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20/03/2023 | FRANCE | N°21MA00385

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 20 mars 2023, 21MA00385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Engie Energie Services a demandé au tribunal administratif de Marseille de constater l'irrégularité de la tension nominale de livraison de 63 000 volts stipulée à l'article 2.2 des conditions particulières du contrat d'achat d'électricité conclu le 4 mars 2019 avec la société Electricité de France, d'enjoindre à cette société de modifier la tension nominale de livraison stipulée à cet article en lui substituant une tension de livraison de 6 000 volts, et de condamner la sociét

Electricité de France à lui payer la somme de 103 139,19 euros en réparation de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Engie Energie Services a demandé au tribunal administratif de Marseille de constater l'irrégularité de la tension nominale de livraison de 63 000 volts stipulée à l'article 2.2 des conditions particulières du contrat d'achat d'électricité conclu le 4 mars 2019 avec la société Electricité de France, d'enjoindre à cette société de modifier la tension nominale de livraison stipulée à cet article en lui substituant une tension de livraison de 6 000 volts, et de condamner la société Electricité de France à lui payer la somme de 103 139,19 euros en réparation de son manque à gagner.

Par un jugement n° 1905828 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2021, et un mémoire enregistré le 31 octobre 2022, la société Engie Energie Services, représentée par Mes Ravetto et Ledun, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de constater l'irrégularité de la tension nominale de livraison de 63 000 volts retenue dans les conditions particulières du contrat ;

3°) d'enjoindre à la société Electricité de France de lui substituer la tension de livraison de 6 kV à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner la société Electricité de France à lui verser la somme de 205 572,10 euros, à parfaire, en réparation de son manque à gagner ;

5°) de mettre à la charge de la société Electricité de France une somme de 10 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la clause de l'article 2.2 des conditions particulières du contrat d'achat d'électricité conclu avec la société EDF fixant à 63 000 volts la tension de raccordement est illicite ;

- en effet, c'est la tension au point de livraison vers le réseau privé, seul destinataire de l'électricité produite, qui devrait être prise en compte ;

- l'interprétation proposée par EDF méconnaît le principe de non-discrimination ;

- le contrat devait prendre en compte la tension de 6 000 volts indiquée dans la demande complète de contrat d'achat adressé à EDF le 7 novembre 2017 ;

- elle a fait part à deux reprises à EDF de son désaccord sur ce point ;

- l'engagement ne peut être considéré comme librement pris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2021, et un mémoire récapitulatif enregistré le 9 novembre 2022, la société anonyme Electricité de France, représentée par le cabinet Gide Loyrette Nouel AARPI, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Engie Energie Services au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société EDF soutient que les moyens de l'appel sont infondés.

Par une lettre en date du 3 octobre 2022, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu entre le 1er janvier 2023 et le 31 mars 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 1er novembre 2022.

Par ordonnance du 28 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- l'arrêté du 31 juillet 2001 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations de cogénération d'électricité et de chaleur valorisée telles que visées à l'article 3 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 fixant par catégorie d'installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Ledun pour la société Engie Energie Services.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 mars 2019, la société Engie Energie Services, qui exploite une installation de cogénération située sur le site de l'usine de production d'alumines de la société Alteo à Gardanne, dans le département des Bouches-du-Rhône, a conclu avec la société Electricité de France un contrat d'achat d'électricité référencé " Coge10-13V1 ". La société Engie Energie Services a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant, d'une part, à ce qu'il constate l'irrégularité de l'article 2.2 des conditions particulières du contrat, en ce qu'il fixe la tension nominale de livraison à 63 000 volts et, d'autre part, à ce que la société Electricité de France soit condamnée à lui payer la somme de 103 139,19 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de cette clause illicite. Par le jugement attaqué, dont la société Engie Energie Services relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Une partie à un contrat administratif peut saisir le juge du contrat d'un recours de plein contentieux pour en contester la validité. Il revient à ce juge de vérifier que les irrégularités dont se prévaut cette partie sont de celles qu'elle peut, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. S'il constate une irrégularité, il doit en apprécier l'importance et les conséquences. Après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, il peut soit décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation.

