Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à effectuer les travaux de raccordement de leurs propriétés au réseau d'assainissement collectif et à leur verser respectivement la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice matériel et la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral.
Par un jugement n° 1708280 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 décembre 2020, 30 septembre 2022, 17 novembre 2022, 15 décembre 2022 et 1er février 2023, M. B... et Mme A..., représentés par Me de Foresta, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2020 ;
2°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à réparer les préjudices qu'ils ont subis, à titre principal, en faisant effectuer les travaux de raccordement de leur propriété au réseau d'assainissement collectif dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, en leur versant la somme de 99 180 euros TTC pour la réalisation de ces travaux et, en tout état de cause, en leur versant à chacun la somme de 6 000 euros au titre du manque à gagner pour le temps consacré à leur défense et du préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune a commis une faute en installant illégalement une canalisation publique sous la parcelle privée cadastrée BX 18 et en autorisant et réalisant les travaux de raccordement de leurs propriétés à cette canalisation ;
- ils ont subi du fait de cette faute un préjudice matériel ; ils sont contraints de faire réaliser des travaux pour pouvoir se raccorder à un autre point du réseau d'assainissement situé avenue Gambetta ;
- ils ont également subi un manque à gagner de 5 000 euros chacun pour le temps passé à préparer leur défense ainsi qu'un préjudice moral d'un montant de 1 000 euros chacun.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juillet 2022 et 9 janvier 2023, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par la SELARL Debeaurain et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de ce litige né des rapports entre le service public d'assainissement, qui est un service public industriel et commercial, et des usagers de ce service ; ces rapports de droits privé relèvent de la compétence du juge judiciaire ;
- elle doit être mise hors de cause, la compétence eau et assainissement ayant été transférée de plein droit à la métropole Aix-Marseille-Provence à compter du 1er janvier 2018 ;
- les conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal sont irrecevables ;
- les conclusions indemnitaires présentées au titre du préjudice matériel lié à la réalisation des travaux et au titre du préjudice moral sont irrecevables, en l'absence de liaison préalable du contentieux ;
- les conclusions indemnitaires présentées au titre du préjudice matériel lié à la réalisation des travaux sont nouvelles en appel ; elles sont également irrecevables pour ce motif ;
- la requête n'est pas fondée par les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :
- le rapport de Mme E... ;
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;
- les observations de Me de Foresta représentant M. B... et Mme A... ;
- et celles de Me Tagnon substituant la SELARL Debeaurain et Associés représentant la commune d'Aix-en-Provence.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme A... sont respectivement propriétaires de parcelles cadastrées BX n° 358 et n° 25 situées cours Gambetta à Aix-en-Provence. Par un acte du 18 février 2016, le syndicat des copropriétaires du groupe d'immeubles du Parc Sainte Victoire 2 a assigné M. B... et Mme A... devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence à la suite de la découverte en tréfonds de leur parcelle de canalisations de raccordement au réseau public d'assainissement. Le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a, par un jugement du 22 juin 2017, condamné solidairement M. B... et Mme A... à procéder à l'enlèvement des canalisations litigieuses et à remettre en état les lieux. Les intéressés ont demandé, par courrier du 26 juin 2017, à la commune d'Aix-en-Provence de réaliser à ses frais les travaux de raccordement de leur propriété au réseau d'assainissement public et de les indemniser des frais exposés pour leur défense. Cette demande étant restée sans réponse, M. B... et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à effectuer les travaux de raccordement de leurs propriétés au réseau d'assainissement collectif et à leur verser respectivement la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice matériel et la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral. M. B... et Mme A... relèvent appel du jugement du 6 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande et sollicitent de la Cour, dans le dernier état de leurs écritures, de condamner la commune d'Aix-en-Provence à réparer les préjudices qu'ils ont subis, à titre principal, en faisant effectuer les travaux de raccordement de leur propriété au réseau d'assainissement collectif dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, en leur versant la somme de 99 180 euros TTC pour la réalisation de ces travaux et, en tout état de cause, en leur versant à chacun la somme de 6 000 euros au titre du manque à gagner pour le temps consacré à leur défense et du préjudice moral.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. M. B... et Mme A... recherchent la responsabilité de la commune d'Aix-en-Provence en raison de la faute qu'elle aurait commise en installant illégalement une canalisation publique sous la parcelle privée cadastrée BX 18 et en autorisant et réalisant les travaux de raccordement de leurs propriétés à cette canalisation. Ce litige qui a trait aux travaux de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées, lesquels présentent le caractère de travaux publics, relève de la compétence de la juridiction administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique : " Le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l'intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte. ". Aux termes de l'article L.1331-2 de ce code : " Lors de la construction d'un nouveau réseau public de collecte ou de l'incorporation d'un réseau public de collecte pluvial à un réseau disposé pour recevoir les eaux usées d'origine domestique, la commune peut exécuter d'office les parties des branchements situées sous la voie publique, jusque et y compris le regard le plus proche des limites du domaine public. / Pour les immeubles édifiés postérieurement à la mise en service du réseau public de collecte, la commune peut se charger, à la demande des propriétaires, de l'exécution de la partie des branchements mentionnés à l'alinéa précédent. / Ces parties de branchements sont incorporées au réseau public, propriété de la commune qui en assure désormais l'entretien et en contrôle la conformité. (...) ". Aux termes de l'article L. 1331-4 de ce code : " Les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires et doivent être réalisés dans les conditions fixées à l'article L. 1331-1. Ils doivent être maintenus en bon état de fonctionnement par les propriétaires. La commune en contrôle la qualité d'exécution et peut également contrôler leur maintien en bon état de fonctionnement ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le réseau public d'assainissement, établi sous la voie publique, s'étend jusqu'au branchement en limite de domaine public. Le raccordement, qui correspond à la partie des canalisations qui relie l'immeuble particulier au branchement incorporé au réseau public, directement ou par l'intermédiaire d'une propriété privée, est à la charge exclusive des propriétaires, soit de l'immeuble riverain, soit des propriétés privées.
