Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 juin 2021, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pendant cette durée et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2105056 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en ce qu'elle concernait le refus d'admission au séjour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022, M. A..., représenté par Me Bataille, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour, et, à tout le moins, de réexaminer sa demande d'admission au séjour, et de lui délivrer, dans ce cas, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de deux mois, à compter de la notification par le greffe du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas fait un examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour conformément aux dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 et de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- et les observations de Me Bataille, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian, né le 10 février 1978, a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9, de l'article L. 425-10 et de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date 6 juin 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un jugement n° 2105056 en date du 10 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation des décisions du 6 juin 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Par le même jugement, le magistrat désigné a transmis au tribunal, statuant en formation collégiale, les conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour, ainsi que les conclusions qui en constituent l'accessoire. Par un jugement du 21 octobre 2021, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté préfectoral :
2. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; [...] ". Enfin, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / (...). ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le préfet ne peut rejeter, au motif que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public, la demande d'un étranger qui remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour pour raison de santé, sans avoir préalablement saisi la commission du titre de séjour, dont la consultation constitue une garantie pour l'étranger.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'un diabète de type 1 et que, dans son avis, rendu le 16 novembre 2020, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de ce dernier nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé existant au Nigéria, il ne pouvait bénéficier effectivement du traitement approprié et que les soins nécessités par son état de santé devaient en l'état être poursuivis pendant une durée de douze mois. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'appelant, qui a bénéficié de titres de séjour, réside habituellement en France depuis 2015.
5. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L. 425-9 du code précité que la condition de visa prévue par les dispositions de l'article L. 412-1 du même code n'est pas opposable aux étrangers qui sollicitent un titre de séjour pour raisons de santé. En outre, le préfet des Alpes-Maritimes ne peut opposer à M. A... l'absence de justification de ressources suffisantes, conformément aux dispositions de l'article R. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que ces dispositions ne s'appliquent qu'à l'étranger qui souhaite entrer sur le territoire français et non à l'étranger qui, présent sur le sol français, sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... remplissait les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour pour un motif d'ordre public sans saisir au préalable la commission du titre de séjour.
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté préfectoral :
7. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation à trois mois d'emprisonnement avec sursis, prononcée par le tribunal correctionnel de Grasse le 7 juin 2018, pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme sur son ex-compagne et à une peine d'un an et six mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis, assortie de deux ans de mise à l'épreuve, prononcée par le tribunal correctionnel de Nice le 11 juin 2019, pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivis d'une incapacité supérieure à huit jours, toujours à l'encontre de son ex-compagne. Eu égard à la gravité des faits qui lui sont reprochés, qui présentent un caractère récent et répété, et alors même qu'en dépit de ces condamnations, il avait obtenu en 2020 un titre de séjour, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait fait une inexacte application de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en considérant que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public.
8. Compte tenu des condamnations dont il a fait l'objet et de sa séparation avec sa compagne et son enfant, M. A... n'établit pas l'existence d'attaches familiales ou personnelles en France. Doivent dès lors être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle et familiale ainsi que, en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour est entachée d'une illégalité externe, et que, pour ce motif, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour.
Sur l'injonction :
10. Le motif de cette annulation n'implique pas que le préfet délivre un titre de séjour à M. A..., mais seulement qu'il instruise à nouveau sa demande et prenne une nouvelle décision après saisine de la commission du titre de séjour. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille et la décision de refus d'admission au séjour du 6 juin 2021 du préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la demande de M. A... après saisine de la commission du titre de séjour et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bataille.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2023, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2023.
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No 22MA01050