La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/02/2023 | FRANCE | N°21MA02088

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 27 février 2023, 21MA02088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Trevole et la société par actions simplifiée (SAS) Trevole ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la collectivité de Corse sur le fondement de la responsabilité pour faute et de lui enjoindre d'avoir à finaliser les travaux de la voie d'accès destinée à être exclusivement utilisée en sortie du centre commercial Trevole.

Par un jugement n°1900765 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande.

Proc

dure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin 2021 et 25 aoû...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Trevole et la société par actions simplifiée (SAS) Trevole ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la collectivité de Corse sur le fondement de la responsabilité pour faute et de lui enjoindre d'avoir à finaliser les travaux de la voie d'accès destinée à être exclusivement utilisée en sortie du centre commercial Trevole.

Par un jugement n°1900765 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin 2021 et 25 août 2022, la SCI Trevole et la SAS Trevole, représentées par Me Nesa, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 avril 2021 ;

2°) d'enjoindre à la collectivité de Corse de finaliser les travaux de la voie d'accès destinée à être exclusivement utilisée en sortie du centre commercial Trevole dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la collectivité de Corse une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que le recours dont il était saisi était un recours pour excès de pouvoir et non un recours de plein contentieux, dès lors que leur recours tend à l'engagement de la responsabilité pour faute de la collectivité de Corse et à sa condamnation à une obligation de faire pour réparer le préjudice subi, sous la forme d'une injonction sous astreinte ;

- le moyen tiré de la faute commise par la collectivité de Corse en refusant d'honorer l'engagement pris le 5 juillet 2007 n'est pas inopérant ;

- la route concernée par les travaux de déviation en cause n'étant pas une route à grande circulation, l'article L. 152-1 du code de la voirie routière n'est pas applicable au litige ;

- la responsabilité de la collectivité de Corse est engagée en raison de la faute qu'elle a commise en ne respectant pas l'engagement pris aux termes du courrier du 5 juillet 2007 de faire réaliser une voie d'accès destinée à être exclusivement utilisée en sortie du centre commercial Trevole.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juillet et 19 septembre 2022, la collectivité de Corse représentée par Me Muscatelli, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Bastia a opéré une requalification des conclusions de première instance présentées à titre principal par les requérantes à seule fin de leur donner une portée utile ;

- ces conclusions, qui ne tendent pas à l'annulation d'une décision ou à la condamnation à verser une somme d'argent, sont irrecevables par leur objet ;

- le courrier des requérantes du 6 février 2019 n'a, compte-tenu de ses termes, pas lié le contentieux conformément aux dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

- la requête n'est pas fondée dans les autres moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Trevole et la SAS Trevole relèvent appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande qu'il a regardée comme tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la collectivité de Corse a refusé de procéder à l'aménagement d'une voie d'accès vers la route territoriale n° 40 depuis la sortie du parking du centre commercial Trevole.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les sociétés requérantes soutiennent que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a considéré qu'elles devaient être regardées comme lui demandant d'annuler la décision implicite par laquelle la collectivité de Corse a refusé de procéder à l'aménagement de cette voie d'accès alors que leur recours de plein contentieux tend à l'engagement de la responsabilité pour faute de la collectivité de Corse et à sa condamnation à une obligation de faire pour réparer le préjudice subi, sous la forme d'une injonction sous astreinte. Il ressort en effet des termes de la demande de première instance que les requérantes ont uniquement entendu former devant le juge administratif une action en responsabilité pour faute contre la collectivité de Corse. Dans ces conditions, le tribunal administratif de Bastia a méconnu son office en requalifiant leurs conclusions comme tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision implicite par laquelle la collectivité de Corse a refusé de procéder à l'aménagement d'une voie d'accès vers la route territoriale n° 40 depuis la sortie du parking du centre commercial Trevole.

3. Il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Bastia doit être annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande des sociétés requérantes en tant que juge de première instance.

Au fond :

4. La personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d'une personne publique peut former devant le juge administratif une action en responsabilité tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à l'indemniser des conséquences dommageables de ce comportement.

5. Elle peut également, lorsqu'elle établit la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu'elle lui cause, assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets. De telles conclusions à fin d'injonction ne peuvent être présentées qu'en complément de conclusions indemnitaires.

6. De la même façon, le juge administratif ne peut être saisi, dans le cadre d'une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu'en complément de conclusions indemnitaires (cf CE, CE, 12 avril 2022, SCI la Closerie n°452176, A).

7. Ainsi qu'il a été dit, il ressort des écritures de première instance et d'appel des sociétés requérantes que ces dernières ont formé devant le juge administratif une action en responsabilité pour faute contre la collectivité de Corse. Toutefois, elles n'ont présenté que des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la collectivité de Corse d'avoir à finaliser les travaux de la voie d'accès destinée à être exclusivement utilisée en sortie du centre commercial Trevole. Dès lors, ces conclusions à fin d'injonction, qui n'ont pas été présentées en complément de conclusions indemnitaires, sont irrecevables. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la collectivité de Corse tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal doit être accueillie.

8. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par les sociétés requérantes devant le tribunal administratif de Bastia doit être rejetée.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité de Corse la somme demandée à ce titre par les sociétés requérantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés requérantes la somme demandée par la collectivité de Corse.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la SCI Trevole et la SAS Trevole est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la collectivité de Corse sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) Trevole, à la société par actions simplifiée (SAS) Trevole et à la collectivité de Corse.

Délibéré après l'audience du 6 février 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2023.

N° 21MA02088 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02088
Date de la décision : 27/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Conclusions - Conclusions irrecevables - Demandes d'injonction.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : CABINET MUSCATELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-27;21ma02088 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award