3. La société Engie Energie Services conteste la validité de l'article 2.2 des conditions particulières du contrat, aux termes duquel : " La tension nominale de livraison est de 63 000 volts ".

4. Le contrat d'achat de l'électricité produite par une installation bénéficiant de l'obligation d'achat prévue par l'article L. 314-1 du code de l'énergie doit être établi conformément au décret n° 2001-410 du 10 mai 2001, dont les dispositions ont été codifiées aux articles R. 314-2 et suivants du code de l'énergie, et à l'arrêté interministériel correspondant à la filière concernée qui fixe, en particulier, les tarifs d'achat de l'électricité. Il découle de l'économie générale des dispositions régissant ce contrat d'achat que les parties à un tel contrat ne peuvent contractuellement déroger aux tarifs d'achat fixés par ces arrêtés.

5. Aux termes de l'article L. 342-1 du code de l'énergie : " Le raccordement d'un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d'ouvrages d'extension, d'ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants. (...) Les ouvrages de raccordement relèvent des réseaux publics de transport et de distribution ".

6. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 31 juillet 2001 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations de cogénération d'électricité et de chaleur valorisée, pris en application de l'article R. 314-12 du code de l'énergie, lui-même pris pour l'application de l'article L. 314-1 du même code : " 1° Les tarifs applicables, exprimés hors TVA, comportent (...) une prime fixe fonction de la tension de raccordement de l'installation (...) Les modalités de calcul sont définies dans les annexes 2 et 3 (...) ".

7. Il résulte des dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 31 juillet 2001 que la prime fixe intégrée dans la rémunération proportionnelle au titre de l'obligation d'achat est fonction de la " tension de raccordement de l'installation ". Ce raccordement désigne exclusivement, conformément à l'article L. 342-1 du code de l'énergie, les ouvrages permettant la connexion au réseau public. Le caractère indirect du raccordement au réseau reste sans effet sur le mode de calcul du tarif, qui se réfère exclusivement à la notion de tension de raccordement. Il résulte de ce qui précède que l'article 2.2 des conditions particulières du contrat, qui retient une tension de raccordement de 63 000 volts, est conforme à l'arrêté du 31 juillet 2001.

8. En outre, il n'est pas établi que la prise en compte, pour le calcul du tarif d'achat, de la tension de raccordement, induirait une discrimination illégale à l'encontre des personnes exploitant des installations raccordées indirectement au réseau public.

9. Par ailleurs, la circonstance que le contrat finalement conclu entre les parties diffère des termes de la demande présentée par le bénéficiaire de l'obligation d'achat n'est pas par elle-même de nature à entraîner l'invalidité de ce contrat, dont les tarifs doivent obligatoirement être établis conformément à la réglementation tarifaire existante. Est également sans incidence la circonstance que la société Engie Energie Services a, à deux reprises, indiqué qu'elle était en désaccord avec la tension de 63 000 volts contractuellement stipulée, cette circonstance n'étant pas de nature à entacher le contrat finalement conclu, et dont les termes lient les parties, d'illégalité.

10. Enfin, la circonstance que, faute d'accepter les conditions imposées par la société Electricité de France, la société Engie Energie Services s'exposait à un refus de celle-ci de conclure le contrat d'achat, n'est pas de nature à entacher le contrat finalement conclu d'un vice de consentement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Engie Energie Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté son action en contestation de validité de l'article 2.2 des conditions particulières du contrat, sa demande tendant à la réparation du manque à gagner subi du fait de l'application de cette clause et sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Electricité de France d'accepter la modification de cette clause.

Sur les frais liés au litige :

12. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la société Electricité de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la société Engie Energie Services à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Engie Energie Services est rejetée.

Article 2 : La société Engie Energie Services versera à la société Electricité de France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Electricité de France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Engie Energie Services et à la société Electricité de France.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mars 2023.

N° 21MA00385 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00385
Date de la décision : 20/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08 Marchés et contrats administratifs. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI.

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-20;21ma00385 ?
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