et qu'elle a fait l'objet d'un affichage régulier à compter du 17 juillet 2020.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a retenu le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, faute de justifier du caractère exécutoire de la délibération du 10 juillet 2020.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Mas-Cozy tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

8. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée (...) ". Aux termes de l'article L. 213-2-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement le justifie, le titulaire du droit de préemption peut décider d'exercer son droit pour acquérir la fraction d'une unité foncière comprise à l'intérieur d'une partie de commune soumis à un des droits de préemption institué en application du présent titre. / Dans ce cas, le propriétaire peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l'ensemble de l'unité foncière ". Aux termes de l'article de L. 211-4 du même code : " Ce droit de préemption n'est pas applicable : / a) A l'aliénation d'un ou plusieurs lots constitués soit par un seul local à usage d'habitation, à usage professionnel ou à usage professionnel et d'habitation, soit par un tel local et ses locaux accessoires, soit par un ou plusieurs locaux accessoires d'un tel local, compris dans un bâtiment effectivement soumis, à la date du projet d'aliénation, au régime de la copropriété, soit à la suite du partage total ou partiel d'une société d'attribution, soit depuis dix années au moins dans les cas où la mise en copropriété ne résulte pas d'un tel partage, la date de publication du règlement de copropriété au fichier immobilier constituant le point de départ de ce délai ; (...) / Toutefois, par délibération motivée, la commune peut décider d'appliquer ce droit de préemption aux aliénations et cessions mentionnées au présent article sur la totalité ou certaines parties du territoire soumis à ce droit. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... et Mme D..., propriétaire l'une en usufruit, l'autre en nue-propriété des lots de copropriété n° 2, 6 et 8 de la maison d'habitation située sur la parcelle AP n°391 au lieu-dit 626 route de la Turbie et du terrain non bâti situé sur la parcelle cadastrée AP n°163 au lieu-dit Serre de la Croux, contiguë à la première parcelle, ont conclu un unique compromis de vente portant sur ces deux biens immobiliers le 13 mars 2020 avec la SCI Mas-Cozy. Si le formulaire CERFA de la déclaration d'intention d'aliéner déposée en mairie d'Èze le 5 juin 2020 par le notaire mandataire des venderesses ne mentionnait que la parcelle cadastrée AP n°163, l'annexe à laquelle renvoyait ce formulaire mentionnait expressément que la vente de ce bien était indivisible de la vente des lots de copropriété n° 2, 6 et 8 de la maison d'habitation située sur la parcelle contiguë cadastrée AP n°391. Dans ces conditions, la déclaration d'intention d'aliéner doit être regardée comme portant sur l'ensemble de l'unité foncière constituée par les lots de copropriété n° 2, 6 et 8 de la maison d'habitation située sur la parcelle cadastrée AP n°391 et du terrain non bâti situé sur la parcelle cadastrée AP n°163.

10. Il est constant que les parcelles cadastrées AP n° 391 et AP n°163 sont toutes deux situées en zone Ugb3 du plan local d'urbanisme de la commune d'Èze soumise au droit de préemption urbain par la délibération n° 18.15 du 21 juin 2013 du conseil métropolitain Nice-Côte d'Azur. Dès lors, la commune ne saurait utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 213-2-1 du code de l'urbanisme qui n'autorisent l'exercice du droit de préemption sur une fraction seulement d'une unité foncière que dans le cas où les autres éléments de l'unité foncière sont situés dans une zone où le droit de préemption ne peut pas s'exercer.

11. Dans ces conditions, l'arrêté du 3 août 2020 par lequel le maire d'Èze a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur la seule parcelle cadastrée AP n°163, qui ne porte que sur une fraction de l'unité foncière mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner, est illégal pour ce motif, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que par une délibération du 24 septembre 2020, la commune ait décidé d'acquérir les lots 2, 6 et 8 de la maison en copropriété édifiée sur la parcelle cadastrée AP n°391.

12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen soulevé par la SCI Mas-Cosy n'est, en l'état du dossier, susceptible d'entrainer l'annulation de la décision contestée.

13. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Èze n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 3 août 2020.

Sur les frais de l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Mas-Cosy la somme demandée par la commune d'Èze au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Èze la somme de 2 000 euros à verser à la SCI Mas-Cosy en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Èze est rejetée.

Article 2 : La commune d'Èze versera à la SCI Mas-Cosy la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Mas-Cosy et à la commune d'Èze.

Copie en sera adressée à Mme C... B... veuve D... et à Mme A... D....

Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.

N° 21MA04301 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 21MA04301
Date de la décision : 12/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL VINCENT-HAURET-MEDINA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-12;21ma04301 ?
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