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12/04/2023 | FRANCE | N°21MA01659

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 12 avril 2023, 21MA01659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser une indemnisation au titre des préjudices subis du fait, d'une part, de l'expulsion par les forces de l'ordre du centre d'hébergement dans lequel il était accueilli, le 17 juillet 2020, et, d'autre part, de l'absence de prise en charge du coût de traduction de sa requête introductive d'instance.

Par une ordonnance n° 2100249 du 20 avril 2021, la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa requêt

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Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser une indemnisation au titre des préjudices subis du fait, d'une part, de l'expulsion par les forces de l'ordre du centre d'hébergement dans lequel il était accueilli, le 17 juillet 2020, et, d'autre part, de l'absence de prise en charge du coût de traduction de sa requête introductive d'instance.

Par une ordonnance n° 2100249 du 20 avril 2021, la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et des pièces enregistrés les 1er mai 2021, 23 septembre 2022 et 28 novembre 2022, M. B... C..., représenté par Me Duval-Zouari, doit être regardé comme demandant à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2100249 rendue le 20 avril 2021 par la présidente du tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 225 000 euros en réparation du préjudice moral causé par son expulsion, le 17 juillet 2020, du centre d'hébergement d'urgence dans lequel il logeait et, d'autre part, une somme au titre des frais de traduction exposés en première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros qui sera versée à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ses conclusions indemnitaires afférentes à l'indemnisation du préjudice moral subi du fait de son expulsion par les forces de police du centre d'hébergement étaient recevables dès lors qu'il avait adressé, le 20 janvier 2021, une demande indemnitaire préalable au ministre de l'intérieur et qu'il a, en tout état de cause, adressé une nouvelle demande le 18 septembre 2022 ;

- il avait droit, en première instance, à bénéficier d'un interprète en application des dispositions de l'article R. 776-23 du code de justice administrative et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son droit à un procès équitable, à un tribunal indépendant et impartial, le principe d'égalité et celui de sécurité juridique ont été méconnus.

La procédure a été communiquée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit d'observations.

Par une lettre en date du 6 mars 2023, les parties ont été informées que la décision paraissait susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées en l'absence de demandes indemnitaires préalables.

M. C... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité russe, a présenté, le 11 avril 2018, une demande d'asile. Il a été hébergé au sein du centre d'hébergement d'urgence " Abbé A... " de Nice du 25 avril 2019 au 17 juillet 2020. A cette dernière date, à la suite d'une décision dudit centre de l'exclure temporairement pour une durée de 7 jours, les services de police ont expulsé l'intéressé de ce centre. M. C..., estimant avoir été victime d'une faute des services de police à l'origine d'un préjudice moral, a saisi le tribunal administratif de Nice d'une requête tendant à l'indemnisation dudit préjudice. La requête ayant été, dans un premier temps, présentée en langue russe, M. C... a été invité, le 19 janvier 2021, à la régulariser en la produisant en langue française, ce que l'intéressé a fait le 16 février 2021. M. C... interjette appel de l'ordonnance en date du 20 avril 2021 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnisation au titre des préjudices subis du fait, d'une part, de l'expulsion par les forces de l'ordre du centre d'hébergement dans lequel il était accueilli, le 17 juillet 2020, et, d'autre part, de l'absence de prise en charge du coût de traduction de sa requête introductive d'instance.

Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral consécutif à l'action des forces de l'ordre le 17 juillet 2020 :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle (...) ".

3. L'ordonnance attaquée a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. C... au motif de l'absence de demande préalable adressée à l'administration. L'intéressé, qui ne conteste pas la régularité de ladite ordonnance, fait valoir qu'il avait adressé une demande indemnitaire préalable au ministre de l'intérieur le 20 janvier 2021, réceptionnée le 25 janvier suivant. S'il produit la copie d'un courrier électronique adressé au ministre de l'intérieur, celui-ci, dont le contenu est très vague et n'indique nullement les circonstances précises des faits ni le fondement de responsabilité recherché ni n'explicite la faute qui aurait été commise par les services de police, ne peut être regardé comme constitutif d'une demande indemnitaire préalable au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, si M. C... a, le 18 septembre 2022, présenté, par l'intermédiaire de son avocat, une demande indemnitaire préalable, celle-ci est toutefois postérieure à l'ordonnance attaquée et n'est pas de nature à régulariser sa requête de première instance. Il suit de là que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par l'ordonnance du 20 avril 2021, la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi à la suite de son expulsion du centre d'hébergement le 17 juillet 2020.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation des frais de traduction de la requête de première instance :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 776-23 du code de justice administrative : " Dans le cas où l'étranger, qui ne parle pas suffisamment la langue française, le demande, le président nomme un interprète qui doit prêter serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience. Cette demande peut être formulée dès le dépôt de la requête introductive d'instance. Lors de l'enregistrement de la requête, le greffe informe au besoin l'intéressé de la possibilité de présenter une telle demande. / Les frais d'interprète sont liquidés dans les conditions prévues à l'article R. 122 du code de procédure pénale ". Si M. C... se prévaut de ces dispositions pour soutenir qu'il aurait dû bénéficier d'un interprète dont les frais devaient être à la charge de l'Etat, celles-ci ne sont applicables que dans l'hypothèse d'un placement en rétention ou assignation à résidence, ce qui ne correspondait nullement à sa situation.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". Si M. C... se prévaut de la méconnaissance de ces stipulations, celles-ci ne sont pas applicables aux recours indemnitaires contre l'Etat qui ne constituent pas une contestation sur des droits et obligations de caractère civil.

6. En dernier lieu, si M. C... fait également valoir que les principes d'égalité et de sécurité juridique auraient été méconnus, il n'assortit pas ces moyens de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de l'ordonnance du 20 avril 2021 et de condamnation de l'Etat ainsi que celles présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.

21MA0165902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 21MA01659
Date de la décision : 12/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-03 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Services de police.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : DUVAL-ZOUARI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-12;21ma01659 ?
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