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12/04/2023 | FRANCE | N°21MA01226

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 12 avril 2023, 21MA01226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Corsea Promotion a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté en date du 5 mars 2019 par lequel le maire de Porto-Vecchio a, au nom de la commune, refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la régularisation de modifications diverses, la surélévation, la création de surface de plancher dans les combles et les terrasses fermées, d'une piscine et de sa plage, de cinq garages et l'agrandissement d'un parking, sur la parcelle cadastrée section C n° 2400, au lieudit

Arutoli, d'enjoindre au maire de Porto-Vecchio de lui délivrer un permis d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Corsea Promotion a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté en date du 5 mars 2019 par lequel le maire de Porto-Vecchio a, au nom de la commune, refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la régularisation de modifications diverses, la surélévation, la création de surface de plancher dans les combles et les terrasses fermées, d'une piscine et de sa plage, de cinq garages et l'agrandissement d'un parking, sur la parcelle cadastrée section C n° 2400, au lieudit Arutoli, d'enjoindre au maire de Porto-Vecchio de lui délivrer un permis de construire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de mettre à la charge de la commune de Porto-Vecchio, une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900575 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de la SAS Corsea Promotion.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés les 29 mars 2021 et 19 octobre 2021, la SAS Corsea Promotion, représentée par Me Tasciyan, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia et l'arrêté en date du 5 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Porto-Vecchio a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Porto-Vecchio le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il a omis de viser un mémoire et des pièces et, d'autre part, qu'il a omis de statuer sur un moyen ;

- l'arrêté du 5 mars 2019 et l'avis conforme défavorable de la préfète de la Corse-du- Sud en date du 7 février 2019 sont insuffisamment motivés ;

- le maire de Porto-Vecchio a méconnu l'étendue de sa compétence en adoptant d'autres motifs que ceux retenus par l'avis conforme de la préfète pour refuser de délivrer un permis de construire modificatif ;

- il n'est pas établi que le signataire de l'avis conforme aurait reçu délégation de signature de la préfète de la Corse-du-Sud ;

- le secteur dans lequel s'inscrit la construction n'est pas situé dans une zone inondable du plan de prévention du risque inondation ; l'étude hydraulique réalisée par Cerema en 2015 ne constitue pas un acte règlementaire opposable ;

- son projet pouvait faire l'objet de prescriptions spéciales et ne devait pas conduire à un refus ;

- l'avis conforme est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors qu'aucun risque pour la sécurité n'est avéré.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion de territoires demande à la Cour de rejeter la requête de la SAS Corsea Promotion.

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2022, la commune de Porto-Vecchio, représentée par Me Gilliocq, demande à la Cour :

- de rejeter la requête de la SAS Corsea Promotion ;

- de mettre à la charge de la SAS Corsea Promotion le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 février 2012, le maire de Porto-Vecchio a délivré à Mme B... un permis de construire un immeuble de 25 logements sur la parcelle cadastrée section C n° 2400, au lieudit Arutoli. Ce permis a été transféré à la SAS Corsea Promotion le 14 février 2014. Le 15 février 2018, la SAS Corsea Promotion a déposé une déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux, à laquelle s'est opposé le maire de Porto-Vecchio par décision du 16 février 2018. La SAS Corsea Promotion a déposé un dossier de demande de permis de construire modificatif le 15 janvier 2019. Par un arrêté en date du 5 mars 2019, le maire de la commune de Porto-Vecchio a refusé de faire droit à cette demande. La SAS Corsea Promotion interjette appel du jugement n° 1900575 du 26 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 5 mars 2019.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ne résulte pas du dossier de première instance que la SAS Corsea Promotion aurait produit, à la suite du mémoire de la commune de Porto-Vecchio, un mémoire en réplique. Par ailleurs, les pièces produites par le préfet de la Corse-du-Sud le 30 novembre 2020 ont été visées par le jugement par la mention " Vu les autres pièces du dossier ". Il suit de là que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait omis de viser des pièces et mémoire doit, en ses deux branches, être écarté comme manquant en fait.

