Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Bélesta à lui verser la somme de 43 651,20 euros en réparation de son préjudice matériel consécutif à la résiliation pour faute du contrat de délégation de service dont elle était titulaire ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi.
Par un jugement n° 1901623 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Bélesta à lui verser une somme de 34 000 euros et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 21MA01544, le 23 avril 2021 et le 15 juillet 2022, la commune de Bélesta, représentée par Me Joubes, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 février 2021 ;
2°) de confirmer la résiliation de la convention de délégation de service public ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont communiqué ni le mémoire en réplique produit par la requérante alors que les écritures initiales de sa demande étaient sommaires ni la note en délibéré qu'elle a produite à l'issue de l'audience ni les pièces transmises par la commune à la suite d'une mesure d'instruction diligentée trois jours avant la tenue de l'audience ; leur jugement est dès lors irrégulier en raison du non-respect du principe du contradictoire ;
- la décision du 9 novembre 2018 portant résiliation de la convention de délégation de service public confiant à Mme A... la gestion et l'exploitation d'un service public communal de type " multiservice épicerie café snack " est suffisamment motivée et a été prise à l'issue d'une procédure régulière dans le respect du principe du contradictoire ;
- dans le cadre de la procédure prévue par les stipulations des articles 1.5 et 1.6 de la convention en cause, elle a résilié ladite convention en raison de la méconnaissance par Mme A... de ses obligations en matière de missions de service public telles qu'énoncées à l'article 2.1 de la convention quant aux services proposés et aux horaires d'ouverture du multiservice et concernant les règles d'hygiène telles que prévues par les stipulations de l'article 2.2 de la convention, en raison du dépôt d'objets divers et variés sans sollicitation préalable de l'avis du délégant, et enfin, en raison du comportement général de la délégataire notamment à l'égard de la clientèle ;
- en tout état de cause, si, en principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, ce n'est que pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain ;
- la réalité du préjudice allégué tant matériel que moral n'est pas davantage établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, Mme A..., représentée par Me Manya, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune de Bélesta la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 18 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er septembre 2022 à midi.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 21MA01545, le 23 avril 2021 et le 15 juillet 2022, la commune de Bélesta, représentée par Me Joubes, demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 25 février 2021 ;
2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué est susceptible d'avoir des conséquences difficilement réparables, d'autant que l'intéressée est partie sans laisser d'adresse et que son entreprise a été radiée ;
- les moyens qu'elle développe dans sa requête d'appel présentent un caractère sérieux, propre à justifier le sursis à l'exécution du jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Manya, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune de Bélesta la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 18 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er septembre 2022 à midi.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Diaz, pour la commune de Bélesta, et de Me Akacha, substituant Me Manya, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Bélesta, qui est propriétaire d'un commerce multiservice, épicerie et snack, a conclu avec Mme A..., le 5 juillet 2018, un contrat de délégation de service public lui confiant la gestion et l'exploitation du commerce pour une durée de trois ans, reconductible une fois. Le 9 novembre 2018, le maire de Bélesta a prononcé la résiliation de cette convention aux torts de la délégataire. Par un courrier du 3 janvier 2019, Mme A... a présenté une demande préalable indemnitaire en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de la décision de résiliation unilatérale de la convention la liant à la commune. Sa demande a fait l'objet d'une décision de rejet du 26 février 2019. Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Bélesta à lui verser la somme de 43 651,20 euros en réparation de son préjudice matériel, constitué des gains manqués, ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la commune à lui verser une somme de 34 000 euros, soit 33 000 euros au titre de son préjudice matériel et 1 000 euros au titre de son préjudice moral. La commune de Bélesta fait régulièrement appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Pour juger de l'illégalité de la décision par laquelle la commune de Bélesta a résilié la convention de délégation de service public conclue le 5 juillet 2018 avec Mme A... lui confiant la gestion et l'exploitation du commerce multiservice pour une durée de trois ans, les premiers juges ont estimé que la décision de résiliation ne reposait sur aucun élément matériel établi alors qu'il lui était reproché d'avoir modifié les plages horaires du service. Pour la première fois en appel, la commune de Bélesta produit vingt attestations d'habitants ou d'usagers du commerce ainsi que l'attestation de l'ancienne secrétaire de mairie de Bélesta faisant état, à de nombreuses reprises, en juillet et août 2018, de sa fermeture aux horaires pourtant indiqués sur la devanture et prévus par la convention de délégation de service public. Par conséquent, les manquements reprochés à Mme A... et qui ont fondé la décision de la commune de Bélesta de résilier la convention de délégation de service public sont établis et de nature à justifier la mesure de résiliation.
3. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bélesta est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le moyen tiré de l'absence de la matérialité des manquements qu'elle reprochait à sa délégataire.
4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif.
5. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / [...] / 2° Infligent une sanction. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
6. La décision du 9 novembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Bélesta a résilié la convention de délégation de service public conclue avec Mme A... mentionne les manquements qui lui sont reprochés et qui tiennent à la modification des horaires d'ouverture du multiservice en méconnaissance des stipulations de la convention de délégation de service public. Elle est donc suffisamment motivée en droit et en fait.
7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". L'article L. 122-1 du même code prévoit que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ".
8. En l'absence de stipulations dans la convention de délégation de service public prévoyant une procédure contradictoire spécifique, la décision par laquelle le maire de la commune a résilié cette convention pour manquements de Mme A... à ses obligations contractuelles, était soumise à la procédure contradictoire de droit commun prévue par les dispositions précitées. Toutefois, si ces dispositions impliquent que l'intéressé ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde, et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations, elles n'imposent à l'administration ni d'informer l'intéressé de sa faculté de présenter des observations écrites, ni de lui communiquer les griefs qui lui sont reprochés par lettre recommandée avec accusé de réception.
9. Il résulte de l'instruction que Mme A... a été reçue par le maire de Bélesta le 4 septembre 2018 et elle ne conteste pas avoir ainsi été informée des manquements qui lui étaient reprochés et de la volonté du maire de saisir le conseil municipal, lors de sa prochaine réunion, qui devait avoir lieu le 13 septembre suivant, afin d'être autorisé à résilier la convention qui liait la commune à Mme A.... Il était ainsi loisible à cette dernière de présenter utilement des observations écrites, la décision de résiliation n'étant intervenue que deux mois plus tard, le 9 novembre 2018. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la procédure prévue par l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration a été méconnue.
10. En dernier lieu, la circonstance que le courrier de résiliation du 9 novembre 2018 ne comportait pas la mention des voies et délais de recours est en tout état de cause sans incidence sur sa régularité.
11. Il résulte de ce qui précède que la décision du 9 novembre 2018 par laquelle la commune de Bélesta a décidé de résilier la convention de délégation de service public conclue avec Mme A... n'est pas entachée des irrégularités alléguées.
12. La commune n'ayant pas commis d'illégalité fautive susceptible d'engager sa responsabilité, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de Mme A... et l'a condamnée à lui verser la somme de 34 000 euros. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, il y a lieu de prononcer l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
13. La Cour s'étant prononcée sur l'appel de la commune de Bélesta contre le jugement du 25 février 2021, il n'y a pas lieu pour elle de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A... dirigées contre la commune de Bélesta qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros, à verser à la commune de Bélesta en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par la commune de Bélesta dans sa requête enregistrée sous le n° 21MA01545.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 février 2021 est annulé.
Article 3 : La demande de Mme A... est rejetée.
Article 4 : Mme A... versera à la commune de Bélesta une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de Mme A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Bélesta.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2023, où siégeaient :
- Mme Laurence Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2023.
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Nos 21MA01544 - 21MA01545