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23/03/2023 | FRANCE | N°22MA02284

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Chambres réunies, 23 mars 2023, 22MA02284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le permis de construire tacite délivré par le maire de la commune de Zonza à M. C... à la suite d'une demande présentée le 21 janvier 2020 portant sur un local commercial démontable de petite restauration, sur le terrain cadastré section E n° 683, lieudit Cufa.

Par un jugement n° 2001261 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Bastia a annulé le permis de construire tacite précité.

Procédure d

evant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2022, M. A... C..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le permis de construire tacite délivré par le maire de la commune de Zonza à M. C... à la suite d'une demande présentée le 21 janvier 2020 portant sur un local commercial démontable de petite restauration, sur le terrain cadastré section E n° 683, lieudit Cufa.

Par un jugement n° 2001261 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Bastia a annulé le permis de construire tacite précité.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2022, M. A... C..., représenté par Me Poletti, demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 2001261 du 4 juillet 2022.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du déféré préfectoral, laquelle était fondée ;

- le tribunal ne pouvait retenir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dès lors que son projet ne consistait pas en une extension de l'urbanisation mais en un simple agrandissement de l'existant ;

- les pièces produites au titre de l'assainissement non collectif étaient de nature à permettre la complète instruction de sa demande.

La procédure a été communiquée au préfet de la Corse-du-Sud et à la commune de Zonza qui n'ont pas produit d'observations.

Par une lettre en date du 4 janvier 2023, les parties ont été informées que la décision paraissait susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité du déféré préfectoral du fait de l'absence de naissance d'un permis tacite dès lors qu'un avis conforme défavorable avait été émis le 14 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., bénéficiaire d'une concession de terrain au sein de la forêt territoriale de l'Ospedale consentie le 12 juillet 2018 par la collectivité de Corse, a sollicité, le 19 août 2019, un permis de construire un local de petite restauration de 70 m² sur le terrain cadastré section E n° 683, lieudit Cufa, sur le territoire de la commune de Zonza. Un permis de construire, délivré par le maire de la commune de Zonza, lui a été accordé le 4 septembre 2019. Toutefois, à la suite de l'exercice par le préfet d'un recours gracieux contre ce permis de construire, M. C... a présenté, le 21 janvier 2020, une nouvelle demande de permis de construire. Celle-ci a, en application des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, été soumise pour avis conforme au préfet de la Corse-du-Sud, lequel a émis, le 14 avril 2020, un avis défavorable. Estimant que le défaut de réponse du maire de la commune de Zonza dans le délai d'instruction avait fait naître, sur la demande de M. C..., un permis tacite, le préfet de la Corse du-Sud a demandé au tribunal administratif de Bastia de l'annuler. M. C... relève appel du jugement du 4 juillet 2022 par lequel le tribunal a annulé ce permis tacite.

Sur la régularité du jugement :

2. Si M. C... soutient que les premiers juges auraient omis de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du déféré du préfet de la Corse-du-Sud, il résulte du jugement attaqué que celui-ci y a répondu dans ses points 3 et 4. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité doit être écarté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. C'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir soulevée par M. C... tirée de la tardiveté du déféré du préfet de la Corse-du-Sud par des motifs suffisamment précis et circonstanciés, qui ne sont pas utilement critiqués par le requérant, qui se borne à soutenir la même argumentation qu'en première instance. Il y a donc lieu d'écarter cette même fin de non-recevoir par adoption des motifs énoncés aux points 3 et 4 du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. / Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 423-23 dudit code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. En l'absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au nom de la commune, à compter du 1er janvier 2017 ". Aux termes de l'article L. 422-5 du même code : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".

6. Bien que l'avis conforme défavorable émis par le préfet, avant l'expiration du délai d'instruction, sur le fondement de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, emporte compétence liée du maire pour rejeter la demande de permis de construire, cette circonstance ne fait néanmoins pas obstacle, en l'absence de disposition réglementaire expresse contraire, à ce qu'une décision implicite d'acceptation naisse dans les conditions prévues par les articles L. 424-2, R. 424-1 et R. 423-23 du même code.

7. Il ressort des pièces du dossier que si la commune de Zonza s'est dotée d'une carte communale par délibération du conseil municipal du 15 novembre 2003 approuvée par arrêté préfectoral du 7 janvier 2004, ce qui conférait au maire compétence pour délivrer le permis de construire au nom de la commune en application des dispositions précitées de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, celle-ci ne couvre que le secteur littoral de la commune et non le secteur forestier dans lequel est implanté le terrain d'assiette du projet. Par suite, l'avis conforme du préfet de la Corse-du-Sud était requis en application des dispositions précitées de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme. Le 14 avril 2020, soit avant l'expiration du délai d'instruction, ledit préfet a émis un avis défavorable sur la demande de M. C... au motif de la méconnaissance, par le projet, des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par suite, le maire avait compétence liée pour refuser de faire droit à la demande.

8. Toutefois, des moyens tirés de la régularité ou du bien-fondé de l'avis émis par le préfet peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

9. Le requérant peut être regardé, en soutenant que son projet ne consistait pas en une extension de l'urbanisation mais en un simple agrandissement de l'existant, comme cherchant à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'avis émis par le préfet de la Corse-du-Sud.

10. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'urbanisation peut être autorisée en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction nouvelle ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

11. Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), qui précise, en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, les modalités d'application des dispositions citées ci-dessus, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'elle constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Ces prescriptions du PADDUC apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

12. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de M. C... est situé au cœur d'une vaste zone naturelle au sein même de la forêt de l'Ospedale où ne sont localisées que deux constructions situées à l'est du terrain en cause. Dès lors, la construction projetée n'est pas située en continuité avec une agglomération ou un village au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC. Le requérant n'est pas fondé à soutenir que son projet ne porterait que sur l'extension d'une construction existante dès lors, en tout état de cause, qu'il est constant que la construction existante n'avait pas elle-même été régulièrement autorisée. L'avis émis par le préfet n'a donc pas méconnu les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé le permis tacite né sur sa demande du 21 janvier 2020.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la commune de Zonza et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. B..., premier vice-président,

- M. Portail, président de chambre,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- M. Mouret, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

N° 22MA0228402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Chambres réunies
Numéro d'arrêt : 22MA02284
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-02-01-02-01 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. - PERMIS DE CONSTRUIRE. - NATURE DE LA DÉCISION. - OCTROI DU PERMIS. - PERMIS TACITE. - EXISTENCE OU ABSENCE D'UN PERMIS TACITE. - EXISTENCE. - NAISSANCE D'UN PERMIS DE CONSTRUIRE TACITE Y COMPRIS DANS L'HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE LE PRÉFET A ÉMIS, DANS LE DÉLAI D'INSTRUCTION, UN AVIS CONFORME DÉFAVORABLE.

68-03-025-02-01-02-01 Bien que l'avis conforme défavorable émis par le préfet, avant l'expiration du délai d'instruction, sur le fondement de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, emporte compétence liée du maire pour rejeter la demande de permis de construire, cette circonstance ne fait néanmoins pas obstacle, en l'absence de disposition réglementaire expresse contraire, à ce qu'une décision implicite d'acceptation naisse dans les conditions prévues par les articles L. 424-2, R. 424-1 et R. 423-23 du même code. ...[RJ1].


Références :

[RJ1]

Cf. CAA de Douai Commune du Landin 25 janvier 2023 N° 21DA00937.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : POLETTI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-23;22ma02284 ?
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