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06/02/2023 | FRANCE | N°21MA01181

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 06 février 2023, 21MA01181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bastia à titre principal, d'annuler le certificat d'urbanisme délivré le 9 octobre 2018 par lequel le maire de Cognocoli-Monticchi a, au nom de l'Etat, déclaré non-réalisable la construction d'une maison sur la parcelle cadastrée 0-0E-0564, au lieudit Ciocciaja, Pratavone, ainsi que les décisions de rejet de ses recours gracieux, d'enjoindre au maire de Cognocoli-Monticchi de lui délivrer le certificatif d'urbanisme sollicité, dans un délai de quinze jour

s suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bastia à titre principal, d'annuler le certificat d'urbanisme délivré le 9 octobre 2018 par lequel le maire de Cognocoli-Monticchi a, au nom de l'Etat, déclaré non-réalisable la construction d'une maison sur la parcelle cadastrée 0-0E-0564, au lieudit Ciocciaja, Pratavone, ainsi que les décisions de rejet de ses recours gracieux, d'enjoindre au maire de Cognocoli-Monticchi de lui délivrer le certificatif d'urbanisme sollicité, dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Cognocoli-Monticchi à lui verser une indemnité d'un montant de 108 469 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de valeur de son terrain, assortis des intérêts.

Par un jugement n° 1900446 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 mars 2021, Mme A... B..., représentée par Me Antomarchi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 26 janvier 2021 ;

2°) à titre principal, d'annuler le certificat d'urbanisme délivré le 9 octobre 2018 par lequel le maire de Cognocoli-Monticchi a, au nom de l'Etat, déclaré non-réalisable la construction d'une maison sur la parcelle cadastrée 0-0E-0564, au lieudit Ciocciaja, Pratavone, ainsi que les décisions de rejet de ses recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de Cognocoli-Monticchi de lui délivrer le certificatif d'urbanisme sollicité, dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Cognocoli-Monticchi à lui verser une indemnité d'un montant de 108 469 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de valeur de son terrain ;

5°) mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Cognocoli-Monticchi la somme de 5 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle bénéficie d'un certificat d'urbanisme tacite ;

- les décisions litigieuses méconnaissent les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ;

- ces décisions constituent une rupture d'égalité devant les charges publiques.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute de demande préalable ;

- les moyens de la requête sont infondés.

La requête a été communiquée à la commune de Cognocoli-Monticchi qui n'a pas produit d'observations.

Par une lettre en date du 4 janvier 2023, les parties ont été informées que la décision paraissait susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2014-1299 du 23 octobre 2014 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 juillet 2018, Mme B... a déposé une demande de certificat d'urbanisme opérationnel en vue d'édifier une maison sur la parcelle cadastrée 0-0E-0564, au lieudit Ciocciaja, Pratavone, sur le territoire de la commune de Cognocoli-Monticchi. Par décision du 9 octobre 2018, le maire de ladite commune a, au nom de l'Etat, déclaré non réalisable la construction envisagée. Mme B... a exercé, contre ce certificat d'urbanisme négatif, un recours administratif devant le maire de la commune et le préfet de la Corse-du-Sud. Par décision du 7 février 2019, le préfet a rejeté la demande de Mme B.... Cette dernière interjette appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 9 octobre 2018 et des décisions de rejet de ses recours gracieux ainsi que ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices causés par la rupture d'égalité dont elle estime avoir été victime.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 410-12 du code de l'urbanisme : " A défaut de notification d'un certificat d'urbanisme dans le délai fixé par les articles R. 410-9 et R. 410-10, le silence gardé par l'autorité compétente vaut délivrance d'un certificat d'urbanisme tacite. Celui-ci a exclusivement les effets prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 410-1, y compris si la demande portait sur les éléments mentionnés au b de cet article ". Par ailleurs, l'article R. 410-10 dispose que : " Dans le cas prévu au b de l'article L. 410-1, le délai d'instruction est de deux mois à compter de la réception en mairie de la demande ". En outre, en vertu de l'article L. 410-1, dans sa rédaction alors applicable : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique (...) ".

3. S'il résulte de ces dispositions que, dans les cas dans lesquels le certificat d'urbanisme est délivré au nom de la commune ou, au nom de l'Etat en vertu du a) de l'article L. 410-1 précité, le silence gardé par l'autorité compétente fait naître un certificat d'urbanisme tacite, il résulte, en revanche, du tableau annexé au décret n° 2014-1299 du 23 octobre 2014 susvisé que le silence gardé par l'administration saisie d'une demande de certificat d'urbanisme sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme vaut, au terme d'un délai de deux mois, décision de rejet lorsque ce certificat d'urbanisme est délivré au nom de l'État. Par suite, le certificat litigieux ayant, dès lors que la commune intimée est régie par le règlement national d'urbanisme, été délivré au nom de l'Etat sur le fondement des dispositions du b) de l'article L. 410-1 précité en vue de la réalisation d'une maison à usage d'habitation, Mme B... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'elle serait bénéficiaire d'un certificat d'urbanisme tacite.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ".

5. Il résulte des dispositions précitées que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble. Pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant.

6. Le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui peut préciser les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, adopté par la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 de l'assemblée de Corse, prévoit qu'un bourg est un gros village présentant certains caractères urbains, qu'un village est plus important qu'un hameau et comprend ou a compris des équipements ou lieux collectifs administratifs, culturels ou commerciaux, et qu'un hameau est caractérisé par sa taille, le regroupement des constructions, la structuration de sa trame urbaine, la présence d'espaces publics, la destination des constructions et l'existence de voies et équipements structurants. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne. En revanche, le PADDUC se borne à rappeler les critères mentionnés ci-dessus et permettant d'identifier un groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existants et d'apprécier si une construction est située en continuité des bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants.

7. Si Mme B... fait valoir que le terrain d'assiette du projet se situe dans le hameau de Pratavone et en continuité avec des groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, que celui-ci, bien que proche de trois habitations, est situé dans un secteur d'urbanisation diffuse au sein d'un vaste espace naturel. Dans ces conditions, et alors même que le lieu serait habituellement désigné comme le hameau de Pratavone et qualifié de hameau sur le site internet de la commune, eu égard à la faible densité de l'habitat dans ce secteur, le projet ne peut être regardé comme situé en continuité d'un hameau ou d'un groupe d'habitations existant au sens des dispositions précitées, quand bien même le terrain d'assiette serait desservi par la voirie et les réseaux publics autres que d'assainissement.

8. En dernier lieu, si Mme B... fait valoir qu'elle est victime d'une rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors que d'autres projets de construction auraient été autorisés dans le même secteur, elle n'établit pas que les terrains d'assiette desdits projets présenteraient, au regard de l'appréciation des dispositions de l'article L. 122-5 précité du code de l'urbanisme, les mêmes caractéristiques que le sien.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par Mme B... ainsi que, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, ses conclusions tendant à la réparation de préjudices subis du fait d'une rupture d'égalité doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la commune de Cognocoli-Monticchi et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2023.

N°21MA0118102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01181
Date de la décision : 06/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. - Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : ABATI - ANTOMARCHI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-06;21ma01181 ?
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