5. En l'espèce, il est constant que les canalisations reliant les habitations de M. B... et Mme A... situées respectivement sur les parcelles BX n° 358 et n° 25 au réseau public d'assainissement établi sous l'avenue de Crapone passent dans le tréfonds de la parcelle BX n°18 appartenant à la copropriété du Parc Sainte-Victoire. Les requérants soutiennent que la commune aurait irrégulièrement implanté des canalisations d'eaux usées dans le tréfonds de la parcelle cadastrée n° BX 18 appartenant à la copropriété de la résidence Parc Sainte-Victoire 2 et les aurait autorisés à se raccorder au réseau public par le biais de ces canalisations. Ils se prévalent notamment d'échanges de courriers et de courriels entre le syndicat des copropriétaires Parc Sainte-Victoire 2 et la commune, qui entérineraient le caractère public des canalisations en cause. Toutefois, si par un courrier de juin 2016, la régie des eaux de la commune d'Aix-en-Provence a adressé au syndic de la copropriété du Parc Sainte-Victoire 2 une demande de servitude de passage afin de pouvoir assurer l'entretien, la réfection et la maintenance des réseaux d'eaux usées établis sous la parcelle BX n°18, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à établir la responsabilité de la commune dans l'implantation des canalisations litigieuses. Le plan de masse intitulé " pose d'une canalisation d'eaux usées " produit par Mme A... sur lequel figure le tracé du raccordement de son habitation au branchement situé sous la voie publique démontre au contraire le caractère privatif de la canalisation permettant ce raccordement, dont le tracé passe sous la parcelle BX n°18. En outre, l'acte de propriété du 2 septembre 2013 produit par M. B... indique que " le réseau d'eau pluviale du garage est raccordé au collecteur public avenue ou rue de Crapone en empruntant un réseau individuel enfoui sous la voie de la copropriété de la section cadastrée BX 18 ". La circonstance que des autorisations de construire aient été délivrées aux requérants pour la réalisation de ces ouvrages, implantés dans le tréfonds de la parcelle BX n°18 appartenant à la copropriété Parc Sainte Victoire 2 en l'absence d'autorisation de cette dernière, n'est pas non plus de nature à engager la responsabilité de la commune, dès lors que les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, sont toujours accordées sous réserve des droits des tiers. Ainsi que l'a relevé le tribunal, aucune disposition du code de l'urbanisme n'impose ainsi aux pétitionnaires de justifier, dans leurs demandes d'autorisation d'urbanisme, des autorisations éventuellement nécessaires sur le fondement du droit privé pour assurer le raccordement aux réseaux publics des ouvrages projetés. Est donc sans incidence la circonstance que les raccordements au réseau public d'assainissement des habitations respectives de M. B... et de Mme A... aient été consentis alors même que ces derniers ne justifiaient pas, lors de leur demande de permis de construire, d'une autorisation du syndicat des copropriétaires, ou de l'existence d'une servitude d'écoulement des eaux usées pour réaliser le raccordement de l'immeuble. Dans ces conditions, et dès lors que l'aménagement des installations d'eaux usées privées est réalisé à la diligence et sous la responsabilité exclusive du propriétaire, la responsabilité de la commune d'Aix-en-Provence ne saurait être engagée du fait de l'implantation des canalisations destinées à assurer le raccordement des habitations respectives de Mme A... et de M. B... au réseau public d'assainissement, sous la parcelle cadastrée n° BX 18 appartenant à la copropriété de la résidence Parc Sainte-Victoire 2.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions aux fins d'injonction et d'indemnisation.
Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aix-en-Provence, qui n'est pas partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. B... et Mme A... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... et de Mme A... une somme à verser à la commune d'Aix-en-Provence en application des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... et de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Aix-en-Provence sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., M. C... B... et à la commune d'Aix-en-Provence.
Copie en sera adressée pour information à la métropole Aix-Marseille-Provence.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2023, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2023.
N° 20MA04525 2