3. En second lieu, si la société requérante soutient que le tribunal aurait omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'augmentation de la surface de plancher n'était pas de nature à aggraver le risque pour la sécurité des biens et des personnes, ledit jugement a répondu, de manière suffisamment motivée, à ce moyen dans son point 6.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'arrêté du 5 mars 2019 :

4. Aux termes de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme : " En cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation ". En application de ces dispositions, compte tenu de l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 30 juillet 2009 du conseil municipal de Porto-Vecchio approuvant le plan local d'urbanisme, prononcée par un jugement du tribunal administratif de Bastia du 20 mai 2011, le maire de Porto-Vecchio a recueilli, avant de prendre l'arrêté de refus de permis de construire modificatif contesté, l'avis de la préfète de la Corse-du-Sud, laquelle a émis, le 7 février 2019, un avis défavorable sur la demande de permis de construire présentée par la SAS Corsea Promotion. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme que le maire a compétence liée pour refuser de délivrer une autorisation d'urbanisme en cas d'avis défavorable du préfet. Par suite, l'ensemble des moyens présentés à l'appui des conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Porto-Vecchio portant refus de permis de construire modificatif sont inopérants. Toutefois, la SAS requérante doit être regardée comme excipant de l'illégalité de l'avis conforme du préfet du 7 février 2019.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'avis conforme du 7 février 2019 :

S'agissant de la légalité externe :

5. En premier lieu, l'avis conforme du 7 février 2019 a été signé par Mme A... C..., sous-préfète de Sartène, qui bénéficiait d'une délégation du préfet, en vertu d'un arrêté du 22 mai 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer notamment les autorisations d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis en litige aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6./ Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables. "

7. L'avis conforme de la préfète, qui cite les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et précise que le projet est entièrement situé dans l'emprise hydrogéomorphologique (lit majeur) du cours d'eau Lagunienu et que la création de surface de plancher supplémentaire est de nature à augmenter et aggraver la vulnérabilité des biens et des personnes comporte, de manière suffisamment circonstanciée, les motifs de fait et de droit qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

8. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

9. En premier lieu, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut, si elle estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de délivrer un permis de construire, alors même que le plan n'aurait pas classé le terrain d'assiette du projet en zone à risques ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables.

10. Il résulte de ce qui précède que s'il est constant que le terrain d'assiette du projet n'est pas inclus dans une zone inondable recensée par le plan de prévention du risque inondation, une telle circonstance ne faisait pas, par elle-même, obstacle à ce qu'au vu des éléments d'appréciation dont disposait l'autorité administrative, dont une modélisation hydraulique de plusieurs cours d'eau sur la commune de Porto-Vecchio réalisée en novembre 2015, le maire puisse refuser de délivrer le permis de construire modificatif sollicité.

11. En deuxième lieu, en vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

12. La société requérante soutient qu'un permis de construire assorti de prescriptions tenant à la non imperméabilisation des sols des aires de stationnement par l'utilisation de matériaux permettant l'infiltration des eaux telles que des dalles alvéolaires pouvait lui être délivré. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de la carte de l'aléa inondation pour la crue centennale établie par l'étude hydraulique précitée de 2015 que le projet modificatif, qui prévoyait une augmentation de 23 places de stationnement dont 5 garages et une piscine avec bain de soleil à l'Est, est entièrement situé dans une zone dont le risque est évalué de fort à très fort. Par ailleurs, il résulte d'un avis émis par la direction des territoires et de la mer le 4 février 2019 que, dans de telles zones de risque, aucune mesure n'est susceptible de pallier le risque d'inondation. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'un permis assorti de prescriptions aurait pu, au regard des modifications substantielles de son projet qui étaient requises, lui être délivré.

13. En troisième lieu, d'une part, la seule circonstance qu'un projet pour lequel un permis est sollicité n'implique pas la création d'une nouvelle unité d'habitation n'est pas de nature à exclure que l'extension de la construction existante aggrave les risques pour la sécurité publique. Par suite, s'il est constant que la création d'une surface de plancher supplémentaire de 248 m² dans les combles telle que prévue par le projet modificatif n'emporte pas création de nouveaux logements, celle-ci permettra néanmoins d'accroître le nombre des habitants et, par suite, le risque pour la sécurité des personnes. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier, ainsi que le soutient la société requérante que, s'agissant du côté Est, le plus sujet à risque, le bâtiment a été rehaussé de 1,40 mètres par rapport au niveau du terrain naturel, il est toutefois constant que les parkings, garages et piscine seront fortement exposés au risque d'inondation, l'étude hydraulique précitée précisant au demeurant que, dans le secteur 5 concerné par le projet, le remblai de la RD 368 crée un effet de stockage important qui amène des hauteurs d'eau supérieures à 1m. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de ce que l'avis conforme du préfet serait entaché d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Porto-Vecchio, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la SAS Corsea Promotion la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Corsea Promotion la somme de 2 000 euros qui sera versée à la commune de Porto-Vecchio en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Corsea Promotion est rejetée.

Article 2 : La SAS Corsea Promotion versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à la commune de Porto-Vecchio en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Corsea Promotion, à la commune de Porto-Vecchio et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.

N° 21MA0122602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 21MA01226
Date de la décision : 12/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-02-02-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Octroi du permis. - Permis assorti de réserves ou de conditions. - Objet des réserves ou conditions. - Protection de la sécurité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : TASCIYAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-12;21ma01226 ?
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