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23/01/2023 | FRANCE | N°22MA02385

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 23 janvier 2023, 22MA02385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés en date du 23 avril 2022 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée de deux ans, et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2203495 du 5 mai 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédur

e devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2022, M. B... A..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés en date du 23 avril 2022 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée de deux ans, et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2203495 du 5 mai 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2022, M. B... A..., représenté par Me Braccini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203495 rendu le 5 mai 2022 par la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler les arrêtés du 23 avril 2022 lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- il peut bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour par le travail eu égard à sa bonne insertion professionnelle ;

- la circulaire du 28 novembre 2012 a été méconnue ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- il entend soulever l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est entachée d'une erreur d'appréciation.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

La demande d'aide juridictionnelle déposée par M. A... a été déclarée caduque par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 2 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,

- et les observations de Me Braccini pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité turque, né le 22 octobre 1995, serait entré en France le 15 octobre 2012. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à compter de février 2013 puis a bénéficié de contrats jeune majeur. Il a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité d'étudiant valable du 15 novembre 2013 au 14 novembre 2014. Sa demande de changement de statut aux fins d'obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié " a été rejetée par arrêté du 6 novembre 2015 assorti d'une obligation de quitter le territoire français. A la suite d'une interpellation, M. A... s'est, de nouveau, vu opposer une obligation de quitter le territoire français. Le 2 août 2018, M. A... a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail, qu'il a complétée le 29 janvier 2019 en produisant un contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi de cuisinier au sein de la SARL Diyar. Par un arrêté du 24 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande de titre de séjour, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... n'a pas déféré à cette obligation et a été de nouveau interpelé le 23 avril 2022. Par arrêtés du même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé de l'obliger sans délai à quitter le territoire français avec interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence. M. A... interjette appel du jugement du 5 mai 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des deux arrêtés du 23 avril 2022.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort de la lecture de l'arrêté en litige que celui-ci comporte de façon suffisamment circonstanciée l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, et détaille la situation du requérant. En effet, l'arrêté vise les textes dont il fait application, notamment, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui des relations entre le public et l'administration. Il vise également les faits qui en constituent le fondement, à savoir les circonstances de l'entrée et du séjour de l'intéressé en France, ainsi que sa situation personnelle et familiale et rappelle les précédentes obligations de quitter le territoire français dont a fait l'objet M. A.... Par suite, la décision attaquée est suffisamment motivée et n'est pas entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

4. M. A... se prévaut de son insertion professionnelle en qualité de cuisinier. S'il ressort des pièces du dossier que le requérant a exercé une activité professionnelle en qualité d'aide cuisinier, cuisinier ou chef cuisinier au sein de la SARL Lezzet du 18 novembre 2014 au 1er décembre 2014, de la société Helin Kebab du 26 janvier 2015 au 31 octobre 2015, de la société Palandoken du 4 janvier 2016 au 28 août 2017, de la société Istanbleu du 6 février 2018 au 20 avril 2018, de la société Lezzet du 1er juin 2018 au 31 octobre 2018 puis de la société Diyar à compter de janvier 2019, il en ressort également que l'intéressé qui a, au demeurant, souvent travaillé à temps partiel ou dans des entreprises familiales ne justifie pas d'une stabilité suffisante dans l'exercice de son activité professionnelle. Par ailleurs, la circonstance qu'il ait été bénéficiaire d'un contrat de travail à durée indéterminée au sein de la SARL Diyar dont il est associé à 70 % n'est pas non plus de nature à caractériser l'existence de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet intimé aurait commis, dans l'application de ces dispositions, une erreur manifeste d'appréciation doit, en tout état de cause, être écarté.

5. En troisième lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de ce que cette circulaire aurait été méconnue doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... fait valoir être entré en France à la fin de l'année 2012, avoir été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant sa majorité et vivre en France aux côtés de son épouse et de leurs deux enfants. Il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que le requérant a fait l'objet de trois précédentes obligations de quitter le territoire français les 6 novembre 2015, 3 juillet 2017 et 24 mai 2019, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Marseille puis la cour administrative d'appel de Marseille, sans y déférer. Par ailleurs, son épouse, entrée en France en 2017, également de nationalité turque, est en situation irrégulière en France, sa demande d'asile ayant été rejetée. Il est également constant que les parents et une partie de la fratrie de M. A... vivent en Turquie. Rien ne fait dès lors obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Turquie. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait privée de base légale.

9. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la date de la décision contestée : " Lorsqu' aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 612-10 dudit code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né en 1995, est entré irrégulièrement en France en octobre 2012, sans toutefois justifier s'y être maintenu continuellement dès lors qu'il s'est marié en Turquie le 15 janvier 2015. Par ailleurs, il n'a, ainsi qu'il a été dit précédemment, pas exécuté trois précédentes obligations de quitter le territoire français en date des 6 novembre 2015, 3 juillet 2017 et 24 mai 2019. Il n'établit pas, non plus, qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il est constant que résident ses parents ainsi que sa fratrie à l'exception de l'un de ses frères. S'il ressort des pièces du dossier qu'il est père de deux enfants nés les 26 octobre 2017 et 9 février 2022, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Turquie, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a, en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A... ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2023.

N° 22MA0238502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02385
Date de la décision : 23/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : BRACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-23;22ma02385 ?
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